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L’homme qui ouvrait des portes

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Amis du club du RIASEC, que vous soyez Réalistes, Investigateurs, Artistes, Sociaux, Entreprenants ou Conventionnels: nul doute qu’on vous a orientés dans le bon sens.

Nous sommes plus d’une génération à être liée par les sacro-saints tests d’orientation au secondaire, des tests d’aptitudes-personnalités-intérêts-gros-bons sens où l’on faisait des petits points (ou des petits trous?) en répondant à des questions promettant de percer les secrets de notre âme. Tests à la suite desquels “l’orienteur” en complet ton-sur-ton (dans mon souvenir de mauvaise foi), sans très grande créativité, nous orientait finalement tous dans le même sens: il fallait nous « ouvrir toutes les portes ». Conseil au sous-texte équivoque : «Allez étudiez en sciences, ou de grâce, prenez au moins les sciences humaines qui viennent avec des maths».

J’ai le souvenir très précis de mon “orienteur”-amateur-de-tweed qui m’explique la différence entre travail et loisir lorsque j’évoque littérature et cinéma, qui l’on s’en doute, incombent à la deuxième catégorie, celle de l’oisiveté et du pur divertissement.

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Un jour tomba le verdict: mes tests révélaient que je ferais une super actuaire. Alors qu’en général, j’étais pourtant assez bonne en test – j’arrivais toujours à mes fins avec ceux du Filles d’Aujourd’hui, m’arrangeant pour que mon « style de mec » soit Johnny-bad-boy, j’avais échoué mon test de vie, de carrière. Mais j’avais le temps d’y penser – suffisait qu’entre temps, j’étudie en sciences, histoire de « m’ouvrir toutes les portes. » Ajouter ici une petite tape-tape sur la tête.

Moi qui rêvais d’une vie de Lettres où je citerais les sœurs Brontë et tomberais amoureuse de mon prof de littérature (un peu bad boy, rappelez-vous) comme dans les livres de Marie Laberge, imaginez ma face tristounette lorsque j’ai cherché « actuaire » dans le dictionnaire. Une vie de calculs des probabilités ? Mon âge des ténèbres à moi.

Parenthèse tragico-comique, ils s’en trouvent plus d’uns autour de moi à avoir été orienté en ce sens. L’actuariat, un don universel? Vraiment? Je blâme la Gamique pour ce coup fumant. Je souscris à cette théorie comme quoi nous avons tous le droit d’évoquer la Gamique au moins trois fois dans notre vie, cela fait partie des lois tacites de l’humanité, pas très loin de celle que de coucher-avec-une-vedette préalablement-nommée-ce-n’est-pas-tromper (oui oui chéri, mais le jour où tu vas t’essayer sur Natalie Portman, ça se peut que je sois derrière elle et que je lui fasse des oreilles de lapins, pour te faire décrocher).

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Dans mon petit cerveau certes doué pour les chiffres mais pas tellement passionné d’opérations financières, de prévoyances et d’amortissements, j’en vins à la conclusion que “l’orienteur” était embauché par une coalition faite du Gouvernement, de l’Armée et de l’Ordre des Actuaires du Québec, reconnu pour ses partys de Noël légendaires. La Gamique a puissamment utilisé le stratagème des « portes grandes ouvertes », sachant qu’il fallait tout de même trouver une bonne dose de courage pour oser avouer qu’on préfèrerait s’en fermer quelques-unes.

La Gamique aurait peut-être dû changer de disque, comme on disait dans le temps, parce qu’à force d’appeler à ouvrir toutes les portes, les enfants devenus grands les ont pris au mot. Ils ont ouvert les portes, les fenêtres, ils ont mis le feu au toit, ils sont sortis de partout. Même si notre paternaliste de gouvernement essaie de mettre un chapeau d’âne à l’un et de mettre les autres en punition, même s’il essaie de les convaincre en jouant bêtement avec les chiffres et en les prenant en souricière, ils ne retournent pas en classe. Même pas à grand coup de strap. Faut croire qu’il n’était pas nécessaire d’en faire des petits actuaires pour qu’ils apprennent à compter…

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