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Lettre ouverte de Robin Aubert à Safia Nolin

«Une poignée de belles phrases sans trop de raison. Juste parce que tu le mérites»

Par
Robin Aubert
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Troublé par les commentaires haineux reçus par Marc Cassivi au sujet de Safia Nolin, le réalisateur Robin Aubert nous a fait parvenir une lettre ouverte (ou plutôt un truckload d’amour) qu’il souhaitait envoyer à Safia. On publie ici son cri du coeur contre la haine décomplexée.

Safia,

On se connait pas. J’aime tes tounes. Pas toutes, mais c’est comme Vigneault, des fois je pars dans lune aussi, pis oups, il se met à me parler de portage ou de planter un chêne, la pointe du cœur se remet en branle.

J’veux te lancer un peu d’amour, une poignée de belles phrases sans trop de raison. Juste parce que tu le mérites. Un artiste qui se tient debout, c’t’un arbre de moins qu’on fait tomber. C’t’une flèche de plus dans l’abdomen. J’veux te pitcher du beau parce que ça commence crissement à faire la haine que tu reçois sur ta manière d’être. Ça commence à faire les trolls ignobles. Cette misogynie latente, cette homophobie grossière

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Je suis tanné des impotents sans plume, des illettrés qui décrivent dans une pensée restreinte des mots barbouillés tout croche. Tanné des imbéciles heureux qui s’acharnent sur le physique des autres alors qu’ils ont fort probablement vécu le même genre de remontrances.

Safia, à chaque fois que je vois une photo de toi, je te trouve belle. J’suis jaloux de tes t-shirts. Ton regard en feu m’envahit de chaleur, j’ai le goût de créer, d’être qui je suis, de lire un livre, de sortir mes vieilles cassettes de mon pick-up pis les shiner comme des joyaux incontestables. Ta voix c’t’un songe, une rivière qui coule même l’hiver.

Safia, tu donnes envie qu’on « tombe en amitié » avec toi; s’installer au comptoir chez Wilensky pour le plaisir de parler dans le vide, errer dans une ville anonyme, prendre un autobus pour quelque part, sans but précis, que le temps qui passe. Tes mots : des vers qui veulent dire quelque chose, des petites phrases de rien du tout chargées de douceur libératrice. Loin de la hargne, du manque de culture qui frappe à chaque fois plus fort à mesure qu’on entend le fiel sortir des langues vipères.

Safia, tu donnes envie qu’on « tombe en amitié » avec toi.

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Safia, merci de parler de mélancolie. De réveiller les morts devant leur tivi du drame humain qui se joue faussement dans des décors carton-pâte. Ça fait du bien, le vrai spleen. Ta voix : des amoureux allongés dans la pelouse qui regardent les étoiles. Des fois, je voudrais être un astronaute dans l’espace, loin des innocenteries qui fourmillent dans le terreau de notre mal-être. Loin du point de vue de chacun dont l’écoute n’a plus aucune importance.

On dit, puisqu’on fait le choix d’être ce qu’on est, qu’on doit assumer les conséquences. C’est peut-être vrai. Je m’habille comme la chienne à Jacques. J’suis bien dans mes jeans troués pis mes chemises de bucheron. On me prend en photo avec des tuques de WD-40 pis une barbe hirsute. Pourtant, je n’ai jamais reçu de messages de haine concernant mon apparence. Jamais qu’on m’a traité de « gros cochon sale », « d’hostie de pas propre », « de câlice d’agasse ». Non, on salue plutôt le geste. Ça fait authentique. J’ai un passe-droit pis on sait très bien pourquoi. Je suis l’heureux gagnant d’un pénis.

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Safia, j’aimerais un jour te serrer dans mes bras. Je sais, tout ce que je dis c’est gratuit. J’fais comme tout le monde, je me permets toute.