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L’incendie d’Universal Studios a détruit les masters d’une centaine d’artistes. Voici lesquels.

L'événement est considéré comme le plus gros désastre de l’Histoire de l’industrie de la musique.

Par
Lucie Piqueur
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Il y a 11 ans, le 1er juin 2008, un incendie a ravagé plusieurs bâtiments des Universal Studios Hollywood. Au moment de l’incendie, ce qui avait fait les manchettes, c’est la destruction des décors de Retour vers le futur et du manège «King Kong». Mais selon la déclaration officielle que Ron Meyer, président d’Universal Studios, avait fait à l’époque : « Rien d’irremplaçable n’a été perdu ».

Or, le journaliste du New York Times Jody Rosen vient de dévoiler, dans un article aussi détaillé qu’émotif, qu’en réalité, beaucoup de choses inestimables ont été perdues. Le journaliste a mis la main sur un document confidentiel destiné aux assureurs, et a pu interviewer un archiviste retraité d’Universal. C’est donc 11 ans plus tard qu’on apprend finalement que des centaines de milliers de masters originaux d’UMG, certains d’une valeur historique inestimable, ont été rayés de la surface de la Terre.

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Qu’est-ce qui a été perdu?

D’après le document top secret d’UMG, même s’il n’y avait pas d’inventaire complet de tout ce qui était entreposé dans le bâtiment, on sait qu’environ 500 000 masters de chansons ont été détruits. Les bands et artistes touchés vont des plus grandes stars du jazz aux vedettes pop d’aujourd’hui, en passant par Nirvana ou encore Tupac.

Cet article de Pitchfork suggère que la plupart d’entre eux n’étaient même pas au courant qu’ils avaient perdu leurs masters. Contactés sur Twitter ou par des journalistes musicaux, des bands comme Holes, The Roots, ou R.E.M. indiquent qu’ils vont tenter d’obtenir plus d’informations. Le bassiste de Nirvana est plus ouvertement pessimiste.

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Voici les noms qui sont sortis pour l’instant. C’est comme l’affiche d’un Coachella de la désolation :

Louis Armstrong, Duke Ellington, Bing Crosby, Ella Fitzgerald, Judy Garland, Aretha Franklin, John Coltrane, Elton John, Lynyrd Skynyrd, Eric Clapton, Jimmy Buffett, the Eagles, Don Henley, Aerosmith, Steely Dan, Iggy Pop, Rufus and Chaka Khan, Barry White, Patti LaBelle, Yoko Ono, Tom Petty and the Heartbreakers, the Police, Sting, George Strait, Steve Earle, R.E.M., Janet Jackson, Eric B. and Rakim, New Edition, Bobby Brown, Guns N’ Roses, Queen Latifah, Mary J. Blige, Sonic Youth, No Doubt, Nine Inch Nails, Snoop Dogg, Nirvana, Soundgarden, Hole, Beck, Sheryl Crow, Tupac Shakur, Eminem, 50 Cent, the Roots, Benny Goodman, Al Jolson, Cab Calloway, the Andrews Sisters, the Ink Spots, the Mills Brothers, Lionel Hampton, Ray Charles, Sister Rosetta Tharpe, Clara Ward, Sammy Davis Jr., Les Paul, Fats Domino, Big Mama Thornton, Burl Ives, the Weavers, Kitty Wells, Ernest Tubb, Lefty Frizzell, Loretta Lynn, George Jones, Merle Haggard, Bobby (Blue) Bland, B.B. King, Ike Turner, the Four Tops, Quincy Jones, Burt Bacharach, Joan Baez, Neil Diamond, Sonny and Cher, the Mamas and the Papas, Joni Mitchell, Captain Beefheart, Cat Stevens, the Carpenters, Gladys Knight and the Pips, Al Green, The Flying Burrito Brothers, Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Willie Dixon, Bo Diddley, Etta James, John Lee Hooker, Buddy Guy, Little Walter, Buddy Holly, Count Basie, Coleman Hawkins, Dizzy Gillespie, Max Roach, Art Blakey, Sonny Rollins, Charles Mingus, Ornette Coleman, Alice Coltrane, Sun Ra, Albert Ayler, Pharoah Sanders.

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Les masters de singles mythiques comme Rock Around the Clock de Bill Haley, At Last d’Etta James ou encore Louie Louie des Kingsmen ont aussi apparemment été détruits.

Bref, des pertes matérielles estimées à 150 millions de dollars US, mais quelles pertes artistiques?

Pourquoi c’est si important, des masters?

Après tout, même si les masters de tout ou partie des enregistrements de ces artistes ont disparu, on peut toujours écouter leurs tounes sur Spotify, right? Oui. Sauf que, pour faire simple, c’est comme si on se disait que vu qu’on a des photos de la Joconde sur Google Images, on peut crisser le tableau aux vidanges.

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En vérité, depuis des décennies, les moyens technologiques qu’on a pour l’enregistrement surpassent la plupart des technologies qu’on a pour les écouter. Chaque copie du master perd donc un peu de la qualité originale. Les bobines perdues contenaient des grains de voix, des ambiances de studios et des textures auxquelles la plupart des gens n’avaient jamais eu accès. C’étaient parfois des témoins intimes de moments historiques, juste avant que l’art se passe.

Les masters comportent aussi généralement des indications techniques et artistiques pour le mixage. Au fur et à mesure que la technologie avance, on est capable de décoder de plus en plus d’informations contenues dans ces masters, et c’est pour ça que, de temps en temps, on a droit à des versions remasterisées d’albums importants.

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Une blessure dans l’Histoire de la musique

L’article du New York Times ne prend pas de pincettes : «The vault fire was not, as UMG suggested, a minor mishap, a matter of a few tapes stuck in a musty warehouse. It was the biggest disaster in the history of the music business.» Si on résume en français : le feu chez Universal a été le plus gros désastre dans l’Histoire de l’industrie de la musique.

La musique pop et la musique jazz sont probablement, avec le cinéma hollywoodien, la plus grande contribution des États-Unis au patrimoine culturel de l’humanité. Selon plusieurs journalistes américains, cet incendie pourrait sonner une alarme et faire en sorte que la conservation de la musique populaire américaine commence à être prise plus au sérieux. On l’espère, en tout cas.