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Lido Pimienta: Femme de feu, Femme de fleurs

De passage à POP Montréal, l'artiste nous en met plein la vue et plein les oreilles.

Par
Laïma A. Gérald
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Si le nom de Lido Pimienta ne vous dit rien, c’est maintenant que ça doit changer.

Récipiendaire du Prix Polaris en 2017 pour son album La Papessa, Lido Pimienta est une auteure-compositrice-interprète d’origine afro-colombienne et wayuu, aujourd’hui établie à Toronto. Souvent comparée à Björk, elle crée un son électro alliant pop synthétique et musique afro-colombienne, le tout chanté en espagnol. C’est magnifique, avec des touches de nostalgie, de cynisme ou de douleur qui n’enlèvent rien à la beauté de l’ensemble.

Crédit : Felix Renaud
Crédit : Felix Renaud
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De passage dans la métropole à l’occasion du festival POP Montréal, on a eu la chance de la rencontrer pour discuter de son plus récent album Miss Colombia. Le photographe Félix Renaud en a aussi profité pour lui organiser une séance photo haute en couleur dont on vous présente le résultat du même coup.

Lido, tu sors d’une séance photo avec Félix. Aimes-tu ce genre d’exercice? Comment ça s’est passé?

Vraiment très bien, c’était un beau travail d’équipe et l’ambiance dans le studio était super. Les photos sont hallucinantes! Ça faisait longtemps que je n’avais pas participé à un photoshoot, à cause de la pandémie et du confinement, donc j’étais vraiment heureuse d’être là.

Crédit : Felix Renaud
Crédit : Felix Renaud
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Justement, comment as-tu vécu les derniers mois? Est-ce que le confinement t’a particulièrement inspirée?

Je suis toujours inspirée. J’ai constamment des idées qui me viennent, alors j’ai pris ce temps-là pour en développer certaines. En fait, je n’ai jamais arrêté de créer et ça m’a donné une belle occasion de travailler sur des chansons que j’avais un peu mises de côté.

Aussi, j’ai des jeunes enfants, donc j’ai passé beaucoup de temps avec eux. Ça nous a permis de connecter au travers de cette période particulière. J’ai aussi consolidé ma relation amoureuse, et le confinement a été un bon test. Au début, on était stressés d’être enfermés avec les enfants, mais finalement, on a créé un bel environnement, respectueux, calme et créatif. J’ai aimé me sentir active, même en ne sortant pas de la maison.

Crédit : Felix Renaud
Crédit : Felix Renaud
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Tu as sorti un nouvel album, Miss Colombia, en avril dernier. Comment le décrirais-tu?

J’aime dire que Miss Colombia est « Une lettre d’amour cynique à mon pays d’origine. ». Mon album est une lettre d’amour, mais une lettre d’amour douloureuse. Il y a tellement d’injustices et de choses horribles qui se passent en Colombie. Mais en même temps, c’est un pays magnifique. Donc je vois mon album comme une célébration, mais aussi comme une lamentation, un deuil.

Pourquoi as-tu nommé ton album Miss Colombia?

J’ai voulu créer un jeu de mots avec « Miss ». « Miss » dans le sens de « s’ennuyer » et les « Miss » des concours de beauté, auquel je fais un pied de nez. Je veux exprimer le fait qu’une personne de ma taille et de ma physionomie ne serait jamais couronnée Miss Univers ou Miss Colombie, selon les standards de beauté actuels. Donc je veux à la fois me moquer de tout ça, mais aussi, rendre hommage à toutes les filles et toutes les femmes qui ne sont pas considérées comme « assez belles » aux yeux de la société.

Crédit : Felix Renaud
Crédit : Felix Renaud
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Tu sais, il y a vraiment beaucoup de règles et de pression sociale en Colombie. Si tu n’es pas mariée avec des enfants à 24-25 ans, c’est vraiment mal vu et tout le monde te dit que tu vas mourir seule. Personnellement, je me suis mariée et j’ai eu des enfants vraiment jeunes, par pression sociale. Si c’était à refaire, j’attendrais un peu plus avant de me lancer là-dedans. Aujourd’hui, je réfléchis beaucoup à comment je me définis au travers de tout ça. Je réalise que beaucoup de gens placent ma maternité au premier plan de mon identité. Moi, je me vois comme une mère qui est aussi artiste. Et comme une artiste qui est aussi une mère. Je ne veux pas que la maternité me définisse entièrement, mais je veux aussi normaliser cette réalité dans l’industrie de la musique. C’est tout ça Miss Colombia.

J’aimerais que tu me parles de la photo en couverture de ton album

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J’ai essayé d’imaginer et de créer LA robe de Miss Colombia. Je voulais beaucoup de tulle, de couleurs pastels, et un look digne d’une quinceanera (l’équivalent latino du Sweet Sixteen américain), un peu trop intense.

Je me suis rendue en Colombie pour prendre la photo et j’ai eu la chanson de travailler avec une de mes meilleures amies, l’artiste colombienne Orly Anan, pour créer le cover de l’album.

On a travaillé autour de l’idée et de l’esthétique de la quinceanera, qui est vraiment un événement important en Amérique latine. Ça marque l’entrée des jeunes filles dans l’âge adulte, et ta robe doit être la plus « poofy » possible.

Plus globalement, Orly Anan et moi avons beaucoup parlé de toutes les influences afro-colombiennes, de la culture autochtone et de tout ce qui fait la richesse culturelle de notre pays. Et parallèlement à ça, on a aussi discuté de la pression sociale, qui contraint les femmes à faire un « bon mariage », à accéder à des classes plus hautes dans la société, d’aller dans une bonne école, d’avoir le « bon » nom de famille, etc. Et tout ça est malheureusement créé et entretenu par le colonialisme.

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Dans les photos qu’on a prises avec Orly, on a travaillé sur beaucoup de symboles. Par exemple, il y a une machette, qui est initialement un objet qui est réservé aux hommes qui travaillent dans les champs ou qui ont besoin de se créer un passage dans la jungle. Pour la photo, on a voulu féminiser cet outil, en l’associant à des femmes vêtues de blanc, des mariées si on veut, pour symboliser le fait que les femmes doivent se créer un passage dans la vie et dans la société patriarcale.

On a aussi travaillé sur différents symboles religieux, parce que le religion catholique est très présente en Colombie.

Tu es de passage à POP Montréal. Faire un spectacle dans le contexte actuel, ça veut dire quoi pour toi?

Je suis vraiment contente d’être de retour à POP Montréal. Évidemment, je propose un set plus réduit que d’habitude, à cause des mesures sanitaires. En fait, on va être seulement deux sur scène, mon ingénieure de son et moi. Deux femmes qui font de la musique, quoi!

Crédit : Felix Renaud
Crédit : Felix Renaud
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Je suis vraiment excitée de faire un show live, mais je suis aussi un peu nerveuse, parce que je n’ai pas donné de spectacles devant des gens devant plusieurs mois. Mais peu importe les conditions, tu peux compter sur moi, « I’m gonna bring it, chica! »

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Photo/Retouche : Felix Renaud

Direction Artistique: Manuela Gómez

Coiffure: Claudine Jourdain
Mains: Sandra Munoz Diaz / Pamela Rodriguez