Près de sept ans après leur dernier spectacle à Montréal, le mythique groupe français Louise Attaque était de retour pour un concert dans le cadre des Francofolies. Un spectacle qui en contient en quelque sorte deux. Une première partie, plus nostalgique, dédiée à leur premier album, qui célébrait récemment ses 25 et qui reste toujours l’un des albums francophones les plus vendus de tous les temps. Et une deuxième où le groupe interprète des morceaux de leur dernier album, Planète Terre.
Entre leurs soundchecks et une visite au Schwartz’s, on s’est assis quelques minutes avec le groupe pour en savoir plus sur leur relation avec le Québec, l’importance de prendre des pauses, et de leurs racines DIY.
URBANIA: Vous n’étiez pas venus depuis 2016, et on me dit que vous n’êtes ici que pour 48h?
Gaëtan Roussel : Oui c’est rapide, mais on est très contents d’être là! On n’a pas hésité une seconde, on est toujours content de venir ici, on est accueillis chaleureusement, et ce depuis des années.
Dès la première fois, on a été super bien accueillis, et ça a été le cas à chaque fois. Souvent dans le cadre des Francofolies, mais aussi pour des spectacles à Sherbrooke, à Québec. Donc dès qu’on peut, on vient avec plaisir. Et puis, être loin de chez soi et de voir qu’il y a des gens qui ont encore envie d’écouter nos chansons, de venir aux concerts, ça donne de l’énergie. En fait, on vient ici prendre toute l’énergie dont on a besoin pour faire nos festivals en France!
On me parle souvent d’une série de trois concerts légendaires que vous avez donnés au Medley, à la fin des années 90. Vous vous en souvenez?
GR : Oui, on s’en rappelle très bien! Je crois que c’est la fois où on a passé le plus long séjour ici. En fait, c’était une période un peu spéciale pour nous, parce qu’on avait joué des chansons de notre deuxième disque, qui n’existait pas encore. Donc on était venus les jouer, et après on est allé les enregistrer. C’est un super souvenir! Un peu froid, par contre… Mais beaucoup de chaleur à l’intérieur du Medley.
On sait que vous faites souvent des pauses entre vos tournées et vos albums, souvent pour travailler sur d’autres projets. Est-ce que c’est important pour vous, ces petites pauses, afin de mieux revenir ensemble pour créer?
Arnaud Samuel: Ce ne sont pas de petites pauses, parfois elles sont très longues! Surtout, elles ne sont pas prévisibles, ni quand elles vont arriver ni combien de temps elles vont durer. Par contre, c’est quelque chose qui s’est un peu imposé à nous au départ. Parce que plutôt que de rompre le groupe par manque d’inspiration, on a préféré se dire « Mettons-nous sur pause pour voir si de nouveau, lorsque nous nous retrouverons, on sera plus inspirés ».
Au fil du temps, on a appris qu’on pouvait d’autant plus s’inspirer mutuellement parce qu’on avait acquis de l’expérience à l’extérieur de Louise Attaque. De profiter aussi des moments où on a besoin de s’oxygéner à l’extérieur, individuellement, et de vivre sa propre vie artistique, pour ensuite avoir quelque chose à proposer en revenant vers l’autre.
Donc diriez-vous que les autres projets nourrissent Louise Attaque, ou vice-versa?
AS : Je crois que les deux sont valables, c’est-à-dire que quand on démarre un autre projet, on ne commence pas vierge. On a aussi notre expérience acquise avec le groupe. Mais à l’inverse, je crois que quand on fait des projets avec d’autres personnes, ou même seuls, on revient vers le groupe en étant enrichis de ce temps passé ailleurs.
« si vous spéculez sur ce que la personne veut entendre, vous êtes foutus. Ça se fait dans son coin, sinon on est morts. »
Pour votre plus récent album, Planète Terre, vous vous êtes fixé une limite de 25 jours pour l’écrire. Est-ce que c’était important pour vous de vous mettre ce genre de pression là?
Robin Feix : La pire chose pour un groupe, c’est l’inertie, et on l’a connu, ça! On voulait y échapper, alors cette idée qu’on se soit resserrés comme ça, chez Arnaud, nuit et jour, que tous les trois, ça nous évitait de parler pendant des heures de « est-ce que je veux faire ci, est-ce que je veux faire ça », et puis de ne rien faire au final.
Ça nous a pressés un peu comme ça, mais pour l’inspiration ça a été tout à fait bénéfique.
Y a-t-il beaucoup de choses qui ont changé, dans votre manière de travailler ensemble, au fil des années?
Peut-être qu’on est un peu plus détendus les uns avec les autres, alors c’est plus facile de se dire « ah, c’est super ça! ».
Après, on a gardé nos instruments de prédilection, c’est quelque chose qui nous plaît. Ça fait partie de notre langage, ce qui ne nous empêche pas d’aller ailleurs, de laisser des gens nous aider avec la production et tout ça. On arrive à être un peu plus joueurs en studio, un peu plus ludiques. On a un peu moins peur du moment. Comme tout le monde, personne ne veut une recette, mais tout le monde veut qu’on le reconnaisse!
Donc on essaie de se promener à travers ça, d’avoir une certaine singularité. Ce qui a le plus changé, c’est nous!
Vous êtes un groupe si important dans la vie des gens; est-ce qu’il y a quand vous entrez en studio une certaine peur que les gens s’attendent à autre chose?
L’important c’est que ce que vous avez fait, vous ayez envie de le défendre. Si vous êtes sûrs de ça, vous croiserez des gens qui aiment, des gens qui n’aiment pas. Bon, c’est la vie!
Est-ce qu’on préfère qu’on se dise : « J’aime moins, mais c’est très différent d’avant » ou « J’aime parce que c’est toujours pareil »? Moi, je crois que je préfère qu’on me dise « J’aime moins, mais c’est différent », vous avez une petite chance de récupérer la personne sur le tour d’après. On essaie de se promener là, en sachant qu’il y a des gens pour qui J’t’emmène au vent c’est toujours J’t’emmène au vent et qui n’écoutent que celle-là, et d’autres qui préfèrent d’autres chansons.
Nous on essaie surtout d’être à fond dans ce qu’on fait. Et on joue les chansons d’hier avec plaisir. Après, la peur de décevoir est toujours là, mais si vous spéculez sur ce que la personne veut entendre, vous êtes foutus. Ça se fait dans son coin, sinon on est morts.
Est-ce que je me trompe si je dis que vous avez une fibre un peu punk DIY, que vous aimez faire les choses vous-même au maximum, ou du moins avec vos amis?
RF: Oui, il y avait ce truc dès le début. D’ailleurs avec nos choix d’instruments acoustiques, qui n’étaient pas forcément faits pour du rock qui envoie comme ça. Et puis le côté punk, oui, on ne sait pas très bien jouer! (rires)
Fatalement, il y avait un rapport avec cette idée de ‘on connaît trois accords et on en fait une chanson’. Ça fait partie de l’ADN aussi de Louise Attaque, même si on est allés maintes fois en studio.
GR: Après, même s’il y a des choses de l’ordre de l’expression qui peuvent rester, énormément de groupes punk jouent très bien! C’est pas le défaut, c’est aussi ce que vous avez envie d’accepter, quand vous êtes en situation de groupe. Parce qu’être dans un groupe, c’est pas forcément des situations de politesse, où on se laisse la place, où on va jouer moins fort pour laisser l’autre y aller. Non, non, non, rien à foutre! Moi je joue, tu joues, tu te débrouilles!
Et tout à coup, les places se font, un peu comme des fratries. Il y a des émulations comme ça qui se font, et c’est ça, vraiment être ensemble. Il y a des tensions dans le bon sens du terme, du nerf, et ça c’est super. Tout le monde veut raconter son histoire, tant mieux si à la fin, s’en est une mêlée.
Alors étant DIY, si Louise Attaque devait se former aujourd’hui, seriez-vous le genre de groupe qui est actif sur TikTok, ou seriez-vous plutôt du genre à seulement vendre vos chansons sur Bandcamp?
GR: Je pense qu’on serait en train de se demander si on devrait aller sur TikTok. En tout cas à l’époque on a fait des choix, et de temps en temps on ne faisait pas les bons choix, moi je trouve.
On faisait le bon choix de vouloir rester groupés ensemble, après quand le deuxième disque qui est arrivé, on aurait dû être conscients qu’on avait la chance que plein de gens avaient envie de nous écouter.
On aurait dû foncer dans des spectacles plus grands, mais qui nous ressemblent.
On a pensé que pour que ça nous ressemble, il fallait que ce soit pareil qu’hier. Ça, je pense à titre personnel que ce n’était pas le bon choix. Maintenant, est-ce qu’on se dirait, ‘Ah, TikTok c’est too much? Sans doute, mais on aurait tort. Donc j’espère pour nous qu’on aurait cette envie de se dire oui. Il faut que ça nous ressemble, la seule chose importante dans la vie c’est que ça vous ressemble.
On a mis la forme avant le fond, de mon point de vue.
Avez-vous encore ce sentiment d’émerveillement, quand vous vous promenez et que vous entendez une de vos chansons jouer dans un magasin, ou à travers la radio d’une voiture?
Tous ensemble: Oui, bien sûr!
GR: Quand les gens chantent, aussi. Ce qui est très touchant, c’est quand les gens nous disent que ça leur rappelle telle ou telle chose. Des trucs du genre « Quand j’avais sept ans, je n’aimais pas vos chansons, mais mon grand frère en écoutait tout le temps » et des choses comme ça. Quitte à avoir 25 ans derrière soi, autant que ça puisse être partagé à travers des bons moments et souvenirs comme ça. Quoi demander de plus?