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L’évolution des héros criminels: du parrain à Harley Quinn
À l’occasion de la sortie de la série C’est comme ça que je t’aime, URBANIA et ICI TOU.TV EXTRA s’unissent pour essayer de comprendre notre obsession des mauvais garçons et des vilaines filles.
Notre obsession pour les hors-la-loi ne date pas d’hier.
Les chevaliers errants, cowboys, détectives privés et justiciers masqués de toutes sortes font partie de notre imaginaire depuis plusieurs siècles.
Le protagoniste criminel, c’est un phénomène beaucoup plus récent et il connaît un essor incroyable depuis le tournant du millénaire : Breaking Bad, Joker, Birds of Prey, Série noire : la liste des criminels pseudo-sympathiques de la culture populaire est longue.
On n’a pas à chercher très loin pour trouver des exemples de mafiosos bourrus, de voleurs de banques au cœur pur ou même de psychopathes à l’éthique irréprochable (*ahem* Dexter *ahem*) apparus au cinéma et à la télé au courant des vingt dernières années.
Comment ? Pourquoi ? Examinons ensemble l’histoire de ces protagonistes nouveau genre et ce qu’ils disent à propos de nous.
Le patient zéro : Vito Corleone
Le premier criminel pur à prendre d’assaut la culture populaire est né de l’imagination de l’écrivain italo-américain Mario Puzo, auteur du roman iconique Le Parrain.
Vito Corleone et son fils Michael, respectivement patriarche et héritier de la famille, sont ouvertement criminels. Ils sont cependant dépeints comme des hommes d’honneur avec un code d’éthique inspirant. Ils se battent pour empêcher l’arrivée du trafic de drogue en Amérique, gardent les autres familles criminelles cupides en respect et s’attirent la bienveillance du public en maintenant l’ordre social.
Dans Le Parrain, on présente le criminel comme le chef d’un nouvel ordre social basé sur des valeurs comme l’honneur, la famille et la loyauté.
Portée à l’écran par le légendaire Francis Ford Coppola, la série montre rarement les membres du clan Corleone commettre des actes moralement répréhensibles. La façon dont ils gagnent leur argent n’est jamais vraiment claire : il y a des histoires de trafic d’huile d’olive, de gambling et d’un racket de protection auprès des marchands locaux qui ne fait que peu ou pas de victimes, parce que tout le monde les paye avec assiduité.
On y voit peu ou pas de civils souffrir des activités du crime organisé et ceux qu’on montre, comme le producteur de films qui se réveille avec la tête coupée de son cheval dans son lit, sont dépeints comme orgueilleux et déraisonnables.
Dans Le Parrain, on présente le criminel comme le chef d’un nouvel ordre social basé sur des valeurs comme l’honneur, la famille et la loyauté. Une espèce de roi du vingtième siècle, si vous voulez. Un dirigeant vertueux, fort et surtout idéalisé de ses sujets.
Succès vs vertu
La famille Corleone était somme toute respectable, mais les choses ont dérapé à partir de là.
Les concepts de succès et de vertu ont commencé à s’éloigner l’un de l’autre dans le discours populaire et c’est devenu de plus en plus cool de triper sur les voyous. Les vrais de vrais, là. Ceux qui trouvent le bonheur dans la défaite de leurs ennemis, la croissance de leur fortune personnelle et de leur pouvoir sur autrui.
Des gens comme Tony Montana, le protagoniste de Scarface.
Pour Tony Montana, pas besoin d’être honorable et vertueux si on est victorieux. C’est un personnage libre de conventions sociales classiques, à travers lequel il fait bon purger ses émotions négatives.
Basé sur un personnage d’un film des années 30 (avec qui il a peu en commun), Montana est un immigrant cubain avec une seule idée en tête : devenir riche et puissant. Dans son monde, l’honneur et la loyauté sont des faiblesses qui mènent à la ruine ou au cimetière. Elles sont personnifiées en Frank Lopez, un gangster de la vieille école que Tony assassine froidement pour devenir le distributeur principal de cocaïne à Miami.
Si les raisons pour lesquelles Vito et Michael Corleone ont conquis les audiences étaient claires et plutôt classiques, celles qui ont fait de Tony Montana un personnage culte le sont moins. Il refuse de laisser un système qui le désavantage dicter sa vie. Non seulement il est prêt à voler, à battre ou à tuer n’importe qui pour réussir, mais il est également contre l’idée d’éprouver de la compassion ou de suivre quelconque modèle préétabli par principe. Il assiste à l’exécution d’un de ses collègues lors d’un voyage en Bolivie et garde son sang-froid. Pour Tony Montana, pas besoin d’être honorable et vertueux si on est victorieux. C’est un personnage libre de conventions sociales classiques, à travers lequel il fait bon purger ses émotions négatives.
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Ce sont des motivations similaires qui poussent le protagoniste de Breaking Bad, Walter White, à devenir trafiquant de drogue. Condamné à une vie d’insignifiance comme professeur de chimie dans une école secondaire malgré un intellect clairement au-dessus de la moyenne, il profite d’un diagnostic de cancer avancé pour se lancer dans la fabrication de méthamphétamine.
Plus la série avance, plus Walter White se met à combattre le diagnostic existentiel qui lui a été adjugé. Il défie ouvertement les règles de la société l’ayant condamné à la médiocrité en devenant un criminel prestigieux.
Au début, il s’agit d’une façon pour lui de combattre son diagnostic. Plus la série avance, plus Walter White se met à lutter contre le diagnostic existentiel qui lui a été adjugé. Il défie ouvertement les règles de la société l’ayant condamné à la médiocrité en devenant un criminel prestigieux. C’est à ça que les gens répondent.
Suivez les règles et mourez dans l’anonymat ou brisez-les pour devenir une légende : telle est la philosophie qui rend Walter White, ou n’importe quel autre criminel fictif, attachant. Être beau pis fin, ça ne rapporte rien. Contrairement à la famille Corleone ou à Tony Montana, on voit Walter White passer d’un extrême à l’autre. Il ne rejette pas les conventions sociales d’entrée de jeu, mais se transforme plutôt en quelqu’un qui les exploite pour son gain personnel. I’m in the empire business, dit-il si bien.
Bien sûr, les conséquences de ses actes ne sont que stratégiquement exposées : l’angoisse d’une femme contrôlante et détestable, le meurtre de son beau-frère agent de la Drug Enforcement Administration (qui planifiait sa chute de toute façon), des assassinats qui semblent souvent nécessaires. On ne voit presque jamais Walter gérer la misère sociale que cause sa méthamphétamine ultra-puissante.
L’« heroïne » de Birds of Prey Harley Quinn est un autre excellent exemple. Elle renverse les codes des films de superhéros où les femmes sont soit gentilles et promptes à se sacrifier (*ahem* Black Widow *ahem*) ou égoïstes et cruelles. Quinn est une psychopathe, certes. Mais elle se tient debout dans un monde brutal dominé par des hommes brutaux et contrôlants. Elle défie les règles.
Ça peut avoir l’air dark d’idolâtrer des voleurs et des meurtriers fictionnels, mais leur valeur est symbolique. Il affrontent l’interdit pour nous et nous montrent qu’il ne faut pas avoir peur de briser les règles (métaphoriquement parlant, bien sûr).
La popularité sans précédent des protagonistes criminels dans la culture populaire n’est pas le fruit du hasard. On tripe sur eux un peu comme un tripe sur les entrepreneurs. Ce sont des rebelles qui s’actualisent en marge du système. Ça peut avoir l’air dark d’idolâtrer des voleurs et des meurtriers fictionnels, mais leur valeur est symbolique. Il affrontent l’interdit pour nous et nous montrent qu’il ne faut pas avoir peur de briser les règles (métaphoriquement parlant, bien sûr).
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