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En honneur d’Invasion Cocktail qui s’en vient sous peu, on vous raconte la petite histoire de vos cocktails favoris…
Connaissez-vous le Singapour Sling?
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Les Plouffe, du cinéaste Gilles Carles, a marqué le Québec; tout comme le personnage de Rita Toulouse, “une fille dégourdie et bien tournée” qui, au Château Frontenac, boit des Singapour Sling : un cocktail “extraordinaire”. Selon les dires du personnage interprété par Anne Letourneau, le Singapour Sling, “ça rend sentimental. On se sent bien, bien, bien.” Et à en croire la scène de minouches qui s’en suit, la noiraude dit vrai.
Créé au Long Bar du Raffles Hotel, un établissement anglais à Singapour, le cocktail rouge a survécu à deux guerres mondiales et au passage d’un nouveau millénaire : ce qui n’est pas rien! Malheureusement, si on tient compte du fait que la recette originale a été perdue il y a belle lurette, c’est surtout l’idée du cocktail et son nom qui ont tous deux réussi à échapper à l’épreuve du temps : pour le goût, on repassera.
En effet, victime de sa popularité, le cocktail subit d’atroces transformations et, dans les glorieuses années 1980, celui-ci n’est souvent plus constitué que de gin, de bar mix, de jus d’ananas et de trop de grenadine. On prend bien sûr le soin de décorer le verre d’un chic sabre de plastique miniature ou d’un petit parasol, avec lequel on a empalé une cerise marasquin rouge. Santé! Le Singapour Sling, un cocktail synthétique, atrocement sucré, chimiquement acidulé. Pourtant, la couleur vive et le goût peu naturel de la mixture ne semblent pas refroidir l’alter ego de Hunter S. Tompson, qui passe l’après-midi à siroter des Slings, dans Fear and Loathing in Las Vegas. Mais bon: Tompson n’en est pas à sa première expérience chimique… Heureusement, certains établissements offrent dorénavant un excellent Singapour Sling: une mixture qui devrait être complexe, herbacée, épicée et très légèrement fruitée.
Singapore Sling
2 onces de gin
1 once de brandy de cerise
½ once de liqueur Bénédictine
½ once de brandy
1 once de jus de lime frais
1 ½ once de soda
Agiter tous les ingrédients (à l’exception du soda). Verser dans un verre allongé et compléter avec l’eau gazéifiée.
Dry martini, meilleur ami de James Bond
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Le Dry Martini, meilleur ami de certains, a fait couler beaucoup d’encre, délié plusieurs langues et corrompu quelques esprits. C’est un cocktail qui a de la classe. Qui en boit fait montre de bon goût et de force de caractère, à l’image de son plus célèbre ambassadeur – un certain Bond, James Bond, qui, envers et contre tous, le préfère shaké. Mais le Dry Martini est aussi un breuvage traitre, puisque très fortement alcoolisé et, par conséquent, il est synonyme de décadence et d’excès. Fasten your seatbelts, its going to be a bumpy night!
Grand classique parmi les immortels, le Dry Martini est un des cocktails qui, au fil du temps, a le plus changé. De Martinez à Martini, tel un caméléon, il s’est métamorphosé selon les goûts changeants des populations, devenant de plus en plus sec. Adieu donc, Monsieur Vermouth! C’est d’une tristesse, parce que, comme l’affirme le romancier W. Somerset Maugham : “Le mal est une composante nécessaire de l’homme, tout comme […] Noilly Prat est une composante nécessaire au Dry Martini…”
Sec, extra dry, shaké, remué, dirty : voici une mixture qui a cassé la tête de bien des barmans. Pourtant, le Dry Martini n’est pas un cocktail si compliqué. En vérité, c’est surtout son buveur qui l’est. D’ailleurs, si l’assoiffé énonce convenablement ses attentes, un enfant arrive à mixer le cocktail royal : oui, même celui de James Bond ! Ceci étant dit, la place d’un enfant n’est évidemment pas derrière un bar. Après tout, comme le souligne si justement l’humoriste Steve Allen : “Ne laissez pas les enfants préparer des cocktails. Ça paraît mal et ils utilisent trop de vermouth.”
Dry Martini
2 onces de gin
¼ à 1/3 once de vermouth blanc
Remuer, sur glace, jusqu’à ce que le mélange soit bien froid. Verser dans un verre préalablement refroidit. On le décore d’un zeste de citron ou d’olives, au goût.
Les dessous du Manhattan
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Il faut se transporter à l’époque où les Dead Rabits et les Bowery Boys font la loi dans le quartier new-yorkais de Five Points. Dans les saloons, quelques sous payent à un homme une paille, mais surtout le droit de boire à même la barrique de whisky, aussi longtemps que son souffle le lui permet : c’est dans ce Manhattan-là, rustre, que naît le cocktail éponyme.
Surnommé le Drinking Man’s Drink, le cocktail des grands buveurs, le Manhattan possède, comme plusieurs voyous, un passé flou. En effet, personne n’a encore réussi à prouver qu’il est le père biologique de ce bad boy, mais il y aurait néanmoins de fortes chances que ce New-Yorkais soit né dans un débit de boisson de la rue Broadway, peut-être même au Niblo’s Garden : un théâtre et beer garden, immortalisé par la prose de Walt Withman. C’est aussi là que le grand homme de cirque P.T. Barnum a commencé sa carrière.
Vous vous souvenez de Dumbo, l’éléphant aux grandes oreilles de Disney? Celui-ci a été nommé en l’honneur de l’éléphant de Barnum, Jumbo : le pachyderme le plus célèbre au monde, reconnu pour sa grandeur, mais aussi pour sa soif colossale. En effet, Jumbo peut avaler jusqu’à deux gallons de whisky par jour! Pas étonnant donc qu’on ait aussi créé un cocktail portant son nom : un Manhattan, toujours, mais composé à parts égales de vermouth blanc, de vermouth rouge et de whisky. Ironie du sort, Jumbo meurt frappé par un train, en Ontario, alors qu’il est complètement sobre. La vie est parfois injuste…
Ceci étant dit, le Manhattan, « l’une des plus grandes contributions de l’Amérique à la civilisation » selon Irvin S. Cobb, est un cocktail fortement alcoolisé et, lorsque bu sans modération, il peut en effet faire voir des éléphants roses…
Manhattan
2 onces de rye whisky (ou bourbon)
1 once de vermouth rouge
2 traits d’amers Angostura
Verser tous les ingrédients sur glace et remuer. Verser dans un verre à cocktail. Décorer d’une cerise marasquin.
On l’aime notre Margarita!
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En 1953, on peut lire dans les pages du Esquire : “Elle provient du Mexique, Senores, et son nom est Margarita Cocktail. […] elle est agréable à regarder, excitante et provocante.” Miss Margarita, un cocktail relativement nouveau, est alors sur toutes les lèvres.
De tous les classiques siégeant au panthéon des cocktails, la jolie Margarita est la plus jeune; or, ses origines ne sont pas moins floues que celles des énigmatiques Manhattan et Martini. En effet, plusieurs ont affirmé l’avoir créée et, qui sait, la Margarita a peut-être bien été inventée à divers endroits en même temps – surtout qu’elle est, en soi, une variation d’une autre décoction mexicaine, le Daisy (tequila, citron et grenadine).
Très populaire, la Margarita est le cocktail le plus commandé en Amérique du Nord et demeure synonyme d’accomplissement : la récompense tant attendue après une longue journée au travail; le remontant nécessaire pour pallier aux embuches de la vie quotidienne; un baume sur une blessure encore fraîche. Un cocktail unique pour une situation qui mérite d’être soulignée par autre chose qu’une simple bière.
Par exemple, dans Kill Bill, Volume 2, le personnage de Budd prépare un plein pichet de Frozen Margarita après avoir, enfin, mis la mariée en terre. Il est sur le point de gagner un gros montant d’argent et la mixture semble être toute désignée pour célébrer comme il se doit la fin d’un boulot éreintant. Or, le pauvre cowboy n’a pas le temps de terminer son verre… Certains diront qu’une mauvaise vie et l’appât du gain l’ont mené à sa perte : mais peut-être que sa mort violente aurait à voir avec la piètre qualité du cocktail qu’il venait de préparer. La morale de l’histoire : mieux vaut se tenir loin des prémixtes.
Margarita
2 onces de tequila (100 % agave bleu)
1 once de Cointreau
¾ once de jus de lime frais
Remuer tous les ingrédients sur glace concassée. Servir dans un verre givré de sel, au goût.
Prenez-vous votre Old Fashioned comme Don Draper?
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Le Old Fashioned est un cocktail existentiel. Tel Hamlet, il pousse à de grandes réflexions : avec ou sans salade de fruits ; bourbon ou rye whisky, telle est la question.
On s’entend habituellement pour dire que le Old Fashioned est né au prestigieux Pendennis Club de Louisville. C’est pour répondre aux caprices du Colonel James E. Pepper, qui n’est guère friand du whisky straight, que le barman de l’établissement commet le terrible sacrilège d’ajouter à un spiritueux pur des amers, du sucre et de la glace. Aux anges, le Colonel propage ensuite la bonne nouvelle à travers le pays. Celui qu’on appelle alors le Whisky Cocktail devient, en 1895, le Old Fashioned.
Si Don Draper préfère le sien avec du whisky canadien et un doigt de seltzer, traditionnellement, le cocktail est composé de bourbon, de sucre et d’amers. Parfois, le verre peut même être couronné d’une cerise, d’un quartier d’orange ou de citron. Pendant la prohibition, sans doute pour camoufler le goût de l’alcool frelaté, cette salade de fruits décorative s’est retrouvée à l’intérieur le cocktail. Plus sucrée, cette nouvelle version pousse son prédécesseur en bas du podium, mais ne fait pas l’unanimité pour autant et s’impose comme une grande source de désaccord entre les amateurs.
Dès leur première soirée à la Maison Blanche, Harry Truman et son épouse, Bess, demandent qu’on leur apporte un Old Fashioned. Insatisfaite par le breuvage qu’on leur a servi, la première dame ordonne qu’on y mette plus de whisky. À son retour, la mixture est également décevante : trop d’amers. Puis trop sucrée… Frustré par ce manège ridicule, le chef de la maison décide de servir au couple deux bourbons straight, sur glace. Après s’être humecté les lèvres, Bess Truman lance au serveur en souriant : “Dites au chef qu’ils sont exactement comme je les aime, traditionnels.”
Old Fashioned
2 à 3 onces de bourbon
1 cube de sucre
2 à 3 traits d’Angostura
1 pelure de citron
Bien diluer le sucre avec les amers et quelques gouttes d’eau. Incorporer le citron et le bourbon. Remuer en ajoutant les glaçons un à la fois, jusqu’à ce que le verre soit plein.
Stinger, le remère au lendemain de veille
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Stinger : une mixtion généralement mal-aimée, qui figure pourtant dans la liste de ces cocktails classiques que l’on dit incontournables. Composé de crème de menthe et de brandy, dans le film de 1983 Gorky Park, un homme du KGB se questionne justement : « Lequel des deux est supposé gâcher l’autre? » Bien sûr, on pointe la crème de menthe du doigt : pourquoi gâter un doux cognac avec cette puissante liqueur, si atrocement sucrée? Alors, on troque le chic spiritueux français pour un brandy bon marché. Du coup, le cocktail est bien balancé : également mauvais.
Comme Rémy sans famille, le Stinger est un cocktail orphelin et personne, aucun bar, ne s’est prévalu de sa paternité. On l’a conséquemment associé à la prohibition, croyant à tort qu’il avait été créé, comme c’était souvent le cas, dans le but de couvrir le goût infect d’un alcool frelaté. Mais cette théorie ne tient pas la route, puisqu’on mentionne le Stinger une première fois dans un livre de recettes datant de 1917, et certains cocktails, dans des recueils plus anciens encore, partagent des similarités avec le cocktail mentholé. Or, si personne n’a eu le coeur de l’adopter, plusieurs se sont commis à le boire et, durant la Deuxième Guerre mondiale, le cocktail fait la joie des jeunes aviateurs, qui ne sont pas encore habitués à l’alcool et apprécient le goût plus sucré du Stinger. De plus, la mixture laisse au buveur une haleine fraîche, pouvant faire passer les excès d’après-midi quasi inaperçus.
Sachez que le Stinger possède aussi la réputation d’être un excellent remède contre la gueule de bois. Dans Philadelphia Story, puis dans la reprise avec Bing Crosby, Grace Kelly et Frank Sinatra, High Society, on sert aux personnages qui ont abusé du champagne, la veille, un verre de Stinger. Cette boisson, composée du «jus de quelques fleurs», est censée «tuer les regrets.» Bon à savoir, lorsqu’on se prépare à célébrer toute la semaine à Invasion Cocktail!
Stinger
2 ½ onces de cognac
½ once de crème de menthe
Dans un verre old fashioned, réunir les deux ingrédients, sur glace.
Vous avez dit Zombie?
La légende veut que Donn Beach, le père du mouvement tiki, ait uni les ingrédients du Zombie une première fois pour venir en aide à un pauvre client, souffrant d’un mal bien connu, “le lendemain”. Et hop! Un amalgame de trois différents rhums en guise de remontant! Le client, aux anges, en ingurgite trois avant de quitter Don the Beachcomber, “le trou le plus populaire de Hollywood” pour se rendre à un rendez-vous d’affaires. Quand il revient, quelques jours plus tard, Donn s’informe de la suite des choses : le client lui confie alors que la décoction, au lieu de le ramener à la vie, l’a transformée en véritable mort vivant.
En vérité, le Zombie est un cocktail fort élaboré, qui a demandé son lot de réécriture et, comme son créateur le confiait en 1940 : “Dans les expériences qui ont mené au Zombie, trois caisses et demie de rhums assortis furent utilisées et se sont retrouvées aux égouts afin que vous puissiez apprécier ce puissant réparateur de rêves brisés.”
De partout, on accourt pour goûter à ce cocktail empreint de mystères, si puissant que Donn refuse d’en servir plus que deux verres à un même client. Dans la presse, on chante allégrement les louanges et les dangers du Zombie et, dans sa biographie, le réalisateur de Dirty Harry, Don Siegel, avoue avoir enfreint, un soir, la loi de Donn en buvant ce troisième Zombie prohibé. “Je ne me souviens pas du restant de la soirée, mais au matin, j’ai arrêté de boire pour la vie.” Promesse d’ivresse, en 1956, le magazine masculin Cabaret offre au lecteur le conseil suivant : “Siroter avec les yeux à demi-fermés. Répéter jusqu’à l’obtention des effets désirés.”
Zombie (1956)
¾ onces de jus de lime frais
½ once de Don’s mix (2 parts de sirop simple infusé à la cannelle pour une part de jus de pamplemousse frais)
½ once de falernum
1 ½ de rhum Porto Ricain gold
1 ½ once de rhum jamaïcain
1 once de rhum Demerara (151 proof)
1 trait d’amers Angostura
6 gouttes de Pernod
1 cuillérée à thé de grenadine
¾ tasse de glace concassée
Passer tous les ingrédients dans un mélangeur électrique environ cinq secondes. Servir dans un verre allongé (ou un verre Tiki). Décorer de feuille de menthe.