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Love is Blind : la pression de trouver l’âme sœur
Je suis la personne la plus naïve du monde, prête à croire n’importe quoi (sauf que la terre est plate, ou que les Cheetos ne sont pas dignes de figurer dans le guide alimentaire canadien), mais pas en l’amour. Quand j’écoute The Real Housewives of Beverly Hills, Love Island ou une vidéo de gang bang sur PinkLabel, je ne sens pas que ces relations bite-centrée et hétéronormatives sont inspirantes dans ma propre quête de bonheur. Sauf que je suis tombée sur Love is Blind et mon cœur s’est transformé, en l’espace d’une émission, en fraise Tagada.
Trouver l’âme sœur en tête-à-tête avec un décanteur
Le couple à l’animation, Vanessa Lachey et Nick Lachey, propose à des inconnus de s’isoler le temps de quelques rendez-vous dans des pods, petites cabines où les participant.e.s peuvent s’entendre, mais pas se voir. Imaginez-vous ces pods comme des cellules pleines de décanteurs fancy, de coussins et probablement d’acariens, à partir desquels, confortablement installé, on pose des questions à son vis-à-vis, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Es-tu introverti? Es-tu une stripper? Cuisines-tu? L’objectif étant de découvrir son âme sœur, isolés les uns des autres derrière une vitre aux couleurs d’un trip de champignons magiques.
Insistant lourdement sur la question fondamentalement philosophique de l’émission (est-ce que l’amour est aveugle / est-ce possible de tomber en amour émotionnellement avec une personne jamais rencontrée, mais qui correspond anyway à la majorité des critères de beauté de la société ?), les Lachey accompagnent les participants à travers ce désir d’être amoureux. Même s’ils ne peuvent se voir pendant la phase de dating, qui ne peut se conclure, étrangement, que par une demande en mariage, les participants prennent le temps de s’habiller comme s’ils se rendaient à un bal de finissants quétaine ou à une soirée de financement pour un cercle de jeunes philanthropes.
Si l’amour est aveugle momentanément, l’alcool (qui coule à flot) lui, rend tout possible. Lorsque Jessica, qui donnera plus tard à son chien un verre de vin, répond que la chose la plus weird à propos d’elle est qu’elle a l’air très féminine, mais qu’elle aime le sport et qu’elle ne pourrait jamais sortir avec un gars qui n’aime pas le sport, la honte ne l’étouffe pas. Je ne suis pas la pro des jugements, mais si la chose la plus weird est que vous aimez le sport, faites-vous tatouer le nom de votre voisin sur votre pubis.
Une vulnérabilité plus vraie que les coussins en imitation de poils d’épagneul
Alors que je regardais l’émission simplement pour être divertie en changeant la couleur de mon vernis à ongles, Lauren et Cameron m’ont touchée. À la question « qu’est-ce que tu recherches chez un partenaire », Lauren a répondu qu’elle souhaitait un gars qui la soutient et qui, e passant ses bras autour d’elle, la ferait sentir toute petite. En prononçant ces mots, son corps m’a semblé saisi par cette envie. Cameron s’est à son tour montré vulnérable, les yeux pleins d’eau, lors d’un deuxième rendez-vous, avouant qu’il avait pensé à Lauren, qu’il se l’était imaginée. Lauren lui a dit qu’elle l’aimait, ce qui a tiré des larmes à Cameron, puis il lui a avoué qu’il l’aimait aussi. Cette déclaration a coupé le souffle à Lauren, à un point tel qu’elle a dû se rafraîchir en utilisant un coussin « imitation de poils d’épagneul mauve » en guise d’éventail. Ils se sont dit qu’ils avaient peur, mais qu’ils avaient confiance aussi. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai pleuré la première fois, silencieusement. Quand ils se sont enfin vus, celle qui n’était jamais sorti avec un homme blanc a craqué : « Tu es beau. Tu ressembles à un prince. Un prince charmant. »
J’ai trouvé ça beau de voir des gens capables de s’aimer, de vouloir s’aimer, surtout, et de se l’avouer. Je ne pleure pas devant Love Actually, mais devant Lauren et Cameron, puis devant Amber, l’ex-cheerleader et ex-membre de l’armée, qui charme Barnett en rigolant comme une truie, oui. Même la soulpreneur Giannina et Damian ont fait couler de manière très séduisante des larmes contre le fard sur mes joues. Quand elle a enlevé des poils de chat imaginaire sur ses habits, quand il lui a dit qu’il voulait quelqu’un pour l’aimer pour qui il est ET pour qui il n’est pas.
Une intimité précipitée et des mariages pervertis
En un mois, l’intimité précipitée et la perspective d’être amoureux pour la vie a inspiré huit demandes en mariage (seulement six ont été révélées lors de la diffusion de Love is Blind), alors que les producteurs s’attendaient à une ou deux propositions maritales. Celles-ci ont été suivies d’enterrements de vies de jeunes filles avec strippers et de soirée intellos avec canapés-œuvres-d’art pour les futurs maris. La participante qui avait dit détester entendre les gens respirer n’a pas trouvé de compagnon. Carlton, qui a traité Diamond de bitch, a lancé sa bague dans une piscine instagrammable. Pourquoi l’avait-il insulté de la sorte? Parce qu’elle avait besoin de temps pour surmonter la trahison qu’elle avait ressentie quand Carlton lui avait avoué, tardivement dans l’expérience, avoir déjà eu des relations avec des hommes.
J’ai commencé à décrocher quand j’ai vu les participants et leur famille freaker devant les mariages qui approchaient. Pour moi c’était forcer un modèle qui ne convient pas à tous. Si l’amour est aveugle, l’hétéronormativité et la monogamie peuvent aussi être décevantes. Jessica avait peut-être juste envie de baiser en renversant du champagne sur les seins de Giannina. Peut-être qu’un threesome avec Barnett était une fin d’aventure idéale à ses yeux. On ne le saura jamais.
Ajoutons que l’émission laisse place à des événements importants comme la lune de miel, un rap devant une future belle-mère, l’essai de robes de mariage qui nécessitent des altérations à mille dollars, mais qu’il n’y a pas de consultation de sexologue, de psychologue ou (pourquoi pas) de voyante. Ça aurait pu être utile, sachant que les incompatibilités sexuelles (« Tu m’as dit que j’étais la meilleure baise, mais tu ne m’as jamais demandé ce que moi j’en pensais », a asséné Giannina à Damian) et les doutes poussent les relations vers des conclusions parfois sordides. Quand Giannina se sauve, en robe blanche et souliers aux talons de six pouces, trébuchant dans un boisé près d’une autoroute, et que Kenny supplie un caméraman de cesser de le filmer, ce que le caméraman ne fait pas, j’ai recommencé à flatter mon chat plutôt et j’ai séché mes larmes. « Tout est de la merde », a résumé la mère de Giannina.
Les rêves et désillusions de l’amour en 10 épisodes
Tout n’est pas de la merde : le chien de Jessica n’est pas mort d’une intoxication au vin rouge, Amber n’est pas en prison pour avoir battu les autres concurrentes et les réincarnations de César et Cléopâtre ont déjà choisi quelle pièce accueillera le berceau de leur premier enfant. Love is Blind n’est pas révolutionnaire ni totalement biaisé. La téléréalité montre en accéléré, sans s’embarrasser d’un discours pseudo scientifique à la Mariés au premier regard, l’envie d’être, tout simplement, en amour pour toujours.