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L’étroite relation entre urbanisme et santé, vue par Olivier Niquet
« On ne peut parler d’architecture nouvelle que si elle exprime une nouvelle civilisation », écrivait en 1958 le situationniste Ivan Chtcheglov.
En voyant la maquette de l’anneau monumental prévu pour être installé au cœur du centre-ville de Montréal, je me suis dit, perplexe, que son unique fonction sera de décorer les médias sociaux.
Sans surprise, les avis sont polarisés jusqu’à présent. Donnons au moins le temps à l’œuvre de naître pour s’expliquer. Cette dernière installation, signée par Claude Cormier, ouvre néanmoins une fenêtre pour un rare débat sur l’art public et les aménagements urbains. J’ai profité de l’occasion pour m’entretenir avec l’animateur de la série Ma ville aux rayons X, le touche-à-tout Olivier Niquet.
Nous nous donnons rendez-vous sur l’Esplanade Place Ville Marie, précisément là où s’élèvera la bague de 30 mètres de diamètre. Aux alentours, le centre-ville semble engourdi au son des travaux qui s’éternisent dans l’indifférence. La croix du mont Royal et la silhouette gothique de l’Université McGill animent l’horizon. Les gens se prennent en photo, errent, pointent la structure annoncée, confortables dans cette clairière emmurée par la verticalité.
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L’urbaniste de formation m’apprend d’entrée de jeu qu’il a développé un goût pour penser la ville lors de ses déplacements au cégep, alors qu’il roulait près de trois heures chaque jour de la Rive-Sud jusqu’à Ville-Saint-Laurent. Un trajet sous le signe du trafic lui laissant amplement « le temps de comprendre à quel point on perd un temps précieux dans les bouchons de circulation ».
Au sujet du gigantesque cerceau de métal, Olivier Niquet se situe du côté des enthousiastes.
« Les gens chialent beaucoup », souligne-t-il en contemplant les échafauds prêts à recevoir les 23 tonnes. « Je trouve ça plate qu’on ne privilégie pas davantage l’art public. L’anneau se démarquera du paysage et sera unique à Montréal dans un contexte où les grandes villes se ressemblent toutes. Cette œuvre va singulariser la ville, mais surtout la rendre plus belle. On va peut-être lui faire attention. »
Notre échange vagabonde d’un sujet à l’autre, ne s’écartant jamais bien loin de la question urbaine, jusqu’à se demander si la ville d’aujourd’hui manque de sensibilité.
« Dans les années 60, on a bétonné la métropole et défait notre patrimoine, avance-t-il. On dirait qu’on a mis de côté le quotidien des gens et je pense qu’on redécouvre maintenant sa valeur. Dans le cadre de l’émission, j’ai rencontré des maires et mairesses, pourtant d’une autre génération, qui partagent cet avis. La ville s’humanise peu à peu et la population est, je crois, beaucoup plus sensible aux effets des quartiers et de l’aménagement urbain qu’auparavant. »
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La série en six épisodes Ma ville aux rayons X s’épanche sur la relation plus complexe qu’on pourrait le croire entre le bien-être des citadin.e.s et le territoire urbain. L’enquête lie certains facteurs d’aménagement à l’anxiété, à l’asthme, à l’obésité ou aux maladies cardiovasculaires.
« L’idée est tout d’abord d’en parler, de rendre compte à quel point ça a un impact réel, quasiment aussi important que l’hérédité et les habitudes de vie. Une partie importante de la santé dépend du lieu où on habite et de comment l’aménagement y est réfléchi », poursuit celui qui est également à la barre de La soirée est (encore) jeune.
« J’ai rencontré d’excellents intervenants, dont un médecin qui aujourd’hui tient compte de l’endroit où ses patients demeurent, évoque mon interlocuteur. Il n’avait pas réalisé à quel point la différence existe. Ça m’a surpris. »
L’exode urbain ne serait pas une panacée selon Olivier Niquet. « Les milieux ruraux font face à une pollution différente, comme celle engendrée par les pesticides, tandis que la ville est confrontée au manque de verdure et à la voiture. »
Le transport actif est évidemment moins propice en banlieue ou en région, là où règne la voiture. « La ville a l’avantage des commerces de proximité et d’une densité permettant de se déplacer à pied ou en vélo, constate l’animateur. À l’inverse, plus l’on s’éloigne de la ville, plus on est près de la nature, ce qui est meilleur pour la santé physique et mentale. »
« On dit toujours aux gens que pour améliorer leur état de santé, ils doivent marcher, courir, rester actifs, poursuit-il. Si, au départ, tu n’as pas cette opportunité parce que tu habites sur un boulevard sans trottoir ou dans une ville avec un système cyclable limité, tu finis par toujours utiliser ton auto pour acheter du lait. »
Pour changer les habitudes de vie, il faut donc améliorer le territoire. « Je crois que la série permet de mieux comprendre les préoccupations d’aujourd’hui », résume-t-il.
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L’émission ne se veut pas audacieuse, au contraire, selon Olivier Niquet. « C’est amené avec intelligence parce qu’on a des vrais problèmes, mais ça reste encore trop abstrait. Prendre conscience que nos villes et les changements climatiques ont un impact direct sur la santé, c’est du concret. Les forces d’inertie sont très puissantes et c’est difficile de faire changer les habitudes des gens. Si l’on meurt dix ans plus vite à cause de tel aménagement, il faut s’y intéresser. »
Au terme de notre discussion, je me retrouve moins cynique face à l’anneau. Habitée par la volonté de moduler notre nouvelle réalité sous le signe du changement, la diffusion de la série animée par Olivier Niquet vise à expliquer la réintégration du bien-être dans l’ordinaire. Finalement, modifier la ville, c’est modifier la vie.
Ma ville aux rayons X est produite en collaboration avec les Fonds TELUS. Vous pouvez la regarder sur les ondes de Savoir média les lundis à 21 h 30 dès le 9 mai.