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Lettre aux souverainistes

Par
Guillaume Wagner
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Il y a quelques mois, Léa Clermont-Dion m’a approché pour que je participe à son recueil de textes Lettres à un souverainiste. En tant qu’indépendantiste, je considérais qu’il était de mon devoir d’accepter.

Par contre, au courant de la rédaction, j’ai réalisé que je n’avais rien de bien nouveau à avancer à mes amis souverainistes. Le mouvement se trouvant dans un espèce de cul-de-sac, j’avais besoin de décanter les derniers évènements, de réfléchir sur le projet, plutôt que de régurgiter quelques formules creuses pour ranimer les troupes. Insatisfait du résultat de ma lettre, j’ai finalement décidé de me retirer du collectif. Ma mère m’ayant appris qu’il était toujours mieux de se taire que d’essayer de se rendre intéressant.

Entretemps, il s’est passé beaucoup d’évènements au sein du mouvement souverainiste. L’ascension du souverain converti en sauveur Pierre-Karl Péladeau. Les libéraux qui coupent comme des gamins sans surveillance à qui on a confié des ciseaux. Et plus récemment, l’affaire Sugar Sammy. C’est or suite aux récentes menaces proférées à l’endroit de Sammy que j’ai finalement jugé qu’une lettre à mes amis souverainistes était de mise.

Chers amis souverainistes,

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Je sais que les temps sont durs pour nous. Le PQ a subi une des pires raclées de son existence. Stephen Harper qui siège à Ottawa, obsédé par la guerre et la monarchie. Jean-Martin Aussant boit du thé anglais à son heure de lunch chez Morgan Stanley. Je sympathise. Ces coups successifs sont difficiles à prendre en plein combat. De l’accumulation nait la frustration. Cependant, tous les boxeurs vous le diront, se battre avec la frustration comme moteur ne peut mener à la victoire. Le combattant frustré tombe dans tous les pièges, dépense de l’énergie inutilement et finit par se faire passer le K.O. sans grands efforts.

Sammy Khullar est un fédéraliste quadrilingue, adepte du multiculturalisme. Il souhaiterait que tous les Québécois soient bilingues et trouve que l’Office de la langue française abuse de ses pouvoirs. C’est son identité, son point de vue. De mon point de vue, j’estime que d’élire les libéraux en pleine commission Charbonneau a causé au Québec des blessures beaucoup plus profondes que n’importe quelle maladresse de l’OLF. C’est mon point de vue sur lequel je revendique le droit de faire les blagues que je désire. Il serait malhonnête de ne pas revendiquer le même droit pour «l’abominable homme de Côtes-des-Neiges».

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Est-ce vraiment une si grande surprise que ses blagues provocatrices soient teintées de sa vision fédéraliste? Est-on réellement fâché par ses gags ou par la simple existence de personnes qui pensent comme lui?

Museler ceux qui ne partagent pas notre idéal est un aveu d’échec. N’est-ce pas là troquer le triomphe pour des victoires morales de pacotille? L’admission du rêve déchu. Bâillonner ses adversaires c’est concéder la défaite.

Détrompez-vous, je n’exige pas une exemption de critiques envers Sugar Sammy. Je suis d’ailleurs un des premiers à le critiquer. Était-ce maladroit, voire carrément déplacé, de faire une blague agressive sur Pauline Marois suite à son élection comme première ministre quand on sait qu’elle venait d’échapper à une attaque terroriste d’un anglophone francophobe dérangé? Oui. Un peu malsain de se servir des tensions entre francophones et anglophones afin de mousser la vente de ses billets de spectacle? De mon point de vue, oui. Est-ce qu’il peut provoquer de la sorte? Absolument.

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Faire taire est violent. Assouvir ce désir ne mène à rien de bon. Je n’ai pas envie d’un Richard Henry Bain version séparatiste. J’espère que les évènements de Sherbrooke serviront de signal d’alarme.

Dans cette atmosphère de censure de plus en plus suffocante, je crois qu’il est important de se calmer quant aux représailles face aux blagues que l’on juge maladroites. Malgré ce qu’on tente de nous faire croire, le droit de ne pas être choqué n’existe pas. Oui, le politiquement correct a ses vertus, mais l’humour a aussi les siennes. Les deux sont rarement compatibles si ce n’est que sur la notion d’égalité.

La rectitude politique, c’est imposer le respect de chaque individu dans un désir d’égalité.

L’humour, dans le même désir d’égalité, ne mettra personne à l’abri de l’irrespect.

Les souverainistes ne seront jamais à l’abri des moqueries et j’irais même plus loin en proclamant qu’ils en ont besoin plus que jamais, histoire de se percevoir dans le regard de l’autre, se questionner.

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Et si nous avions échoué à transmettre positivement le projet souverainiste? Et si le Parti Québécois était devenu un de ces partis corporatistes manipulateurs qu’il voulait contrer au départ? Et si nous étions en train d’employer les stratagèmes malhonnêtes que nous avions jadis en horreur? Il y a de quoi méditer.

Comme le dirait notre patronne Sa Majesté la Reine, symbole de notre immaturité politique : « Keep calm and carry on ».

Gardons notre calme et continuons le combat. Les gens qui pensent comme Sammy Khullar existent, or une attitude agressive à leur endroit ne fera que les multiplier. Acceptons la réalité, roulons nos manches et crachons dans nos mains pour la changer.

De toute façon, j’ai vu pire ennemi. Sugar Sammy est un humoriste qui nous aime assez pour enrober ses critiques dans des blagues. Pour parler en bon franglais : Aucun punchline ne mérite de vrais punchs.

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