Logo

L’Esco est mort, vive l’Esco!

Publicité

La nouvelle a fait naître un petit vent de panique il y a quelques semaines sur la scène locale montréalaise; la mythique salle de la rue St-Denis organise ses funérailles. Me souviens plus où j’étais exactement, mais mon téléphone s’est mis à buzzer instantanément; notre collaborateur Éric Samson et pas mal d’autres hyperventilaient, L’ESCO FERME!!!? Heureusement, que tout le monde se rassure, ce n’est pas le cas du tout. Rencontre avec Karine Isabel pour mettre tout ça au clair.

L’Esco (ou l’Escogriffe) est peut-être ce que toute une génération de Montréalais a connu de plus proche des belles années du CBGB. La petite salle, l’air de rien, s’est imposée autant chez les musiciens que chez les amateurs de rock et d’indie comme ultime lieu de rassemblement et de découvertes. Comment ça a commencé pour toi, Karine?

Je suis arrivée en 2004, (my god, ça fait 12 ans!!) et même plus, parce que je me tenais ici pas mal avant. J’avais aussi déjà joué avec mon band Comme un homme libre. Au début, je faisais le bar et dans l’année qui a suivie, je me suis mise au booking. Au départ, en 2000, L’Esco était une salle de concerts jazz. C’est l’histoire du quartier en fait, le Quai des Brumes a commencé comme ça aussi. Lentement, ça a glissé vers le folk, le country, la scène évoluait et on s’est ouvert à d’autres sons. Puis vers peut-être 2003-2004 y’a une grosse vague de bands rock locaux qui sont apparus ou commençaient à marcher fort : Les Breastfeeders, We are Wolves, Gros Mené. Y’avait un ou deux nouveaux bands qui sortaient par semaine on dirait, et c’était tout le temps bon! Un moment donné le gérant du bar m’a dit “toi Karine t’as un band, tu connais du monde, tu pourrais faire le booking?” J’ai commencé comme ça.

Publicité

Y’avait pas beaucoup de bars rock à Montréal et à une certaine époque, dans le peak de cette vague-là, c’était rendu tellement plein tous les soirs que les gens évitaient de venir prendre une bière ici. On prenait pour acquis que ça allait être sold-out et on allait ailleurs. Ça, heureusement, ça a un peu changé!

Il y a quelque chose de vraiment unique ici. Je sais pas si les gens réalisent à quel point le lieu est cher à beaucoup de musiciens.

L’ambiance de l’Esco marche avec la trame sonore qu’on lui a créée, je pense. C’est sombre, c’est en pierre, c’est un sous-sol… ce serait dur d’être plus underground que ça! Pour le reste, nos habitués travaillent sur le mythe de l’Esco, et sur tout ce qu’il y a de pas reposant ici. Vraiment plein de bands ont commencé sur notre petite scène, c’est idéal pour un nouveau projet qui n’attire pas encore d’énormes foules. Y’a pas tant de salles de cette taille, ni avec ce genre d’ambiance à Montréal. Même avec juste 50 personnes ça lève, il fait chaud, il y a du crowd-surfing dans le 2 pieds de plafond qu’y reste, il se passe quelque chose! Techniquement la capacité légale c’est 118 personnes, mais je me souviens qu’au 6e anniversaire du bar on avait un petit band qui s’appelait Malajube et on s’est rendus à 150. Je pense que personne a pu bouger ni respirer pendant au moins une heure ou deux!… (rire) Et c’est pas seulement juste les punks ou les rockeurs. Lisa Leblanc est déjà venue casser son show. Bernhari cet été. C’est vrai que c’est significatif pour les musiciens, c’est l’endroit où ils sont nés, souvent. Et pour les clients c’est toujours trippant d’entrer par hasard et de tomber sur Bernard Adamus ou Xavier Caféine qui jouent pour le fun.

Publicité

…ou sur les Black Lips qui refont leur set en cachette pour le fun après avoir joué dans une grosse salle. En fait, c’est un peu votre gang qui avait fait l’âme rock, garage et punk de l’Esco. La salle est maintenant vraiment liée à cette scène-là. Je connais très peu d’endroits où c’est aussi intense en fait… ici, souvent, les musiciens sur scène, les employés et les clients c’est pas mal la même gang, quand c’est pas carrément les mêmes personnes, non?

Oui et c’est juste arrivé comme ça. On a envahi la place! Tranquillement on s’est mis à engager les gens qui se tenaient ici ou qui jouaient ici. Maintenant, à peu près tout le staff de l’Esco est dans un band. C’est moins drôle quand ils partent tous en tournée par contre, et qu’il faut remplacer toute la gang (rire). C’est pas mal une famille. À peu près tous les Breastfeeders ont travaillé ici. Les Demon’s Claw aussi à une époque, et les gars de Chocolat… Y’a l’esprit du coin de rue qui aide aussi ; on a souvent des dj’s ou des barmans qui sortent au Quai ou à la Rockette, leur staff vient ici. Les musiciens jouent à côté et viennent prendre un verre ici et vice-versa. C’est une famille élargie. Y’a pas de compétition, on se connaît tous depuis tellement longtemps, tsé. On se promène autant que les clients dans “l’axe du mal”…

Publicité

C’est quoi l’affaire avec les funérailles, là? Qu’est-ce qui se passe avec l’Esco?

Je pensais jamais que ça allait virer de même! Quand on a posté l’event pour les Funérailles y’a fallu que je réponde à un paquet de messages pour ré-expliquer qu’on fermait pas définitivement. On rénove, c’est tout! L’affaire c’est qu’on va être fermés deux mois et rouvrir avec une salle un peu transformée. Alors on s’est dit que tant qu’à faire on allait annoncer nos funérailles et ressusciter pour vrai. C’est fou combien les rockers sont émotifs. Quand on a juste refait nos vieilles toilettes y’a quelques années on a eu des gens qui capotaient (bon, ok, ces toilettes avaient quand même une histoire absolument pas racontable pour beaucoup de monde).

Pour le nouvel Esco on veut vraiment garder cette vibe-là. On a eu des tonnes de commentaires, y’a des gens qui sont carrément contre, qui paniquent un peu. En même temps ça nous a fait un petit velours, tsé ; les gens tiennent à leur place, ils l’aime, c’est un peu leur maison. Quand j’en ai entendu parler la première fois même moi j’avais un peu peur. On va défoncer le mur qui nous sépare du resto voisin et élargir le local ; ça va être juste un peu plus grand, finalement. La scène et le bar vont bouger, mais on va essayer que ce soit pas trop dépaysant! L’idée c’est surtout de rendre ça plus l’fun pour les 5@7; on va avoir une cuisine ouverte jusqu’à 1h du matin et on veut meubler ça avec des divans et rendre ça plus confortable. On va pouvoir recevoir de plus gros bands, et ça va rester la même grotte chaleureuse et un peu dark pareil… plus de place pour plus de débauche, that’s it.

Publicité

C’est sûr que c’est un petit choc quand même ; c’est long deux mois, y’a des réguliers qui se demandent comment ils vont passer à travers l’hiver. On est le salon de pas mal de monde

C’est pour ça qu’on a eu l’idée des funérailles, pour exorciser un peu le moment. Ce dimanche, on transforme la place en salon funéraire. Va y avoir un buffet, une messe, un célébrant, je vais porter mon voile de femme en deuil. Des surprises et une soirée un peu too much qui risque de déborder, comme on les aime ici. On aimerait ça voir les anciens et les nouveaux clients et se faire un vrai gros party pour mieux ressusciter !

***

Le party de Funérailles a lieu ce dimanche, si tu veux passer payer tes respects les détails de l’événement sont ici.

Pour rester dans le thème, on a une section commentaires juste ici si jamais t’as envie de faire l’éloge funèbre de l’Esco. Raconte-nous le meilleur show que t’as vu, le moment le plus intense que tu y as vécu, qui tu a croisé, comment ça s’est terminé… pas game.

Et longue vie à l’Esco.

Pour lire un autre texte de Jean-Philippe Tremblay: « Chocolat et coke aux cerises ».

Publicité