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Lili Boisvert m’a arrosĂ©e de savoir fĂ©ministe avec son nouveau livre

Jasette avec l'auteure du Principe du Cumshot

Par
Lucie Piqueur
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Lire, dans un cafĂ©, un livre qui s’appelle Le Principe du Cumshot, c’est vivre dangereusement. Surtout si le livre en question vous amĂšne d’épiphanie en Ă©piphanie sur votre propre sexualitĂ©. La diffĂ©rence de libido entre les hommes et les femmes, le volume des cris de chacun pendant les galipettes, les fetish weirdo, Darwin et le statu quo


On peut dire que Lili Boisvert m’a plus renversĂ©e dans son livre que mes 10 derniers rapports sexuels. Je l’ai donc rencontrĂ©e, elle aussi dans un cafĂ©. C’est que dĂ©cidĂ©ment, j’aime vivre dangereusement. Car je ne suis pas sĂ»re que les autres clients Ă©taient prĂȘts Ă  nous entendre autant discuter de vagin et des piliers de notre sociĂ©tĂ© judĂ©o-chrĂ©tienne.

Peux-tu rĂ©sumer encore une fois: c’est quoi le principe du Cumshot ?

C’est une image. Le cumshot, dans la porno, c’est le moment oĂč on voit l’éjaculation de l’homme sur la femme. Je trouvais que ça illustrait bien le principe de base de la rencontre hĂ©tĂ©rosexuelle. Quand un gars et une fille veulent se sĂ©duire et veulent avoir une relation sexuelle et/ou amoureuse, on s’attend Ă  ce que le dĂ©sir soit un Ă©lan qui part spontanĂ©ment de l’homme vers la femme
 de la mĂȘme maniĂšre qu’on voit le sperme qui atterrit sur le corps de la femme.

Ce qu’on observe, c’est que la libido des femmes s’en trouve restreinte.

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Ça a plein d’implications dans la vie des hommes, et surtout dans celle des femmes. Ça limite le potentiel de sĂ©duction et de dĂ©sir de chacun. Ce qu’on observe, c’est que la libido des femmes s’en trouve restreinte. Elle est formatĂ©e pour s’adapter Ă  la libido de l’homme. Et je trouve que c’est trĂšs problĂ©matique.

Il y a un autre processus, dans ton livre, dont je n’avais jamais entendu parler avant. C’est la «subjectification» des hommes.

Seulement parler de l’objectification de la femme, c’est comme si on ne voyait pas ce qu’on fait avec les hommes en contrepartie. Mais c’est fondamental Ă  cette dynamique-lĂ , parce que tu as besoin d’un sujet pour avoir un objet. Ils en parlent un peu du cĂŽtĂ© des Anglo-saxons. C’est aussi un processus de respecter les gens, ce n’est pas nĂ©cessairement spontanĂ©. Il y a de plus en plus d’études qui montrent que l’empathie, c’est vraiment quelque chose qui s’apprend et qui s’enseigne aux enfants quand ils sont petits. C’est la mĂȘme chose avec la subjectification, on apprendre Ă  respecter les autres. Globalement, dans notre culture, on apprend qu’il faut respecter les hommes et les considĂ©rer comme des ĂȘtres humains entiers.

On est dans une situation oĂč on s’attend Ă  ce que notre libido soit exactement la mĂȘme que celle des hommes.

(Un monsieur dans la cinquantaine vient nous voir.)

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Le monsieur: «Excusez moi de vous interrompre, mais je suis complĂštement d’accord!»

J’aime ça, parce que je m’attends toujours Ă  ce que ce soit des jeunes femmes qui soient d’accord avec moi. Mais je suis toujours agrĂ©ablement surprise de la variĂ©tĂ© de gens qui viennent me parler. Il y a beaucoup de gens qui sont d’accord qu’il faut changer le statu quo. Tout ne repose pas que sur les Ă©paules des jeunes. C’est un effort collectif!

Tout le monde lĂšve le poing en signe de «you go, girl!» avant de reprendre l’entrevue.

Je suis Française. Quand je suis arrivĂ©e au QuĂ©bec, on m’a dit que c’était une sociĂ©tĂ© matriarcale.

C’est drĂŽle parce que justement hier, je faisais une entrevue avec une Française en France, qui me disait la mĂȘme chose. Son angle de papier, c’était justement de dire Ă  quel point les relations de sĂ©duction au QuĂ©bec sont Ă©voluĂ©es et Ă©galitaires par rapport Ă  la France. Mais faut pas non plus idĂ©aliser le QuĂ©bec!

Aux États-Unis aussi, ils ont ce genre de discours lĂ , et dans d’autres pays oĂč il y a des luttes pour l’égalitĂ©. On entend aussi «il n’y a plus de racisme». Mais quand on dit qu’il n’y a plus d’enjeux, c’est justement pour Ă©viter toute nouvelle Ă©volution.

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Ça m’a vraiment Ă©patĂ©e, quand tu parles du fait que la libido des hommes est constamment stimulĂ©e par rapport Ă  celle des femmes. Ça explique tellement d’affaires ! Pourtant, ils ne parlent jamais de ça dans les magazines fĂ©minins, quand ils nous disent «comment augmenter notre libido».

Ben non! Et c’est ça qui est problĂ©matique! Ça me gosse! Je le dis au dĂ©but du livre, je ne voulais pas dire aux femmes quoi faire pour augmenter leur libido ou avoir plus de fun au lit. Mais il faut voir la structure globale. On est dans une situation oĂč on s’attend Ă  ce que notre libido soit exactement la mĂȘme que celle des hommes, mais on ne nous donne pas les mĂȘmes conditions de base pour que ça arrive. Ça ne fait pas de sens. Ça ne marche pas! On individualise les enjeux en disant aux filles «faites ci ou faites ça pour amĂ©liorer votre sexualité». C’est ce que je dis dans la conclusion du livre: «it takes two to tango». On dit aux filles «crĂ©ez l’égalitĂ©, soyez libĂ©rĂ©es, allez Ă  la chasse!» Mais l’homme n’est pas une proie donc ça ne marche pas. Ça se joue des deux cĂŽtĂ©s.

Quand on regarde le genre de fantasmes sexuels les plus courants, ça reste quand mĂȘme trĂšs judĂ©o-chrĂ©tien.

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Pendant trĂšs longtemps, on a dit -et on le dit encore aujourd’hui- que les femmes, ça leur prend beaucoup de temps Ă  atteindre l’orgasme, contrairement aux hommes. Les hommes ont facilement des orgasmes, mais ils doivent mettre beaucoup d’efforts pour donner un orgasme aux femmes. Je pense que c’est liĂ© au fait qu’on veut stimuler le corps des femmes Ă  froid. On ne cherche pas Ă  stimuler la libido et le dĂ©sir des femmes en amont, au quotidien dans la journĂ©e, au quotidien dans la tĂ©lĂ©, on veut juste que l’homme aille vers la femme quand il a Ă©tĂ© stimulĂ©, quand il a du dĂ©sir, et aprĂšs ça qu’il puisse toucher la femme, et qu’aprĂšs ça la femme dĂ©colle. Come on! C’est de la pensĂ©e magique!

Parlant de proie, on tente souvent d’expliquer la sexualitĂ© humaine en la comparant Ă  celle des autres animaux


Je ne veux pas nier qu’il y ait une part biologique et anatomique dans la sexualitĂ©. Évidemment, ça entre en jeu. Sauf que quand on Ă©tudie vraiment les thĂ©ories Ă©volutionnistes et biologiques qu’on utilise pour justifier nos actions, on voit bien qu’il y a plein de contradictions entre les thĂ©ories et les faits. Si tu utilises une thĂ©orie pour justifier tes comportements, regarde-la dans son ensemble et avec tout ce qu’elle implique.

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Dans le livre, je parle beaucoup de biologie, mais quand on regarde le genre de fantasmes sexuels les plus courants, ça reste quand mĂȘme trĂšs judĂ©o-chrĂ©tien. On aime se dire que la religion est complĂštement derriĂšre nous, mais quand on regarde la sexualitĂ©, on remarque que c’est le domaine qui reste le plus imprĂ©gnĂ© des dogmes religieux du passĂ©. Tout ce qui a rapport Ă  la puretĂ©, la sĂ©grĂ©gation entre les hommes et les femmes, la maniĂšre dont on voit la sexualitĂ© comme Ă©tant sale, et le corps comme quelque chose qu’il faut cacher. C’est absurde de penser que c’est notre Ă©tat naturel! Tous les gens qui essaient de justifier les comportements sexuels humains en les comparants Ă  ceux des animaux, ils doivent se rendre compte que les animaux n’ont pas ces considĂ©rations morales de bien ou de mal. Je doute que les pigeons soient dans des dynamiques de «Oh! elle me rĂ©siste, donc ça m’excite encore plus! Je dois la conquĂ©rir! Ça m’excite de la salir!»

L’orgasme fĂ©minin, il faut l’exiger, parce que pour l’instant, il n’est pas lĂ  par dĂ©faut.

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J’aime ça, lire de nouvelles thĂ©ories, au milieu de rĂ©fĂ©rences Ă  Nicki Minaj et Ă  Fifty Shades Of Grey! :)

Je cite Nicki Minaj dans le chapitre sur la disparitĂ© orgasmique: «I demand to climax !» (j’exige d’avoir un orgasme!) J’aime le fait qu’elle dise ça. L’orgasme fĂ©minin, il faut l’exiger, parce que pour l’instant, il n’est pas lĂ  par dĂ©faut. Chez les deux sexes, cet orgasme n’est pas autant valorisĂ© que celui de l’homme. Mais je suis optimiste, et je pense qu’on est Ă  l’aube d’une nouvelle rĂ©volution sexuelle.

Les hommes ont leur part à faire. Il faut tendre vers la réciprocité.

Et Fifty Shades of Grey, tu penses que ça s’inscrit dans la nouvelle rĂ©volution sexuelle?

Ah! Ah! Non, je ne pense pas! Le marketing a tellement Ă©tĂ© efficace pour ce livre-lĂ , qu’on a cru Ă  un ouvrage BDSM rĂ©volutionnaire. Alors qu’en rĂ©alitĂ©, il rĂ©itĂšre simplement des clichĂ©s qu’on a dĂ©jĂ  vus 1000 fois. Mais je ne pense pas qu’il faille dire «halte!» Ă  ces clichĂ©s. Les gens en veulent, et pourquoi pas? Moi, ce que je pense, c’est qu’il faut ajouter de nouveaux clichĂ©s. Érotiser de nouvelles choses, dont le corps de l’homme. L’homme hĂ©tĂ©ro est sous-Ă©rotisĂ©, en ce moment, et ce n’est pas forcĂ©ment Ă  son avantage. Il y a plein de cĂŽtĂ©s le fun Ă  ĂȘtre Ă©rotisĂ©! 
Tant que tu n’objectifies pas la personne, que tu ne lui enlĂšves pas le reste de son individualitĂ©.

***

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HonnĂȘtement, je n’avais pas rĂ©alisĂ© Ă  quel point elle Ă©tait ancrĂ©e en moi, cette croyance que les femmes avaient une libido moins forte que celle des hommes. J’ai quittĂ© Lili avec une joyeuse envie de regarder mon dĂ©sir autrement; comme quelque chose qui peut aller et venir Ă  moi sans que je doive l’intellectualiser ou ĂȘtre responsable de le «libĂ©rer». «Demander aux femmes de libĂ©rer leur sexualitĂ© en s’auto-stimulant systĂ©matiquement, ça ne fait pas de sens. Les hommes ont leur part Ă  faire. Pas besoin de tenir le compte des orgasmes oĂč des conquĂȘtes, mais juste rĂ©tablir un Ă©quilibre naturel. C’est vraiment ça, le message. Il faut tendre vers la rĂ©ciprocitĂ©.»

AMEN!

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