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L’acteur américain Bruce Willis a annoncé sa retraite cette semaine. En fait, il n’a pas fait l’annonce lui-même. Ce sont les membres de sa famille qui ont pris la parole par le biais d’Instagram.
L’interprète de l’immortel John McClane souffrirait d’aphasie, une maladie qui rend toute forme d’expression verbale difficile, voire impossible. L’acteur serait atteint d’une forme d’aphasie particulièrement agressive qui affecterait ses facultés cognitives.
Des acteurs qui prennent leur retraite, c’est quand même rare. D’habitude, ils demeurent dans le giron hollywoodien jusqu’à la fin de leur vie en choisissant leurs projets en fonction de l’énergie qu’ils souhaitent y consacrer. Sans avoir l’heure juste à ce sujet, les circonstances de la retraite de Bruce Willis indiquent qu’il est probablement TRÈS malade.
Il aura changé l’industrie du cinéma à sa manière et c’est important de le célébrer pour ne pas l’oublier.
En temps normal, j’essaie de ne pas faire de cas des retraites ou décès de célébrités. Parce que le temps passe et que les choses changent. Ça fait partie de l’expérience humaine. Lorsqu’un.e artiste tire sa révérence, il ou elle nous laisse un héritage pour qu’on puisse continuer à l’aimer en son absence. Cependant, la retraite de Bruce Willis a quelque chose de cruel. À 67 ans, il avait plusieurs années devant lui pour continuer à nous faire rêver. La maladie lui a volé ce temps… NOUS a volé ce temps.
L’héritage culturel de Bruce Willis est quand même vivant et fort. Il aura changé l’industrie du cinéma à sa manière et c’est important de le célébrer pour ne pas l’oublier.
Un héros ordinaire
Bien qu’il ait fait ses débuts dans l’industrie en 1980, Bruce Willis ne décrochera pas de premier rôle dans une grosse production avant Blind Date (mieux connu sous le nom de Boire & Déboires par les gens qui regardent Radio-Canada entre 23 h et 1 h) en 1987. Encore là, c’est vraiment son rôle de John McClane dans Die Hard qui fera de lui la super vedette qu’on connaît aujourd’hui.
Pour comprendre comment McClane et Willis ont changé l’industrie, il faut comprendre le contexte dans lequel il a obtenu le rôle. Bruce Willis était tout sauf le premier choix de la production. En 1988, c’était l’époque des gros bras et des films d’action où des héros gonflés et huilés défendaient l’Amérique contre des menaces étrangères – la plupart du temps les Russes, mais dans le cas de Die Hard, c’était les Allemands. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, Hollywood adore tuer des Allemands.
Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger, les deux plus grandes vedettes du grand écran à l’époque, ont tout d’abord été approchés pour incarner McClane. Dans les réunions de financement, Die Hard était d’ailleurs décrit comme étant « Rambo dans une tour à bureaux », ce qui n’est pas loin de la réalité. Puis, le rôle a été offert à Clint Eastwood, Richard Gere, Nick Nolte, Harrison Ford, Don Johnson et plusieurs autres avant qu’on se « contente » de Bruce Willis.
Le problème, c’est que Willis n’avait pas exactement un physique qui cadrait dans les valeurs hollywoodiennes de l’époque. On cherchait des brutes pour défendre l’Amérique alors que Willis avait l’air d’un père de famille. Un père en forme, mais un père quand même, avec ses rides, sa chevelure fuyante et ses yeux fatigués.
C’est avec ces attributs qu’il contribuera à la révolution que Die Hard créera dans le milieu. Contrairement à John Rambo et au Terminator, qui sont des êtres d’exception dans des circonstances exceptionnelles, John McClane est un homme courageux, mais ordinaire, confronté à des situations tout aussi exceptionnelles causées (ou renforcées) par l’incompétence et l’inertie des autorités américaines.
C’est la première fois qu’un héros de film d’action séparé de sa femme essaie ouvertement de réparer les pots cassés. Hollie n’est pas représentée comme une mégère castrante, mais comme étant tout aussi forte et courageuse que son mari.
Dans Die Hard, on voit John McClane souffrir, prier, manger de la nourriture périmée et parler ouvertement de sa peur de mourir avec le personnage d’Al Powell, un policier en surpoids avec une femme enceinte qui l’attend à la maison. C’est aussi la première fois qu’un héros de film d’action séparé de sa femme essaie ouvertement de réparer les pots cassés. Hollie n’est pas représentée comme une mégère castrante, mais comme étant tout aussi forte et courageuse que son mari. Les raisons de leur séparation n’ont rien à voir avec leur caractère respectif, mais plutôt avec les rigueurs de la vie contemporaine.
Bruce Willis et Die Hard ont humanisé le cinéma « pop corn » comme il ne l’avait jamais été avant. Ils auront inspiré une nouvelle génération de héros et héroïnes à taille plus humaine, auxquels il est plus facile pour monsieur et madame Tout-le-Monde de s’identifier.
Rendre l’ordinaire extraordinaire
Le grand patron d’URBANIA sourira probablement à la lecture de ces lignes, mais Bruce Willis a aussi changé l’industrie du cinéma en rendant l’ordinaire extraordinaire (notre devise). Par son jeu d’acteur, il a toujours été capable de rendre les petits détails attachants et plus grands que nature.
Par exemple, Willis avait probablement la meilleure interprétation du lendemain de veille au cinéma. Dans la série Die Hard comme dans d’autres films comme The Last Boy Scout, Willis était passé maître dans l’art de représenter la douleur de l’excès. Ses mouvements oscillants, sa posture légèrement incurvée et ses gémissements subtils, mais bien placés, ont donné à ses personnages une humanité attachante. Parce qu’il n’y a rien de plus inspirant qu’un personnage qui combat une douleur qu’il s’est lui-même infligé afin d’agir moralement.
Willis avait probablement la meilleure interprétation du lendemain de veille au cinéma.
L’humanité de Bruce Willis ne s’arrête cependant pas à ses talents d’interprétation de la gueule de bois. On n’a qu’à penser à son rôle de Butch dans Pulp Fiction, où on le voit batailler une douleur à la fois physique et morale dans des circonstances extrêmes. Butch était d’abord et avant tout un enfant blessé, meurtri par le décès de son père. Contrairement à tous les clichés des films de gangsters, on le voit risquer sa vie pour garder le seul souvenir qui les rattache. En parlant très peu, avec des mouvements brusques et des changements d’intonation imprévisibles, Willis a parfaitement traduit le tourment intérieur de Butch.
Sinon, la liste est longue : The Sixth Sense, 12 Monkeys, Armageddon, Hudson Hawk, Unbreakable, Lucky Number Slevin, l’héritage culturel de Bruce Willis aura été d’humaniser le film d’action avec son jeu physique, verbal et cet entre-deux magique qui trahissait l’état émotionnel de ses personnages. Il a pavé la voie pour des acteurs comme Matt Damon, Russell Crowe et même Nicolas Cage (il forgera son propre chemin après quelques années, mais sans Willis, il n’aurait probablement jamais eu sa chance).
La maladie nous prive peut-être de plusieurs décennies de Bruce Willis, mais ce dernier laisse près de 40 ans de travail derrière lui à célébrer! Merci pour tout, Bruce.
Yippee Ki-Yay!