« -J’ai pas encore vraiment fait d’entrevue, fak c’est un début le fun vu que c’est pas…
– Professionnel?
– Ouais! »
C’est comme ça que débute l’entretien avec Lou-Adriane Cassidy et Jason Bajada. Sirotant une crème de menthe, le duo ouvre leur échange en parlant d’un livre, Sapiens, qu’ils ont tous les deux lu. Jason demande alors si Lou-Adriane a lu la suite.
Angoisses
« J’ai pas lu l’autre, parce qu’après le premier j’avais trop capoté. J’écoutais le livre et ça parlait de la morte imminente, des nouvelles maladies et des infections du futur. J’ai pas réussi à continuer. J’ai arrêté parce que je me voyais mourir dans les prochaines 25 secondes. Le passé c’est moins angoissant que le futur, parce qu’on sait déjà ce qui est arrivé.
– Ça t’angoisse le futur?
– Oui vraiment
– Pourtant t’as tout ton futur devant toi.
– C’est justement ça qui est stressant! »
La conversation dévie tranquillement sur des sujets plus légers : première brosse, histoire de trips de mush, la peur d’essayer de nouvelles choses, tout en étant attiré vers elles. Soudainement, le sérieux de la discussion revient.
« As-tu peur de la mort?
Oui.
Et est-ce que t’as peur de lancer ton premier album?
Ouais c’est sûr. »
Les premiers pas
Du haut de ses 21 ans, Lou-Adriane Cassidy sort cette semaine le premier album de sa jeune carrière. Une proposition où se mélangent folk, pop et chansons à textes. Bien que l’album arrive dans les bacs en ce moment même, l’artiste a déjà pris une certaine distance par rapport à l’œuvre.
« C’est vraiment bizarre parce que ça fait vraiment longtemps qu’il est fini. Il était prêt en juillet et il était censé sortir cet automne. Finalement, il se passait trop de choses cet automne pour moi alors il va voir le jour en hiver et je ne serai même pas au Québec quand il va sortir. Les délais ont fait que j’ai pris de la distance avec l’album et les chansons.
As-tu l’impression quand tu les joues que ça devient des espèces de covers?
En fait j’essaie de toujours avoir cette relation-là avec mes chansons. J’ai toujours accordé de l’importance au travail de l’interprète. Écrire une chanson ça veut pas dire que t’as trouvé ce que tu voulais vraiment dire avec le texte. Ça veut pas dire non plus que t’as été 100 % honnête avec ce que tu voulais dire au moment de la composer.
J’essaie de toujours traiter chaque chanson sur un pied d’égalité pour qu’elle vive à l’extérieur de moi et qu’elle retrouve un sens quand je l’interprète. »
Ce respect pour le travail d’interprète l’a d’ailleurs amené à aborder la démarche de son album différemment, jusqu’à ce qu’un événement la pousse à la création.
« Mon projet au début c’était de faire un album de chansons originales, écrites par d’autres personnes, mais pour moi. Je voulais pas écrire à ce moment-là, juste être interprète. Et en allant à Petite Vallée y a trois ans j’ai vu Philémon en spectacle pour la première fois et ça m’a vraiment donné une claque.
Après on a jasé et je lui ai expliqué ma démarche et on a fini par parler qu’il devrait m’écrire une chanson. On s’est revus après pour écrire ma chanson et on faisait presque de l’écriture automatique. Il me demandait, mettons : C’est quoi tes peurs? Finalement, on a rempli 3 pages avec des questions comme ça. »
Le résultat a finalement donné un album riche avec lequel Jason est tombé en amour immédiatement en l’écoutant.
« Les arrangements me semblent très fignolés et j’ai comme pas les mots pour décrire à quel point c’est fort. Je me demandais comment c’était arrivé de partir de ta voix et ta guitare pour arriver à de quoi d’aussi gros.
Je pense que c’est surtout que j’ai des bons musiciens. Et même si j’aime ça avoir le dernier mot sur un projet, j’aime aussi m’entourer de gens talentueux qui viennent bonifier mes idées.
Disons qu’on est rendu pas mal loin de la chanteuse folk juste avec sa guite…
Pis tant mieux! Parce que j’aime ben le folk, mais des gens qui font ça y’en a déjà beaucoup.
Y a de quoi de paradoxal parce qu’autant j’accorde une place importante à la chanson dans son ADN pur avec les textes et les accords, autant pour moi c’est important que ma musique soit aussi intéressante et surprenante. Même si j’aime les tounes à deux accords, je pense que j’aurais de la misère à en faire. »
La musique comme mode de vie
Parce que Lou-Adriane a une relation particulière avec la chanson pure, de par sa jeunesse qu’elle a passée en baignant dans la musique.
« C’est bizarre parce que mon rapport avec la musique a toujours été soit académique ou professionnel. »
« Ma mère fait de la musique et mon père est prof d’histoire de la musique à l’Université Laval. Donc j’ai toujours baigné dans la musique. J’avais 2 ans et ma mère m’amenait en tournée; elle me faisait même chanter sur la scène des fois. Ensuite, j’ai continué dans un programme d’art-étude de 8 à 12 ans : en avant-midi on avait des cours “normaux” et en après-midi on faisait des cours de musique, de solfège, des petites comédies musicales. J’ai continué le programme encore pendant 5 ans au secondaire. »
Ce lien intense avec la musique depuis un très jeune âge a changé nécessairement sa relation avec la discipline.
« C’est bizarre parce que mon rapport avec la musique a toujours été soit académique ou professionnel. Fak j’ai jamais eu vraiment de déclic de “Moi je veux faire ça”, ça toujours aller de soi.
Ça faisait partie du paysage.
Ouais et c’est drôle parce que pour beaucoup de gens, le mode de vie des musiciens c’est bizarre, tandis que pour moi c’est le 9 à 5 qui est weird vu que j’ai jamais vécu ça dans mon entourage.
As-tu une curiosité envers ça?
Mmmm nah pas vraiment. La seule affaire que je trouve nice du 9 à 5 c’est de rentrer chez toi le soir et que tu te sentes pas mal de rien faire. Même si notre travail est beau ça veut quand même dire qu’on travaille tout le temps, même quand on dort. »
Bien qu’avoir évolué dans la musique depuis toujours l’a aidée sur plusieurs points, il y a encore des aspects du métier qu’elle devra apprendre à dompter. Mais ça, ce sera pour une autre histoire…
Pour entendre Jason Bajada et Lou-Adriane Cassidy jaser de tout ça, de trips de mush et de la réalité de faire partie du band d’Hubert Lenoir, écoutez le dernier épisode des Bajada Dialogues juste ici!