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Avant de m’adresser à elle et de plonger dans mon histoire de Cendrillon fucked up, j’avais envie de m’adresser à toi, qui aurais pu être l’homme de ma vie, parce que je veux que tu saches ceci :
Je sais que c’est facile de dire que j’étais là en premier, que j’étais ton premier vrai amour et que c’est moi que tu aurais dû choisir, mais qui sait, peut-être que les hommes ne fonctionnent pas comme nous, que leur sentiment de l’inconditionnel est un peu plus conditionnel que le nôtre. Peut-être que dans le cœur des hommes, il y a un podium qui ne sait pas élargir sa première marche pour faire de la place à plus d’une paire de chromosomes X à la fois.
Pour être honnête, je ne sais pas grand-chose et on dira tant qu’on voudra que les femmes sont difficiles à comprendre, je crois que les hommes qui se taisent leur font une rude concurrence.
L’unique certitude que je détiens, c’est qu’effectivement, l’amour rend aveugle et à travers mon ignorance de jeune fille qui n’a presque rien vécu, j’ai la maturité de comprendre ça. J’admets que le terme aveugle peut sonner péjoratif et que dans ton cas, l’amour ne te rend sûrement que myope. Parce que l’homme que je connais, avec ou sans lunettes, est sensible, fidèle et aimant (malgré sa maladresse de monsieur).
Je dois me rendre à l’évidence que si c’est à elle que tu offres cette sensibilité, cette fidélité et cet amour, tu dois effectivement avoir les yeux embrouillés par le cœur. Par le sien, qui fait tout en son possible pour te convaincre que tu es comblé et qui ne te manque de rien. Même pas de moi. En même temps je la comprends, moi aussi j’aurais voulu te garder pour moi toute seule quand c’était encore possible. Il faut cependant que tu saches que même si je ne t’en veux pas, ça me fait de la peine d’être ta numéro 2, papa.
À travers mes petits mots cousus ensemble pour imager des émotions toutes courtes pointées de ce qui est difficile à décrire, je veux essayer d’être plus douce qu’aigre, même s’il s’agit ici de beaucoup plus que de sauce à croquettes. C’est pourquoi, pour éviter de tomber dans l’amertume, j’ai envie de m’adresser à elle plutôt qu’à toi.
Alors à toi, la femme de sa vie, à toi et à toutes les “affreuses belles-mères” de ce monde qui n’en sont pas vraiment; je te pardonne de ne pas savoir m’aimer très bien.
Je te pardonne de ne pas m’aimer simplement parce que tu ne me connais pas et de ne pas me connaître parce que tu n’en as pas envie. Je te pardonne de ne pas en avoir envie, car je te sais confrontée. Je ne saurais pas dire exactement par quoi, étant donné que je n’ai jamais eu la malchance d’être moi aussi, une fraction de mère malgré mon cœur plein.
C’est peut-être une question de racines, qui te rendent malgré toi confrontée par une enfant qui n’est pas la tienne, mais qui est quand même celle du père de ton fils. Il est possible que ça soit une question d’injustice, où tu fais face à une fille que tu as vue et aidée à grandir, mais qui réussit quand même sans toi, puis qui ne saura jamais te rendre avec justesse tout ce que tu lui as offert, parce que tu portes le mot “belle” devant ton “maman”. Qui sait si ce n’est sinon que de la faute de mon podium à moi, qui te confronte au fait que tu as toujours été ma numéro 2 à moi aussi.
Je vais t’avouer qu’avec l’âge, je comprends que l’aversion que je peux percevoir de ta part envers moi n’a rien de personnel.
La vérité c’est que je te sais en détresse, en peine d’amour de ne pas te sentir nécessaire. Pour être franche, des fois je n’y pense pas, mais d’autres fois ça fait plus mal que d’habitude ne pas être aimantée sur le frigo ou à côté de vous, coincée dans un câlin encadré. Et alors je me rappelle que si je n’y suis pas, c’est parce que tu dois être comme moi sensible, insécure et blessée… Fort probablement comme toutes les belles-mères du monde.
Quand notre arbre généalogique est déchiré et recollé pour en faire un casse-tête de famille, on se fait imposer des gens à aimer. C’est normal de ne pas toujours y arriver puisqu’en plus de ne pas avoir cet élan du cœur inné et viscéral, personne ne peut nous garantir qu’ils resteront près de nous pour la vie.
Une belle-maman c’est ça, c’est un bonus qui cherche sa place à elle dans les bras d’un enfant qui n’est pas le sien, et qui ne la trouvera peut-être jamais vraiment puisque les deux rôles principaux inéluctables et indispensables sont déjà comblés par ses parents. Le problème c’est que ni l’enfant ni le beau-parent n’ont envie de s’en tenir au titre de complément qui ne peut rien attendre en retour. Contrairement à une mère qui donnera sans compter, la belle-mère comptera toujours un petit peu… C’est normal et compréhensible, mais pas facile pour un enfant de se sentir redevable envers quelqu’un que l’on n’a pas invité par nous même dans notre existence!
Au fond, tout ce que peut faire un beau-parent, c’est d’ouvrir son cœur pour protéger sa marmaille (le clan Fruit-de-ses-entrailles) et de lui donner le droit d’avoir des frères et sœurs qui sont du clan Fruit-des-entrailles-d’autrui en les acceptant dans son nid dont les mailles seront toujours un peu plus lousses que celles d’une famille nucléaire.
La plupart du temps, ils s’avèreront être plutôt chouettes et attachants quand on change notre approche.
Belles-mères de ce monde, on ne vous demande pas ne nous aimer comme si vous nous aviez portés, il ne vous suffit que d’essayer moins fort de vous bricoler une famille avec les mains et davantage avec vos cœurs de maman, ceux qui existent déjà pour vos propres nécessités, celles qui vous doivent la vie.
De notre côté, on acceptera vos cœurs prêtés et on comprendra que vous n’avez pas besoin de nous les donner pour nous respecter et nous accueillir.
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Pour lire un autre texte de Rosalie Bonenfant: Pourquoi je veux que mon chum regarde d’autres fesses.