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L’introspection d’un « touristata »

Un Québécois reçoit un diagnostic positif à la COVID lors d'un voyage à Cuba : « Quelle idée de marde on a eue. »

Par
Hugo Meunier
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Le synopsis pourrait difficilement être plus d’actualité : un jeune Québécois, parti à Cuba profiter du soleil dans un resort, reçoit un diagnostic positif à la COVID, passe une semaine en isolement dans une chambre d’hôtel exiguë et entame un travail d’introspection.

Cette histoire, véridique, c’est celle d’Alex*, qui a accepté de nous partager le récit de son séjour en échange de son anonymat. Un Alex pas particulièrement fier de son coup.

«Si vous cherchez l’histoire avec le plus con des covidiots et bien vous l’avez trouvé.»

Pour s’en convaincre, suffit de lire le message qu’il nous a envoyé le 31 décembre dernier, alors qu’il défonçait l’année seul dans un hôtel de La Havane converti en zone de quarantaine. « Je pense que je peux commencer en vous disant que j’ai honte, très honte. Si vous cherchez l’histoire avec le plus con des covidiots et bien vous l’avez trouvé », écrivait Alex, à des années-lumière d’un mood festif de prédécompte.

La vue de la chambre d’Alex….en confinement

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Je lui ai parlé mardi quelques heures après son retour à Montréal, où il a entrepris sa quarantaine. Dans son cas, le diagnostic positif ne s’est pas accompagné de symptômes, mais plutôt d’une longue réflexion sur ses actions.

« Mon but est de raconter mon histoire, pas de donner mon opinion », affirme d’emblée le jeune homme avant d’amorcer son récit.

« Dans ma tête tout était beau »

Tout commence donc par un généreux cadeau de Noël de son conjoint, qui lui offre une semaine de rêve dans un quatre étoiles à Varadero, à Cuba. À 750$, une aubaine.

Pour en ajouter une couche, mentionnons ici qu’Alex travaille dans le milieu de la santé et qu’il a vécu la première vague de l’intérieur comme infirmier.

Après des mois intenses d’ange-gardiennage, il ne voyait donc à priori aucun problème avec le fait de souffler un peu, sur le sable chaud d’une station balnéaire. « Moi et mon conjoint ne sortions jamais et nous commandions même notre épicerie en ligne », raconte Alex, qui s’est donc présenté avec son chum à l’aéroport le jour de Noël.

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Plusieurs prises de température (environ quatre) et un vol de voyageurs masqués plus tard, le couple débarque à Cuba en après-midi, où l’attend une longue file menant au test de COVID obligatoire pour entrer sur l’île. « Tu donnes ton passeport et on te remet une espèce de fiole avec ton identification. On t’envoie ensuite derrière un rideau avec ta fiole où on t’insère un Q-tips dans le nez et un dans la gorge », raconte Alex, qui a ensuite pris l’autobus en direction du complexe hôtelier où il allait passer la semaine en gougounes.

«J’avais presque oublié le test. Dans ma tête, tout était beau.»

Les résultats du test allaient être transmis aux voyageurs le lendemain. D’ici là, défense de quitter le resort, où le port du masque est obligatoire dans les déplacements. Une formalité se dit Alex, top shape. « J’avais presque oublié le test. Dans ma tête, tout était beau », explique celui qui allait apprendre le lendemain matin que la vie avait d’autres plans pour lui. « L’agent d’Air Canada qui s’occupait de nous sur place m’a appelé pour me dire que j’étais positif et que mon conjoint était négatif », résume Alex.

Un long branle-bas s’amorce.

«On m’a fait une radiographie des poumons, un électrocardiogramme et un échantillon sanguin. On m’a donné une facture en pesos convertible, mais je n’avais presque rien alors j’ai donné mon numéro d’assurance.»

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Des gens en scaphandre viennent d’abord le chercher pour le conduire dans une sorte de fourgonnette pimpée en ambulance, où se trouvent déjà deux autres Québécois testés positifs, âgés dans la cinquantaine. « On ne sait pas trop ce qui se passe à cause de la barrière linguistique, mais on comprend qu’ils font le tour des hôpitaux et cliniques pour voir s’il y a de la place quelque part », raconte Alex, qui fait un premier arrêt dans un établissement de santé après plus de deux heures, pour passer une batterie de tests. « On m’a fait une radiographie des poumons, un électrocardiogramme et un échantillon sanguin. On m’a donné une facture en pesos convertible, mais je n’avais presque rien alors j’ai donné mon numéro d’assurance », énumère Alex, qui a ensuite repris la route jusqu’à La Havane, où l’attend une chambre dans un hôtel transformé en aile d’isolement pour les patients atteints du virus. Il est exténué en arrivant.

« On nous a d’abord dit que ça allait durer une semaine, que je devais rester dans ma chambre. Moi je voulais juste prendre ma douche et me coucher », raconte Alex.

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La chambre se présente avec un lit simple, une salle de bain, et une fenêtre de laquelle il peut tout de même voir les palmiers, la piscine et le soleil.

Côté bouffe, on lui apporte des repas dans des assiettes en styromousse à des heures aléatoires.

Les rêveries du confiné solitaire

Le temps s’égraine lentement, ponctué des visites régulières des infirmières qui viennent ausculter ses poumons et prendre ses signes vitaux. Son conjoint est pour sa part isolé dans une autre chambre et obtient l’autorisation d’accompagner le médecin lors de ses rondes quotidiennes.

«Quelle idée de marde on a eue. Le sud a été un flop. J’ai quand même l’impression que les médias en mettent beaucoup sur le dos des voyageurs parce que c’est tangible et qu’on passe pour des égoïstes.»

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Comme il a des données dans son cellulaire, il tue le temps sur Internet. Il constate que les voyageurs comme lui en prennent pour leur rhume. Une prise de conscience s’exerce. « Quelle idée de marde on a eue. Le sud a été un flop. J’ai quand même l’impression que les médias en mettent beaucoup sur le dos des voyageurs parce que c’est tangible et qu’on passe pour des égoïstes, mais on représente quoi au total, 1 ou 2% des cas? », précise Alex, loin toutefois de se donner deux morceaux de robot pour son escapade tropicale.

Menu de quarantaine

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Seul dans sa chambre, il se met même au jogging et s’entraîne. Ironiquement, il ne s’est jamais senti aussi en forme. « Pourquoi mon chum ne l’a pas eu et moi je l’ai ? Je ne crois pas à la théorie du complot, mais peut-être qu’il y a eu une erreur, c’était quand même le bordel et broche à foin les tests. » Mais peu importe, il suit les consignes d’isolement jusqu’au bout avant d’obtenir son congé une semaine plus tard, après la réception d’un résultat négatif.

Avant de reprendre son vol, il passe deux jours à son resort, mais le cœur n’y est plus. « J’avais peur de l’attraper encore. J’ai devancé mon vol de retour, en passant par Toronto », explique Alex.

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Les vacances se sont terminées sur une dernière note amère. Un des passagers du vol Varadero-Toronto s’est fait expulser par les policiers à l’atterrissage. « Le cave du resort par excellence, saoul, qui parlait fort et refusait de porter son masque parce qu’il voulait boire du rhum », soupire Alex, qui n’a probablement jamais été aussi heureux de rentrer de voyage.

Oui, il feel encore cheap. Oui, il est maintenant prêt à prendre son mal en patience comme tout le monde. Il repartira en vacances quand tout ça sera derrière nous, pour ne pas finir dans une chambre d’hôpital. Ou pire encore.

*Prénom fictif.