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Les temps sont durs pour les chercheurs d’emploi, les démunis de slip de paye, les rejetés du CV pourtant très bien gossé.
Je dis que les temps sont durs, mais ce n’est pas comme si c’était nouveau: ça fait maintenant plusieurs années qu’on se fait dire que le marché du travail ne se porte pas très bien. C’était peut-être différent dans une époque que je n’ai pas connue, une époque lointaine où j’ai entendu dire qu’on donnait des jobs comme on donne des gommes-citrouilles à l’Halloween à n’importe quel clown déguisé…
Mais en 2014, pour se chercher un emploi, il faut avoir la couenne dure.
Il faut se lever chaque matin avec l’espoir qu’Infopresse nous amènera autre chose qu’un poste obscur pas vraiment dans nos cordes pour une entreprise située dans un hood dont le code postal commence par ZZZ. Il faut avoir espoir que le Grenier au emplois ne sera pas trop poussiéreux. Il faut même avoir l’espoir qu’il y aura peut-être des annonces Craigslist qui ne comporteront pas le mot “sexy” dans le titre du poste.
Car oui, en ce bel été où les travailleurs passent la soirée au salon à se demander si Hakim gagnera enfin Les Chefs, moi, dans le confort moite de ma chambre, je me cherche un nouvel emploi. Pendant que certains se rafraichissent à la chic piscine Jarry, je reste pour ma part à l’intérieur et tout ce que je rafraichis, ce sont les pages web des sites de recherche d’emploi.
Parfois, lors de mes deux minutes de procrastination de chercheuse d’emploi rendue presque blasée par l’envoi de trop de lettres de présentation personnalisées, je vois passer dans mon fil Facebook un article sur “COMMENT RÉUSSIR SON ENTREVUE D’EMBAUCHE AVEC CES 10 TRUCS FACILES!” Je me dis: ouais, on verra rendu là.
Comme la tortue disait au lièvre: lentement mais sûrement, c’est ainsi que nous faisons les choses.
Sauf que le lièvre, c’est un petit nerveux. Il ne veut pas être en retard, manquer sa shot, ou ne pas finir par toucher la ligne d’arrivée. Comme moi. Comme tous les chercheurs d’emploi qui ont peur de se faire rattraper par Visa et/ou MasterCard et/ou AccordD… Ou tout simplement par la peur d’avoir “raté sa carrière”, peu importe que cette peur soit fondée ou non.
Alors, je n’arrête pas d’envoyer des CV.
Au début, j’étais sélective: je prenais le temps d’imaginer mes fesses dans la chaise de cuir de mon futur poste pour voir si je fitterais avec le mobilier. Puis, quelques semaines plus tard, mes préférences ont commencé à prendre le bord. Mon jugement aussi. Tout me semble maintenant acceptable.
De l’over-time non-payé? Pas grave, je brûlerai ma paye dans des cafés Starbucks à 10$. Exigence d’aptitudes Excel hors du commun? Pas grave, je regarderai attentivement tous les tutoriels YouTube jusqu’à temps que je sois capable de créer des chefs-d’oeuvre de tableaux aux couleurs de l’arc-en-ciel. Un bureau situé au dernier étage d’un building pas d’ascenseur pas de parking pas de monde juste un vieux portier louche qui sort d’un film d’horreur? Pas grave, j’écouterai la famille Addams en guise de préparation.
Quand j’étais petite, mes parents me disaient que ce serait important plus tard de faire ce que j’aime. De faire un travail qui me passionne.
Ce à quoi je répondais sans doute: “Duh, maman, papa, c’est sûr que je vais avoir la meilleure-job-du-monde, c’est sûr qu’à ma future meilleure-job-du-monde il va y avoir des massages gratuits et un buffet de barres de chocolat chaque midi”. Ouais, c’était sans doute le genre d’utopie que j’entretenais par rapport à ma carrière. Ça, ou encore, que je voulais être fleuriste. Quoi! À 5 ans, j’aimais ça, les fleurs. Je n’imaginais pas des journées d’été passées à errer de site web d’annonces d’emplois à logiciel de traitement de texte qui pimp ton CV.
En attendant de décrocher le boulot rêvé, je blague que mon échec de recherche d’emploi sera la raison officielle de mon application à la maitrise. Car c’est bien connu, la maitrise, c’est seulement deux ans de vacances pour échapper à la dure réalité du marché du travail.
La bonne nouvelle pour moi, c’est que si je mets bout à bout toutes les lettres de présentations que j’ai si finement patentées, je me ramasse avec un pas pire portfolio. Et de toute façon, que je sois sur les bancs d’école ou dans mon salon, rien ne m’empêche de continuer à éplucher les annonces d’offres d’emplois.
Je me rends compte qu’au fond de moi, j’ai toujours l’espoir de connaître un jour une époque prospère où on voudra changer de job aux deux semaines, tant l’offre dépassera la demande. Peut-être qu’un jour il va pleuvoir des jobs, des jobs où nous aurons tous notre mini-piscine-bain-de-pieds, ainsi qu’un classeur personnel rempli de chocolats fancy.
Sauf que rien n’est moins sûr.
Je ne suis pas très bonne avec les prédictions économiques (ça doit être parce que je faisais des dessins dans mon cahier d’exercices de math 536), mais quand La Presse annonce que 35 400 personnes ont abandonné leur recherche d’emploi en juillet 2014, je me dis que c’est de mauvais augure. Je me demande ce qu’elles ont fait, ces 35 400 personnes… Elles ont sans doute décidé d’appliquer à la maitrise. Ou de devenir fleuristes.
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