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L’insoutenable légèreté de Super Mario
Le 13 septembre dernier, le plombier italien le plus populaire de l’histoire de sa profession célébrait le 36e anniversaire de son arrivée sur console. Pour l’occasion, Nintendo et Universal ont offert au sympathique moustachu en salopette l’annonce d’une nouvelle adaptation cinématographique supposée voir le jour au temps des Fêtes 2022 (si tout se passe bien avec la planète).
Adapter Super Mario au grand écran, c’est une drôle d’idée. Pas que ce soit impossible, mais certains s’y sont déjà cassé les dents. Bien que je ne game presque plus depuis dix ans, j’ai grandi avec la légendaire création de Shigeru Miyamoto et elle a joué, à sa manière, un rôle important dans ma vie. Mario et ses compères n’ont pas besoin d’une adaptation cinématographique pour rejoindre leur public de manière optimale parce que ce ne sont pas les personnages qui font leur magie. C’est nous.
C’est un microcosme de notre propre vie qu’on vit à travers ces jeux.
Super Mario et l’échec
La série Super Mario a popularisé ce qu’on appelle les jeux de plateformes. Ce sont les jeux où il faut parcourir le niveau de gauche à droite en sautant par-dessus des crevasses et en esquivant les ennemis. Vous y avez tous et toutes joué au moins une fois. Super Mario se démarque de la compétition par sa créativité, son design et son rythme hypnotique qui nous fait oublier notre propre existence lorsqu’on y joue. On vit à travers une série de sauts et de collisions pendant quelques heures. Bref, c’est comme un match de football sur l’acide en 2D.
L’échec fait partie du processus. Il sert à bâtir la confiance et la mémoire motrice nécessaires à surmonter les épreuves proposées par chaque niveau.
Dans un jeu de plateformes, on meurt souvent. On tombe dans des précipices, on se fait passer sur le corps par des créatures ou on se fait heurter par des projectiles en essayant d’enchaîner une série de sauts et d’esquives comme Keanu Reeves dans La Matrice. L’échec fait partie du processus. Il sert à bâtir la confiance et la mémoire motrice nécessaires à surmonter les épreuves proposées par chaque niveau. Aucun joueur ou joueuse de Super Mario ne réussit tous les niveaux sans se tromper à chacun d’entre eux.
Pour un petit gars solitaire et pas trop athlétique qui n’osait pas vraiment se risquer sur le terrain de jeu ou à la patinoire du coin, cette série de frustrations et d’échecs virtuels avait quelque chose de profond à offrir. Parce que lorsqu’on grandit dans une famille bienveillante, on se fait sortir de la maison pour « aller jouer avec les p’tits amis » une fois de temps en temps et là, les échecs sont inévitables. J’ai souvent manqué la rondelle lors d’un lancer frappé, j’ai swingé dans le beurre un nombre incalculable de fois au baseball, je n’ai pas été roi de la montagne dans la cour d’école avant ma 6e année et pour être 100 % transparent, je l’ai été pendant environ 13 secondes. Ça heurtait l’amour-propre ici et là, mais ça ne m’a jamais vraiment dérangé. En tout cas, pas assez pour que j’arrête.
l’échec, c’est une question de perception. Tant qu’on ferme pas la console pour aller faire d’autre chose, on peut recommencer.
Ma mère m’a toujours dit que j’étais persévérant, mais j’ai eu le meilleur professeur.
Super Mario m’a appris que l’échec, c’est une question de perception. Tant qu’on ferme pas la console pour aller faire d’autre chose, on peut recommencer. Si on échoue trop souvent, ça se peut qu’on ait à recommencer d’un peu plus loin pour refaire ses bases, mais c’est pas fini tant qu’on ne baisse pas les bras. Et même si on ferme la console pour aller faire autre chose, c’est toujours permis de recommencer le lendemain.
Essayer n’est pas nécessairement gage de réussite, mais comprendre la beauté dans l’éternel recommencement, ça donne deux super pouvoirs : maîtriser son égo et apprendre de ses erreurs. Dans Super Mario, le défi est toujours le même. C’est notre réaction qui change.
Devenir Luigi
Un autre aspect formateur de Super Mario impossible à transposer au grand écran est l’espèce de vide existentiel des personnages. Ils ont chacun leurs caractéristiques et un rôle précis à jouer dans le déroulement de l’histoire, mais pas vraiment de personnalité qui leur est propre. Un joueur expérimenté peut finir n’importe quel jeu de Super Mario avec n’importe quel personnage.
Ça peut paraître étrange, mais chaque fois que je joue à Super Mario, je m’efforce de battre le jeu avec Luigi au moins une fois. C’est vraiment quelque chose de symbolique pour moi. Dans la vie, on a toujours tendance à mettre les gens qui ont du succès sur un piédestal. On les voit plus grands que nature et leurs exploits deviennent inattaquables. Dans n’importe quel domaine, pour avoir du succès, il faut maîtriser un processus. N’importe qui peut le faire avec les habiletés et la persévérance nécessaires. Mario, Luigi, Toad, Princesse Peach…
Le personnage n’est pas important. Ils n’ont pas de perspective particulière sur ce qui leur arrive.
Lorsqu’on parle de Super Mario, c’est toujours lui qui sauve la princesse. Un peu comme le fait qu’on pense toujours à Muhammad Ali lorsqu’on parle de boxe. Pourtant, l’histoire de la boxe compte une centaine de champions poids lourds. Mis à part Mario Kart, où chaque personnage possède un pouvoir particulier, personne n’est vraiment attaché à un personnage de Super Mario en particulier. Le personnage n’est pas important. Ils n’ont pas de perspective particulière sur ce qui leur arrive. Ils passent tous à travers les épreuves avec nous de la même manière.
Bref, je ne me déplacerai probablement pas en salle pour aller voir Super Mario. Rien contre la franchise ou contre l’idée même d’une adaptation (je vais la regarder sur Netflix éventuellement), mais le médium n’a rien à offrir au personnage. Mario et ses compagnons sont avant tout des grands frères et grandes soeurs qui échouent encore et encore à l’écran afin de nous montrer que ce n’est pas la fin du monde. Allez voir l’adaptation si vous le voulez, mais jouez donc aux jeux aussi!