Logo

Libido: l’utérus a le dos large

Ou : Platon et Freud se moquent de nous

Par
Sarah Labarre
Publicité

Note : avant de commencer la lecture, il conviendrait au lecteur de faire à tout le moins un survol rapide de mes deux précédents billets: « La fois où j’ai servi de cobaye » et « Cher médecin ». De plus, à certains de mes éventuels détracteurs, je ne m’avance nullement dans l’essai médical. Ce billet n’est que le fruit d’une réflexion suite à la recension des divers témoignages que j’ai obtenus.

«Les femmes, peu aptes à la sublimation, souffrent d’un trop-plein de libido.»

Sigmund Freud

Saviez-vous que le mot hystérie est un dérivé du mot grec hystera, qui désigne l’utérus? Celui-ci, sorte de monstre qui régit les humains femmes par sa propre volonté souvent destructrice, a le dos large comme c’est pas permis d’imaginer. Notre ami Platon (que je n’affectionne pas trop d’ailleurs, pour des raisons qui sont idéalement miennes) disait que :

«L’utérus est un animal qui désire engendrer des enfants. Lorsqu’il demeure stérile trop longtemps après la puberté, il devient inquiet et, s’avançant à travers le corps et coupant le passage à l’air, il gêne la respiration, provoque de grandes souffrances et toutes espèces de maladies.»

Platon, le Timée

Publicité

S’ensuivirent bien des affaires qui sont tombées sur le dos de l’utérus. Primo, les chasses aux hystériques – sorcières – qui étaient ensuite brûlées vives. Secundo, l’avènement de la psychanalyse – on se souviendra de notre copain Freud et de ses nombreuses théories sur le sujet. Et tertio, l’invention du vibromasseur personnel, qui était, dois-je vous le rappeler, employé afin de traiter ladite hystérie, qui fût retirée depuis des classifications médicales (bien qu’elle jouisse aujourd’hui d’un certain regain d’intérêt).

Quel est le lien avec ma bête noire: les anovulants, et, pour ce billet précis, la libido des femmes? Cette dernière, autre créature mythique des théories freudiennes (loin de moi l’idée de prétendre être une spécialiste en la matière, à moins de me réorienter en sexologue rebelle comme me le suggère mon instinct), est tout imbriquée des forces qui régissent les humeurs – insérez ici quelques théories sur le narcissisme – et qui font de l’utérus une machine à hystérie.

Ouais, l’utérus a le dos large en sacrement. Et j’ai quelques théories à l’effet que nous, en tant que société, n’aurions pas vraiment évolué depuis, et que l’industrie pharmaceutique est demeurée une des plus phallocrates qui soient.

Publicité

Traçons maintenant, si vous le voulez bien, un lien entre tous les énoncés ci-haut et mon cheval de bataille qu’est la contraception féminine. Sur les 150 témoignages de femmes que j’ai reçus et compilés (d’autres sont à venir), 26 disent avoir perdu tout désir sexuel (absence totale de libido), sans compter celles qui ressentaient de la douleur ou de l’inconfort lors des rapports sexuels. Plus de 30 disent avoir expérimenté des troubles d’ordre psychologique, allant de la déprime jusqu’à la tentative de suicide, en passant par les sautes d’humeur. Notons que beaucoup d’entre elles figurent déjà parmi les 26 qui ont perdu leur appétit sexuel. Enfin, quoique ces données puissent paraître un peu moins probantes, une grande majorité d’entre elles dit « redevenir soi-même, avoir retrouvé une certaine joie de vivre » après avoir arrêté de prendre, ou après avoir changé leur anovulant pour un autre plus adapté à leurs besoins.

Rien de bien choquant là-dedans, me direz-vous. Vraiment? Et si je vous dis que la plupart des femmes qui ont expérimenté ce genre de problème – je parle ici de perte de désir sexuel – m’ont indiqué en préambule que ce n’est pas très grave, mais…

Publicité

Attendez une minute, là! Des femmes m’ont vraiment écrit pour me dire qu’elles ont perdu leur désir sexuel, LE facteur d’épanouissement de la femme dans son corps, mais que ce n’est pas vraiment grave! Non, mais ALLO!?

Le problème de la perte du désir sexuel et du bien-être féminin est-il traité à ce point comme étant négligeable par une industrie qui ne prend pas ces femmes en considération, au point où elles-mêmes ne perçoivent même pas cela comme étant d’une importance capitale?

De fait, l’absence totale de libido chez la femme est considérée comme futile, voire méprisée par un système – pas uniquement un système de santé, mais par la société au sens large – à un point tel où non seulement ce type de détresse est largement et socialement tolérée, mais est de surcroît indirectement encouragée par bien des professionnels de la santé, car ses conséquences sont considérées beaucoup moins importantes que le risque d’une grossesse non désirée.

Autrement dit, on a un beau système de santé qui nous crie à la figure : « Quoi ! Tu peux maintenant coucher sans tomber enceinte et tu voudrais avoir ENVIE de le faire, en plus? Capricieuse! »

Publicité

Je me permets donc, si ce n’est pas trop me perdre en théories (que je ne veux pas excessivement conspirationnistes, j’y reviendrai à la fin), d’avancer ceci :

Attendu que j’admets que le risque de problèmes de santé mettant la vie des patientes en danger, tel le risque d’AVC ou d’embolie pulmonaire, est plus faible pour celles ne consommant pas d’anovulant, avec seulement quelques cas de chiffrés sur plusieurs milliers de patientes;

Attendu que beaucoup de femmes, par leurs témoignages, voient leurs propres problèmes de perte de désir sexuel, et, par la bande, leurs problèmes d’ordre psychologique comme étant mineurs;

Attendu que
le marketing agressif des compagnies pharmaceutiques donne peu de place à l’empathie du médecin dans le système de santé et dans notre société qui exige de nous, les femmes, d’avoir une sexualité non pas saine, mais fonctionnelle – une grossesse non désirée représentant une faille à ses fonctions sexuelles;

Publicité

Attendu qu’il est permis de supposer que face au risque d’une grossesse non désirée, ces problèmes de perte de désir sexuel et d’ordre psychologique passent inaperçus, voire sont négligés par beaucoup de patientes qui en souffrent;

J’en conclus qu’il est tout à fait plausible de suggérer qu’une grande partie des patientes, si ce n’est la majorité, au moment de la prise d’anovulants de troisième et quatrième génération, subira des altérations au niveau de son appétit sexuel. Par conséquent, soit elle considérera cela sans importance vu le risque de grossesse que peut amener une sexualité sans anovulant (aparté : allo, condom!), soit elle ne s’en rendra même pas compte, ou n’associera pas cela au médicament en question, puisqu’elle ne sera pas informée correctement par les professionnels de la santé.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’ai l’impression que Freud et Platon se moqueraient bien de nous, à constater la tournure, sinon l’évolution, qu’a prise la santé de la femme – et de son utérus – dans notre société moderne. La libido, c’est la pulsion de vie, c’est une puissante source d’agressivité et surtout de volonté. Ce n’est pas juste purement physique, mécanique; c’est l’un des plus importants facteurs d’épanouissement de soi. Et maintenant, grâce à la médecine moderne, nous avons maintenant une petite pilule qui permet non seulement de contrôler les fonctions biologiques de la libido, mais qui permet aussi de contrôler, voire mater cette pulsion, cette force.

Publicité

À l’exception des compagnies pharmaceutiques qui s’en mettent plein les poches, et aux médecins qui profitent de leurs largesses par le biais d’une pratique négligente et expéditive, qui tire profite de cette situation?

Personne
. Une société axée sur la phallocratie peut s’imaginer collectivement que cela l’arrange, en effet, que les pulsions des femmes soient sous sédation. Or, je ne pense pas qu’ici, au Québec, en 2013, cela soit le cas. Je pense même que collectivement, nous souhaitons une libération de la femme plus complète que celle que l’on a présentement (voir mes deux précédents billets). Je ne prétends nullement être professionnelle sur le sujet, ni de détenir la clé du savoir; je ne puis pour le moment parler que par les témoignages que je reçois et par les lectures que certains professionnels de la santé ont bien voulu me fournir.

Une chose est certaine: je continuerai à recueillir des témoignages sur les anovulants, les effets indésirables qui en découlent, et les expériences, plaisantes ou non, des patientes dans le système de santé. Dans la même veine, j’encouragerai toujours les femmes à chercher l’épanouissement le plus complet possible, que cela passe par une pilule ou non.

Publicité

Vous avez eu des expériences particulières avec l’utilisation d’un anovulant de 3e ou 4e génération et/ou avec le système de santé par rapport à votre sexualité? Envoyez votre témoignage au info.anovulants @gmail.com