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Lettre d’amour à la ville de Québec

Revenir à Québec, c’est toujours le même bonheur.

Par
Mélanie Leblanc
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URBANIA et Orléans Express s’unissent pour vous faire voyager dans vos meilleurs souvenirs!

Québec, ma belle Québec, par où commencer? Dans ma vie, tu prends plusieurs formes, et dans mon cœur, t’es toute là.

Un château pour toutes les princesses

Je me souviens des dimanches où on allait manger du pâté chinois à Lévis, chez les grands-parents Leblanc. On traversait le pont Pierre-Laporte, bijou de modernisme dans ma tête. C’était la plus grosse et la plus belle structure du monde, ça me donnait l’impression que nous roulions si loin. Une fois que nous étions arrivés à Lévis, la carte postale parfaite de la ville de Québec s’offrait à nous. De chez mes grands-parents, on voyait le Château Frontenac. Moi, j’avais un vrai château dans ma ville. La fierté de ma vie, et le rêve ultime d’aller y dormir. Dans ma tête, je n’avais pas de robe assez « princesse » pour y séjourner. Aujourd’hui, quand j’ai des contrats à Québec, j’y suis parfois logée, et les petites fourmis d’excitation de mon enfance reviennent vite me chatouiller l’épiderme.

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Quand on partait de Lévis, on roulait vers « les lumières ». « Les lumières », c’était ma ville au loin qui brillait de ses mille feux – y’avait rien de plus beau sur la planète.

Quitter un cocon chaud

Québec, tu m’as vue partir alors que je terminais ma troisième année du primaire. L’usine où travaillait mon père a fermé, et on a dû déménager pour cause de mutation. Je te revois, pâpâ, ce soir-là, on est sur la patinoire extérieure à Sainte-Foy, au cours de patin de petit frère, et tu regardes dans le vide. Tu penses à notre ville qu’on doit quitter. Quitter Québec, c’était impensable. Ça sortait de la raison. Ça nous déracinait, ça nous déchirait l’âme… Explorer d’autres cieux, c’est fabuleux quand c’est ton choix, pas quand on te l’impose.

Partir de Québec, c’était partir d’un cocon chaud et douillet où la vie était facile et joviale.

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Partir de Québec, c’était partir d’un cocon chaud et douillet où la vie était facile et joviale. La gardienne était notre voisine immédiate, ma tante Suzanne habitait derrière (même qu’il y avait une porte dans la clôture pour passer d’une piscine à l’autre, l’été : si c’est pas la chose la plus cool du monde quand t’as six ans!).

Fière de ma langue

Dès ma première semaine à ma nouvelle école de Saint-Hubert, j’ai appris ce qu’était « l’intimidation », même si on ne la nommait pas ainsi, à l’époque. Pourquoi je me suis fait péter la gueule en attendant l’autobus? Parce que je ne prononçais pas comme eux les mots « phôtô, pôtô, môtô, balène, arrète » : je disais « phauto, mauto, baléne, arraite ». Mon réflexe d’enfant de neuf ans? Appuyer encore plus sur mon accent de Québec, me lever la tête bien haut et en rajouter : « burgheure, wipheure, cafeué, sucreué ». Il n’était pas né celui qui allait m’empêcher d’être fière de ma ville.

Nostalgie, quand tu me tiens

Je ne peux pas compter le nombre d’allers-retours vécus sur l’autoroute 20, puis sur la 40. Chaque fois la même excitation. Le même pèlerinage en revenant : la poutine chez Ashton, un petit tour chez Ziggy pour acheter des vêtements qui allaient tout décolorer au prochain lavage, la balade dans le Petit Champlain, le croque-monsieur chez Temporel, le film pas cher au Cinéma de Paris, la game de 21 dans le panier de basket de la cour d’école vide du Petit Séminaire.

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Les étapes d’une vie

J’ai eu mon baptême de bar à 16 ans Chez son père, une boîte à chansons près de la rue Saint-Jean. Dans le bar, pas mal tout le monde savait que j’étais mineure, moi la belle idiote, je pensais que ça ne paraissait pas… Le chansonnier m’a chanté le thème musical de Passe-Partout quand son regard a croisé le mien. Ça ne ment pas.

La montréalaise dans la famille

Tous les jours de notre vie « en dehors », j’ai entendu mon père rentrer du travail en disant : « Une autre de moins avant de retourner à Québec. » Mes parents et petit frère ont tenu parole. Aujourd’hui, je suis la seule qui demeure « en dehors ». Je reviens aussi souvent que possible. Quand j’ai besoin de décompresser et de travailler, je prends l’autobus et j’ai mes habitudes : le laptop sur la tablette devant, le Wi-Fi en feu, les écouteurs coincés dans les oreilles, je suis dans ma bulle. Si j’habitais encore à Québec, je jaserais sans doute avec mon voisin de siège, mais j’ai acquis des habitudes de Montréalaise. Oups.

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Québec, tu me manques. Si je t’habitais toujours, j’irais souper chez petit frère le mardi soir, avec mes filleuls à l’accent coloré de Val-Bélair, j’irais aider mes parents à cueillir leurs 26 paniers de fraises à l’île d’Orléans et on finirait ça avec une bière des Beaux Prés.

Québec, même tes petits coins qui retroussent me font sourire tendrement : l’architecture louche d’Ameublement Tanguay, sur le boulevard de la Capitale (dont le nom n’apparaît pas nécessairement sur les pancartes routières, mais on l’appelle tous comme ça pareil), ta radio parlée qui me fait sacrer, mais qui réussit son pari de faire jaser, ton amphithéâtre avec pas vraiment d’équipe et ta guerre de clochers avec Montréal. D’ailleurs, inutile de donner tant d’attention aux Montréalais, on ne mérite pas toute cette énergie gaspillée. T’es complète comme t’es, Québec. Ne perds jamais ça.

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