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Lettre à mes amis péquistes

Par
Jean-Martin Aussant
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Le téléphone arabe n’est pas terrible. Quand c’est rendu que des gens vous font dire l’inverse de ce que vous souhaitez réellement, il est temps de se parler directement. Sacrée nature humaine.

Chers amis péquistes, c’est Jean-Martin Aussant. Vous savez, votre ancien collègue de parti et toujours collègue de cause.

Le résultat des dernières élections vous aura sans doute déçus, comme bien des gens d’autres partis d’ailleurs. Il a ramené à l’avant-scène les travers du système électoral archaïque avec lequel on doit fonctionner et toute la fameuse division du vote qu’il entraine. Un jour, l’évolution nous en sortira, mais ce n’est pas le sujet de cette chronique.

Le sujet de cette chronique est le fond de ma pensée. Parce que récemment, certaines personnes bien ou moins bien intentionnées m’ont parfois fait dire des choses qui ne correspondaient pas au contenu dudit fond et franchement, y’en a marre.

Alors voici les faits. Dans mon livre à moi (j’aime le hockey):

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1. Je serai toujours ouvert à discuter avec les autres partis dits souverainistes. Nous le ferons pour le bien de la cause, qui dépasse de loin les petits intérêts partisans de tout parti, quel qu’il soit. Option nationale est d’ailleurs le seul parti à avoir inscrit cette règle de base dans ses statuts. Certains nous ont raillés d’avoir fondé un parti pour ensuite nous montrer ouverts à collaborer avec d’autres partis. Comme si la différence impliquait la fermeture. Bravo. Mais j’ai trouvé ce commentaire tellement partisan et empreint de pusillanimité que je ne nommerai pas l’officier chez vous qui a lancé ça, ni tous les excités qui y ont fait écho.

2. Dans toutes les entrevues que j’ai faites, je prends la peine de mentionner que de très nombreux anciens collègues au PQ souhaitent autant que moi que le Québec soit souverain. Si ce n’est que rarement retenu par les gens qui rapportent ensuite les entrevues, ça ne change pas la réalité que c’est ce que je pense et ce que je dis. C’est l’institution du PQ qui selon moi a pris un virage trop professionnel et opportuniste, comme René Lévesque lui-même le pensait quand il a dit que les partis ne devraient guère durer plus d’une génération parce qu’ils vieillissent mal après avoir conquis et reconquis le pouvoir (et tout ce qu’il faut de bien calculé entre les deux). Est-ce qu’un parti plus vieux peut redevenir le véhicule d’avenir qu’il était au départ? Sans doute pas impossible, mais pas très fréquent non plus.

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3. Je n’ai pas quitté le PQ parce que Pauline Marois était à sa tête, mais bien à cause de la frilosité que j’y percevais de faire de la souveraineté un thème principal permanent avant, pendant et après une campagne électorale. Ça ne remet pas en cause l’engagement sincère de nombre de ses militants et députés. Je parlais plutôt d’une institution qui, devant un électorat indécis, tentait de trouver le sujet magique qui maximiserait le nombre de votes reçus, plutôt que de tenter de convaincre ces gens du bien-fondé de la souveraineté. Quand on en est rendu à se dire que ce n’est pas le temps de miser sur la souveraineté à la direction d’un parti dit souverainiste, il y a un os. Je le répète, ça n’implique absolument pas que les militants du parti soient moins souverainistes que d’autres.

4. Le PQ devra rapidement se faire une idée. Il peut choisir la solution partisane, i.e. ne rien vouloir entendre et tenter d’écarter de potentiels députés souverainistes provenant d’autres formations, au prix d’être minoritaire ou même battu par le PLQ à cause de la division du vote souverainiste dans tous les comtés du Québec (merci encore, système britannique uninominal à un tour). Ça me semble un pari risqué. Mais il peut aussi choisir la solution réaliste: s’entendre et faire en sorte qu’il y ait de la place à l’Assemblée nationale pour des souverainistes qui sont, disons, plus directs que lui, ce qui serait la fin officielle du monopole péquiste sur la souveraineté mais mènerait plus vraisemblablement à une victoire souverainiste en termes de sièges remportés.

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5. Si on me donnait le choix entre la disparition du PQ ou un retour de ce dernier sur des sentiers plus affirmés en ce qui a trait à la souveraineté, je n’hésiterais pas un moment à souhaiter la deuxième option (pas du marketing, du concret) puisque la cause en serait aidée. Ce qui n’enlève en rien la nécessité d’un véhicule comme Option nationale qui travaille assidûment à la promotion de la souveraineté. Si ON doit le faire seule, elle continuera à le faire. Mais si d’autres veulent agir de façon aussi concrète et claire, il y aura collaboration ou même fusion comme le prévoient actuellement les statuts. C’est si simple: la cause avant toute considération ombilicale.

6. Je ne pense pas que cette soi-disant terrible réalité de l’exercice du pouvoir et tout le blabla qui l’entoure justifie qu’on mette la souveraineté en veilleuse. Un parti souverainiste au pouvoir, majoritaire ou minoritaire, doit faire avancer la cause. Est-ce que le PLQ minoritaire de 2007 a cessé un seul instant de dire qu’il fallait demeurer une simple province? Non, parce qu’il a comme mission de garder le Québec au sein du Canada. Soyons tout aussi conséquents chez les souverainistes et parlons de souveraineté, tout le temps. D’autant que des souverainistes au pouvoir qui montreraient trop de timidité pourraient bien faire reculer la cause dans l’esprit des gens qui les observeraient et se diraient que même les porte-parole de cette cause n’y pensent plus vraiment.

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Voilà donc le fond de ma pensée. Sans raccourci ni sélection. Alors pourquoi est-ce si difficile de faire passer un message sans qu’il ne soit déformé, dévié à dessein, utilisé contre la cause qu’il veut pourtant promouvoir? Quelqu’un que j’admire beaucoup m’a dit un jour que l’un des avantages de bien connaître la nature humaine, c’est qu’elle nous déçoit peut-être souvent, mais elle ne nous surprend jamais vraiment.

C’est très certainement vrai dans le monde politique où l’on voit de fréquents changements de priorités politiques au gré de l’évolution des sondages, quels que soient les intérêts collectifs fondamentaux qui, eux, ne changent pas avec les sondages. C’est à cette unique question que j’aimerais bien que tous soyons jugés: avons-nous agi dans l’intérêt collectif?

J’ai la conscience en paix.