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L’héritage controversé de la pizza Delissio
L’infâme pizza surgelée est entrée dans nos fours comme dans notre imaginaire collectif par un mensonge rhétorique : « C’est pas du resto, c’est… DELISSIO! ».
Un tour de force marketing qui nous hantera encore longtemps.
Si son slogan est éternel, il est maintenant temps de dire adieu à son produit. Oui oui, Nestlé tire la plogue, vous avez six mois pour faire vos réserves.
« Bon débarras! », crieront les fines bouches (et Dr. Oetker). En effet, nul besoin d’avoir des origines napolitaines pour discerner l’absence totale de finesse du produit, même chez la Deluxe. Il faut vraiment avoir le palais crissement brûlé pour la confondre avec une pizza du restaurant.
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D’entrée de jeu, n’y a-t-il pas toujours eu quelque chose d’un peu adolescent avec la Delissio? Un je-ne-sais-quoi d’impulsif, voire de trompeur en bouche, comme une vilaine décision entièrement assumée.
« Ça peut toujours servir si mal pris », se dit-on consciencieusement en la lançant dans le panier. Achat judicieux s’il en est, on s’empresse toutefois de l’honorer dès le lendemain matin, le frigo encore plein et la panse vite gonflée par la honte.
Combien de fois me suis-je répété « pu jamais » en me massant les entrailles?
Plat national de la paresse, elle a le pouvoir de culpabiliser juste en se laissant déballer. Si un jour nostalgie il y aura, allons-nous nous souvenir de ce redoutable sentiment d’impuissance en témoignant de la différence entre l’horreur sous cellophane et l’image parfaite sur la boîte? Et qui n’a jamais foiré sa pizza en oubliant l’insidieux carton sous la croûte?
Même avec une stratégie de cuisson exécutée à la perfection, une bonne Delissio goûte fort proche de la vidange. Son inquiétante texture « lève au four » s’oublie cependant instantanément au calcul de l’excellent ratio calories-prix, surtout pour les diplômé.e.s en science du bong.
J’ai visité quelques supermarchés (et dépanneurs) depuis la nouvelle du couperet et si cela peut rassurer certain.e.s, aucun vent de panique n’a encore soufflé sur ses stocks. Il en reste. Il en reste en masse.
N’hésitez donc pas, frat houses et familles dans le jus, le marché noir de la spéculation attend rarement longtemps.
Mais un petit instant…
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Au-delà de sa grande polémique gustative, l’occasion de son deuil annoncé permet également de lever le voile sur sa part d’ombre éthique. Car la marque « #1 au Canada » selon l’affichage appartient depuis 2010 au fabricant alimentaire suisse Nestlé, l’un des conglomérats les plus controversés. En cessant sa production de pizza saveur carton et croûte brûlée, on apprend que la plus grande entreprise de produits alimentaires sur la planète souhaite se concentrer sur ses autres items populaires, tels que les sucreries, le café et l’eau embouteillée.
Si l’eau embouteillée représente désormais une priorité pour le géant helvète, il est de notre devoir de se rappeler les dérives menant aux combats communautaires contre l’exploitation de la nappe phréatique ontarienne. (2)
Si ce n’est pas l’aquifère canadien abusivement pompé ou des vaches maltraitées (justement pour napper la Delissio) au Wisconsin, Nestlé a été accusé au fil des années de faire travailler des enfants, de manipulation de mères non éduquées, d’extrême pollution environnementale, de malversations publicitaires et d’étiquetage frauduleux.
Son répertoire de déroutes tant industrielles que morales semble capable de faire frémir ses produits les plus surgelés. Même les jeans Diesel sont l’œuvre de la grande famille Nestlé. On comprend mieux les nombreux appels au boycottage.
« Bon débarras! », crieront avec raison les activistes. Une chute qui permet une rare poignée de main entre les foodies et les altermondialistes. Pas besoin d’avoir des billes dans ses dreads pour réaliser que l’on vivra mieux sans sa 4 fromages.
Bref, la fin est proche. Vingt-quatre ans, une longue run pour une relation aussi compliquée.