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L’«impeachment» de Trump expliqué en 5 points

C'est juste le début d'un très long processus.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Ça y est.

Le moment que tous les détracteurs de Donald Trump attendaient depuis le 20 janvier 2017 (date de l’entrée en poste de l’actuel président) est arrivé: la procédure de destitution a été amorcée.

Mais qu’est-ce que ça veut dire exactement? Comment ça fonctionne?

Et surtout, est-ce qu’on va le voir se faire sortir de la Maison-Blanche à grand coup de pied dans le popotin par des gardiens de sécurité?

C’est quoi une procédure de destitution?

Si vous vous dites «Tout le monde parle d’impeachment et pas de destitution, c’est quoi la différence?», c’est la même chose. C’est juste que j’utilise de jolis mots francophones, voilà tout.

Cette fameuse procédure, c’est un recours inscrit dans la Constitution américaine qui permet de destituer un président (ou des hauts fonctionnaires du gouvernement) qui serait jugé indigne de gouverner, coupable de trahison, corruption ou tout autre autre crime et délit majeur.

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Comment ça fonctionne?

C’est complexe

Dans un premier temps, la Chambre des représentants doit voter le début de la procédure.

Ça, ça a été fait mardi dernier avant que la leader de la Chambre des représentants (qui est majoritairement démocrate), Nancy Pelosi, ait annoncé le début des procédures.

Le comité judiciaire de la Chambre doit alors mener une enquête et soumettre de potentiels chefs d’accusation envers le président.

La Chambre vote alors sur ces articles, afin de déterminer de quoi exactement le président sera accusé. Il faut donc qu’au moins un des chefs d’accusation soumis obtienne un vote majoritaire.

La majorité simple de 50%+1 ne suffit pas. Il faut que les 2/3 des sénateurs s’entendent pour que le président soit destitué.

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Ensuite, c’est le Sénat qui tient le procès. Normalement, c’est le vice-président qui est à la tête du Sénat, mais vu que le VP est choisi par le président, et que c’est lui qui se retrouverait à la tête du pays si le président était destitué (dans ce cas-ci, le terrifiant Mike Pence), c’est la Cour suprême qui dirige la procédure dans ce cas exceptionnel.

Il y a donc un genre de procès, à la suite duquel les sénateurs doivent voter sur la culpabilité du président. Attention: ici, la majorité simple de 50%+1 ne suffit pas. Il faut que les 2/3 des sénateurs s’entendent pour que le président soit destitué.

S’ils rendent un verdict de culpabilité, le président est démis de ses fonctions et le vice-président (je le rappelle, l’ignoble Mike Pence) devient alors immédiatement président.

Quelles sont les chances que ça marche?

Difficile à dire.

Déjà, il faut savoir que si la Chambre des représentants est à majorité démocrate, le Sénat lui est majoritairement républicain.

Il y a présentement 45 sénateurs démocrates, 2 indépendants qui votent pas mal toujours du bord des démocrates, et 53 républicains.

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Si on tient pour acquis que tous les démocrates et les indépendants déclareraient Trump coupable, ça veut quand même dire qu’il faut convaincre 19 républicains de voter pour la destitution du président, lui-même républicain.

Ce n’est pas impossible, puisque la ligne de parti n’est pas aussi forte aux États-Unis qu’au Canada. Plusieurs républicains se sont déjà ouvertement affiché anti-Trump.

Mais c’est difficile.

Il faut aussi savoir que dans l’histoire américaine, il y a eu deux tentatives d’impeachment: une contre Andrew Johnson en 1868, et l’autre contre Bill Clinton en 1998.

Dans les deux cas, ils avaient été acquittés.

Nixon, quant à lui, aurait probablement été reconnu coupable, mais il a préféré démissionner avant que le processus ne soit enclenché, s’évitant ainsi de perdre la face (le vice-président lui aurait également promis de ne pas porter d’accusations criminelles à son endroit s’il démissionnait par lui-même).

De quoi les démocrates accusent-ils Trump?

Ça fait longtemps que des rumeurs de destitution se font entendre à Washington, et les raisons de le faire sont nombreuses: juste avec les liens de Trump et de la Russie, il y a de quoi démarrer la machine.

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Mais la raison pour laquelle les démocrates lancent la procédure est que Trump a lui-même avoué avoir demandé au président ukrainien d’enquêter sur Joe Biden (le potentiel candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles) afin de trouver de la dirt pour le battre.

Rappelons-le, Donald Trump n’est pas un génie.

Pourquoi avoir attendu si longtemps?

Depuis longtemps, l’aile gauche du Parti démocrate réclame le début de cette procédure, mais la leader Nancy Pelosi n’était pas chaude à l’idée. Les conséquences d’une telle initiative ne sont pas claires.

Si la procédure échoue, les démocrates pourraient perdre la face pas mal plus qu’ils ne feraient des gains.

Il y a aussi le fait qu’une nouvelle campagne électorale aura lieu dans un an. Beaucoup de démocrates croient qu’il serait préférable de se concentrer à gagner cette campagne, plutôt qu’à essayer de destituer Trump.

Beaucoup de démocrates croient qu’il serait préférable de se concentrer à gagner cette campagne, plutôt qu’à essayer de destituer Trump.

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Le processus de destitution pourrait aussi polariser encore davantage les électeurs, et pousser un certain nombre d’entre eux à se ranger derrière le président actuel. Pour certains, cette procédure ressemble à un coup fourbe des démocrates pour se débarrasser d’un président qu’ils ne peuvent pas battre.

Je vous laisse juger par vous-même de la pertinence d’une telle grille d’analyse, mais bon, des gens disent ça.

Il faut aussi voir un peu plus loin. Si Donald Trump perd son poste, celui qui deviendrait président serait Mike Pence.

Pence est anti-LGBTQ+, anti-avortement, ultra-chrétien, anti-immigration, bref, le cauchemar de Manon Massé. Pour beaucoup de démocrates, la question se pose: est-ce que Donald Trump est moins pire?

Une question qui donne froid dans le dos.