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L’illustrateur Fred Gingras à la recherche du love perdu

Par
Jade Fraser
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Black Eyed Peas nous demandait où est passé l’amour. On s’est assis avec l’illustrateur Fred Gingras et on en a retrouvé un morceau.

Les gens sont vraiment au cœur de tes créations, particulièrement les visages et les mains. Qu’est-ce qui te touche dans l’humain?

J’ai toujours dessiné, mais cela n’a jamais été un objectif en lui-même. Le dessin, pour moi, n’est qu’un outil, au même titre que l’écrit, la parole ou les actes. En fait, je n’ai jamais vraiment voulu « être illustrateur » dans ma vie. J’ai toujours plutôt été attiré par la psychologie, la philosophie, la rédaction ou le travail social. Appelons ça le hasard si on veut, mais chaque fois que j’ai voulu entreprendre quelque chose de concret dans l’une de ces directions, la vie m’a offert une opportunité dans le domaine des arts graphiques, que j’ai, à chaque fois, décidé de prendre. Mais ce qui gouverne mes actes, c’est cette passion pour l’être humain. Cette curiosité intime que j’ai avec ses émotions et ses relations avec les autres. Curieuses choses que les émotions, non? Nous sommes là, seuls, dans une pièce, sur une chaise, heureux; puis on pense à quelque chose : une pensée volatile, une petite inquiétude insignifiante qui nous vient. Soudain, c’est la pagaille ; on devient anxieux, triste, ou en colère. Rien dans notre environnement n’a changé. Il n’aura fallu qu’un petit élément déclencheur mental, puis nous voilà esclaves d’une montagne d’émotions. Moi ça me fascine. Et c’est cette fascination pour les sentiments qui déclenche une idée de dessin, ou de texte, ou un mélange des deux.

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Tu n’hésites pas non plus à transposer des visages cernés, ridés, crispés, etc. C’est quoi ta relation avec la « laideur »?

Je ne sais pas si je parlerais de « laideur ». Je trouve les rides, les cernes et les imperfections plutôt charmantes chez un individu. Elles contiennent une richesse d’une beauté remarquable. Que ce soit une cicatrice qui rappelle un vécu trouble, des rides qui décrivent une tendance aux fous rires intenses, des cernes qui racontent une soirée mémorable, une dent qui décide d’aller à contre-courant; moi ça me plaît. Un chat regarde pas un autre chat en étant jaloux de son pelage, il se compare pas, il est ce qu’il est et il vit sa vie. Bien que notre conscience nous permette de bien grandes joies, elle vient aussi avec un énorme désavantage sur ces créatures qui s’en font pas avec leur apparat. Bref, les visages marqués racontent une histoire, pis moi j’aime les histoires, et j’aime les raconter. Souvent, je dessine des gens que j’ai croisés quelque part qui m’ont marqué et dont je me souviens de l’apparence un minimum, ou du moins de l’essence de ce qu’ils dégageaient.

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Au niveau de tes thèmes de prédilection, il semble y avoir la recherche de l’amour à travers les relations et fréquentations floues de notre génération. Fred Gingras : grand romantique? C’est quoi ta conception de l’amour?

J’aime l’amour, j’aime être amoureux, j’aime me donner au complet pis j’ai pas peur d’en souffrir. En fait, j’suis un junkie des émotions, négatives ou positives, pis l’amour c’est le plus intenses des « highs ». Mais j’pense pas que les relations ou les fréquentations de notre génération soient plus floues que les précédentes. Je sais que c’est un discours très populaire de nos jours, mais moi je n’y crois pas. Les mots ont peut-être changé, les définitions aussi, pis même l’environnement, mais l’essentiel est toujours le même qu’aux autres époques. J’pense pas que mon arrière-grand-père Euclide ressentait envers une partenaire quelque chose de bien différent de ce que nous on ressent. Les gens s’aiment. Ils se sont toujours aimés, pis ils vont toujours s’aimer, que ce soit pour la vie ou pour une nuit. Il y a aussi l’amour en tant qu’énergie, haha. J’veux pas trop devenir spirituel ici, donc je vais faire bref. J’pense qu’il y a deux grandes forces dans la vie: L’amour et la peur. La peur, c’est la survie du soi : le cerveau, les pensées; et l’amour, c’est le don de soi: le cœur, l’intuition. Je trouve que de nos jours, ça manque un peu d’amour, donc j’essaie d’en partager.

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Tes illustrations reviennent souvent aux femmes. La femme belle, la femme forte, la femme-objet qui ne devrait jamais l’être, la femme fâchée, etc. D’ailleurs, quand la femme est représentée fâchée ou agacée par une présence masculine insistante, tu te ranges du côté de sa colère que tu trouves légitime. Bravo! D’où vient ta sensibilité à ce niveau?

« Bravo » : c’est un peu triste comme mot, non? Qu’on en soit rendu en tant que société à féliciter les gens qui ont de l’empathie et de la compréhension. Ça devrait être normal, non?! Mais bon, haha, j’te dirais juste que j’sais c’est quoi souffrir. De mes 5 ans jusqu’à mes 18-19 ans, ça a été une grande partie de ma vie. J’imagine que quand on flirt avec la souffrance pendant 13 ans, on finit par devenir plus sensible à celle des autres. C’est un mal pour au bien, dans le fond. Ça, pis le fait que je lis quand même pas mal de « psycho pop » sur les relations humaines (Oui, j’avoue et j’assume!), vestige de mon passé en tant que chroniqueur du même domaine.

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Fred Gingras, qu’est-ce qu’on te souhaite pour 2017?

J’ai vraiment envie de commencer à monter des événements participatifs où les gens viendraient partager du Love avec moi dans les rues de la ville. Ça me ferait capoter. T’sais, que l’intention dépasse le médium, ce serait complètement fou! C’est une idée que j’ai depuis un bon moment, mais là ça commence à bien germer. J’sais pas encore exactement quelle forme va prendre le projet, mais ça s’en vient! Autrement, j’ai envie de faire davantage de mandats pour des clients, utiliser ce que je fais au service d’un projet plus grand que juste ma personne pis mon message. Donc l’invitation est lancée!

Pour voir son site c’est ici, et pour vous sentir spéciaux parmi ses 15 000 abonnés instagram c’est ici.

Pour lire un autre texte de Jade Fraser: « Viola Desmond: le 10$ qu’on nous devait ».

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