Ces dernières années, on a assisté à une montée en puissance de l’utilisation des sous-titres, voire à une véritable dépendance à leur égard. Aujourd’hui, presque chaque vidéo, qu’elle soit sur Instagram, TikTok, Netflix, ou même Threads (l’espèce de tentative de Twitter 2.0 qui n’a pas fait long feu) doit désormais être accessible sans son, dans tout type d’environnement.
Selon des données obtenues par Stagetext, 80% des jeunes âgés de 18 à 25 ans déclarent consommer du contenu avec des sous-titres, la plupart du temps. C’est devenu la norme.
Je me souviens encore, en pleine pandémie, avoir voulu commencer une série avec mon père. On met le premier épisode et, sans même y penser, j’active les sous-titres. Il se redresse de son couch, me jette un regard foudroyant et me demande :
« On l’écoute en anglais pis tu mets des sous-titres en anglais?
– Oui, pour mieux comprendre, que je rétorque.
– Ben monte le son à place, ça fait juste me déconcentrer.
– Pis moi, ça va m’aider à me concentrer. »
Et c’est ainsi qu’est né un nouveau conflit générationnel entre mes parents et moi. Pour eux, les sous-titres, c’est en français sur du contenu dans une autre langue que l’anglais et le français, pis that’s it. Pour moi, c’était anglais sur anglais.
Or, une chose que je comprenais pas, c’était de voir des jeunes anglophones écouter des séries dans leur propre langue tout en y mettant des subtitles. J’me disais : « Voyons, sont pas tous mal entendants quand même? ». Jusqu’à la semaine dernière, alors que j’écoutais la partie 3 de Lupin, série française à succès, et que je n’arrivais pas à capter tous les propos du grand Omar Sy.
Pris de panique, j’ai monté le son. J’entendais très bien, mais bordel de merde, je n’arrivais pas à comprendre ce qui se disait. Comme si les dialogues ne parvenaient pas à pénétrer pleinement dans mon cerveau. Je n’étais pas sourd, juste déconcentré! Déconcentré parce que, depuis TikTok, même avec du contenu francophone dans une pièce fermée avec le son au volume maximal, j’ai pris l’habitude de regarder du contenu télévisuel avec des sous-titres.
Assane Diop disait : « Vous m’avez vu, mais vous m’avez pas regardé. »
Moi, j’dirais plutôt : « Je t’ai entendu, mais je t’ai pas écouté. »
Par contre, je tiens à préciser que mes sous-titres, je les aime standards, discrets, petits et fixes. Netflix Style, quoi. Les nouveaux sous-titres qui apparaissent actuellement sur Instagram et TikTok, où une gigantesque bande colorée surligne chaque mot prononcé comme si on était dans un karaoké psychédélique, ENLEVEZ-MOI ÇA!
Les sous-titres sont devenus si essentiels pour la visibilité d’une vidéo que des applications ont été créées spécifiquement pour les générer (par exemple, Cap Cut), offrant une variété infinie de couleurs et de styles et d’animations, tel le Nespresso des suppléments textuels.
Ils prennent de plus en plus de place, grossissent au fil des mois et sont exponentiellement pimpés sur les vidéos de nos créateurs préférés. Je sais pas si c’est l’âge ou la dépression saisonnière qui me font devenir comme mon père, mais je dois l’avouer : les sous-titres commencent plus à me déconcentrer qu’à m’aider à me concentrer. Si je voulais autant lire, je serais pas sur mon celle, j’ouvrirais un livre.
C’est fou de penser que la même génération qui consomme toutes ses vidéos avec transcodage est aussi la même qui écoute abondamment des podcasts sans aucun support visuel.
Quand vous lisez cet article sur votre cellulaire (ou sur votre Macbook que vous trimbalez dans un tote bag, si vous êtes montréalais), vous parvenez à le comprendre. Si ces mêmes propos étaient lus par ma douce voix sous forme audio, vous pourriez les écouter et tout capter sans problème. Mais pensez-y: si je m’étais exprimé en vidéo verticale avec les mêmes idées, vous aurait-il alors fallu l’audio ET le texte?
Y’a une couille quelque part.
Au final, la question que je veux soulever, c’est : à quel moment notre concentration embarque et débarque? Est-ce qu’il faut privilégier un seul sens pour être plus attentif (par exemple, la vue dans le cas des vidéos) ou le contenu en ligne est-il à blâmer pour notre nouvelle dépendance aux sous-titres?
Si c’est pas déjà fait, j’aimerais que des experts se penchent là-dessus le plus rapidement possible..
Et quand ces experts publieront une vidéo explicative, je leur prie de la sous-titrer de manière standard, discrète, petite et fixe.
Merci.