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L’histoire improbable de Camille : « C’est bien la première fois de ma vie que je transporte de la drogue sur moi »
Cet été, nos collègues d’URBANIA France nous ont proposé une série d’histoires (vraies!) de voyage. Ruptures, naissances, rencontres improbables, situations rocambolesques… le genre de série qu’on a envie de scroller sur son téléphone à la plage, avec du sable entre les orteils. Mauvais nouvelle : l’été est terminé. Bonne nouvelle : la série va continuer un vendredi sur deux!
Bref, aujourd’hui, Camille*, 27 ans, raconte…
C’était en février 2020. Je suis partie voyager seule au Costa Rica après une mission humanitaire. Pendant deux mois, j’ai traversé le pays de long en large. L’histoire se déroule alors que je suis sur le départ de Montezuma, « Montefuma », pour les intimes. Un village perdu au sud de la péninsule de Nicoya, au bord de l’Océan Pacifique. Un cadre idyllique particulièrement connu pour deux choses : être un repère de backpackers en quête d’aventures et produire la meilleure herbe du pays. D’où ce surnom.
C’est mon dernier soir sur place. Demain, je pars en direction de Samara, à quelques heures de route. Je suis avec un pote et on traîne tous les deux. On est sur la plage, on boit des coups les pieds dans le sable, on fume de l’herbe, on passe une super soirée. Vers minuit, il part se coucher et me laisse de quoi fumer un dernier joint. Sympa de sa part, mais je suis déjà suffisamment défoncée pour ce soir. Je range donc la weed dans mon stick à lèvre et moi aussi, je file au dodo.
Le lendemain, comme prévu, je me lève, je rassemble mes affaires et je quitte mon auberge de jeunesse, en quête d’une voiture direction la baie de Sámara. Bonne nouvelle, je trouve super rapidement. Deux potes, une fille et un garçon (plutôt mignon), qui partent d’ici 30 minutes. Parfait.
« J’avais complètement zappé la weed dans mon labello ! »
Sur la route, l’ambiance est cool. On écoute du son, on se raconte nos vies. Puis à un moment donné, on sort de l’autoroute et on croise un barrage de flics. Toutes les voitures ont l’air de se faire contrôler. « La nôtre risque également d’y passer », prévient le mec qui conduit. Aucun problème. Ce n’est pas comme si… « Putain la weed !!! », je m’exclame dans ma tête. « J’avais complètement zappé la weed dans mon labello ! ». Je tilt. Weed, flics, Costa Rica. Merde, merde, merde. Et s’ils ont des chiens avec eux ? Je vais me faire cramer, c’est sûr ! Mon cœur s’accélère, je commence à transpirer et à trembler de partout. Je n’ai aucune idée de la législation concernant la possession de cannabis au Costa Rica, mais j’imagine qu’elle ne doit pas être tendre… En plus avec le stress, je ne suis pas sûre de réussir à m’exprimer correctement en espagnol. Et surtout, mes deux camarades de route ne sont pas au courant de ma négligence. Je ne peux donc pas partager mon stress avec eux.
Dans mon cerveau, ça y est, je vois toute ma vie défiler.
Putain, merde merde merde. En plus, n’étant pas une grosse fumeuse, c’est bien la première fois de ma vie que je transporte de la drogue sur moi. Et il faut que ce soit ici, au Costa Rica. Dans mon cerveau, ça y est, je vois toute ma vie défiler. Je les vois m’arrêter, je vois l’interrogatoire au poste, les menottes, la prison, la peine de mort, la totale… Je me liquéfie sur la banquette arrière du véhicule. Sauf que je dois impérativement garder mon calme. Je ne dois surtout pas éveiller les soupçons des deux backpackers avec qui je voyage – on ne sait jamais, ils pourraient me virer de leur voiture comme une malpropre ou pire, me livrer aux flics – et surtout, je ne dois pas me faire cramer par les policiers avant même d’avoir baissé ma vitre…
« Tu ne te rends pas compte du risque que tu nous as fait courir ! »
J’essaie de me calmer. Je respire doucement, profondément. On se rapproche. Plus que quelques mètres. Je dégouline carrément de sueur. On arrive à leur hauteur. Mec mignon baisse sa vitre. « Hola ! » et répond à leurs questions. D’où vient-on ? Depuis quand sommes-nous sur le territoire ? Papier du véhicule. Permis de conduire. L’espace d’une minute, j’ai l’impression que les policiers m’ont oublié. C’est limite si je ne crie pas déjà victoire. Jusqu’à la fameuse question ; est-ce que vous voyagez ensemble ? « Nous deux oui », indique-t-il en désignant sa pote. « Avec Camille qui est derrière, non. Nous l’avons seulement pris en stop à Montezuma ». Le policier se retourne vers moi et me demande de sortir du véhicule. Pic de stress. Mon cœur s’emballe. Il va carrément sortir de ma poitrine. Je souris béatement et je sors un peu maladroitement. Il contrôle mes papiers et me pose les mêmes questions qu’aux deux backpackers. Je bégaye. J’essaie de baragouiner un peu. Je m’efforce en même temps de garder mon calme. Jusqu’à ce qu’il me demande s’il peut fouiller mon sac. Ok, je vais faire une syncope. Je lui tends mon sac et je fixe l’horizon. Je m’interroge en boucle : « Qu’est-ce qu’il va se passer s’il trouve ma beuh ? Qu’est-ce qu’il va se passer s’il trouve ma beuh ? Qu’est-ce qu’il va se passer s’il trouve ma beuh ? ». Il fouille. Mon porte-monnaie. Ma petite pochette. Il regarde un peu tout. Puis d’un coup, il me rend mon sac et me souhaite « bon voyage ! ». « Quoi ? Je peux partir ? » Mon dieu ! Dans ma tête, j’ai gagné au loto. Pas d’interrogatoire au poste, pas de menottes, pas de prison, pas de peine de mort. Je souffle. Je remonte dans la voiture, j’attache ma ceinture et je respire à nouveau (même si maintenant que j’ai survécu à celui-ci, j’ai SUPER PEUR d’un deuxième contrôle).
À quelques mètres à peine du barrage, mec mignon (qui a senti ma détresse face au policier), me demande franco : « Tu avais quelque chose ? ». J’avoue : « Oui ». Je lui raconte le joint caché dans le labello. Je me confonds en excuses. « Désolé de vous avoir mis dans cette position ». Sa pote pète un câble. « Tu ne te rends pas compte du risque que tu nous as fait courir ! ». Je continue à m’excuser. Mais y’a rien à faire, elle n’en démord pas. Je jette le labello par la fenêtre. Je m’excuse encore. Puis, dans un silence de mort, on arrive devant ma future auberge, ils me déposent et s’en vont. Je suis un peu dégoutée. Déjà, parce que très honnêtement, j’aurais bien fait un peu plus connaissance avec mec mignon. Mais surtout, parce qu’avec tout ce stress, je me serais bien fumé un petit joint pour me détendre…
*Le prénom a été modifié
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Ce texte a d’abord été publié sur urbania.fr
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