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Hochelaga-Maisonneuve est un de mes quartiers préférés. J’y ai habité pendant longtemps et je l’ai un peu tatoué sur le cœur, autant pour son architecture que pour sa faune bigarrée et parfois amochée.
C’est pour ça que j’ai été dégoûtée d’apprendre qu’une cinquième école primaire risquait de fermer ses portes. L’école Jean-Baptiste-De-Lasalle, un joyau architectural situé aux coins Pie-IX et Adam, sera probablement condamnée pour cause d’insalubrité. Voyez-vous, les enfants et les enseignants démontrent des troubles de santé normalement associés à la moisissure et l’insalubrité. La Direction de la santé publique est sur le coup et des analyses devraient suivre bientôt. Les écoles Baril, Hochelaga et Saint-Nom-de-Jésus, ainsi que l’annexe de Sainte-Jeanne-d’Arc ont été fermées en 2011 et 2012 pour des raisons similaires. Elles étaient insalubres et les élèves tombaient malades.
Comment se peut-il qu’un quartier se retrouve dans une situation où cinq de ses écoles doivent fermer, être mises sous examen ou démolies? En 2013 à Montréal, neuf établissements scolaires étaient fermés, 22 autres, irrécupérables et devraient être démolis et 55 étaient dans un état de dégradation « très avancé ». La Coalition pour des écoles saines à la CSDM s’évertue pour que les fonds nécessaires soient investis. Grâce aux pressions, l’école Baril, fermée depuis 2011,sera démolie puis reconstruite, mais on ne verra pas grand-chose avant 2017-2018, dans le meilleur des cas. Le projet coûtera 19 millions. La négligence et le jeu de ping-pong entre la Commission scolaire et le gouvernement du Québec doit cesser. La responsabilité est commune et ils doivent trouver des solutions ensemble. Il en va non seulement de la santé des enfants et des professeurs, mais aussi de la conservation du tissu social et de l’avenir des jeunes.
Les situations familiales dans le quartier sont souvent instables et difficiles. Pour bon nombre d’enfants, l’école représente une ancre, un élément stabilisateur de leur univers. Quand ça brasse à la maison, l’établissement scolaire se trouve à être un lieu rassurant et encadrant. Les étudiants de Baril ont non seulement été déplacés à deux reprises, mais ont dû composer avec de nombreux remplaçants, les enseignants étant souvent malades. L’école est donc devenue source d’instabilité et d’anxiété. Avec la fermeture d’autant d’établissements, c’est un véritable raz-de-marée qui secoue la jeunesse d’Hochelaga-Maisonneuve et qui l’insécurise. Les élèves en difficulté sont ceux qui paient le prix le plus cher.
Maude Fecteau, travailleuse sociale au centre de pédiatrie sociale en communauté de la Fondation du Docteur Julien m’a exposé les conséquences liées à la délocalisation des élèves. Le portrait est peu reluisant. « Le problème, c’est que malgré les engagements du gouvernement, ce n’est pas une de leur priorité et la reconstruction de l’école Baril prendra trop de temps, certainement plus de quatre ans. Si on pouvait investir une partie de cet argent dans la rénovation de l’école Hochelaga et Saint-Nom-de-Jésus, on pourrait rapatrier les élèves d’ici un an, un an et demi. »
Les enfants partent en autobus scolaire vers les écoles secondaires Édouard-Montpetit et Louis-Riel, situées dans Mercier. Un éducateur spécialisé les surveille quelques fois par semaine, sinon, ils sont laissés à eux-mêmes. Les enfants turbulents qui reçoivent trop d’avertissements sont privés de transport pour quelques jours. « Un enfant suspendu, c’est un enfant qui ne va plus à l’école. Les parents n’ont pas forcément le temps, ni l’argent pour les emmener eux-mêmes aussi loin. » Le taux d’absentéisme est plus élevé. Pourtant, c’est une des responsabilités de la CSDM que de s’assurer que les enfants aient accès à l’école.
Les parents sont moins impliqués dans la vie scolaire de leurs enfants, connaissent moins les professeurs (et vice-versa). Il est plus difficile pour ces derniers de comprendre la réalité familiale des jeunes. La même chose est vraie pour les intervenants du Docteur Julien. Les rencontres en thérapie qui prenait une heure, vue la proximité de l’école, en prennent dorénavant quatre, vu l’éloignement et le déplacement. Les élèves se voient obligés de manquer une demi-journée voire une journée au complet, ou d’arrêter tout simplement les traitements. Les enfants en grandes difficultés d’apprentissages n’ont plus accès aux services spécialisés dont ils ont besoin. Les liens de proximité sont brisés, tout comme la vie de quartier.
Sans vouloir être alarmiste, il faut que les autorités compétentes investissent dans la rénovation et l’assainissement des airs dans toutes les écoles, principalement dans les quartiers défavorisés. Il en va non seulement de l’avenir des jeunes, mais aussi de la beauté architecturale du quartier qui perdra d’une certaine façon son identité. Sinon, nous serons face à ce que Docteur Julien appelle déjà sombrement une « cohorte d’enfants sacrifiés ». Et le gouvernement libéral prétend s’occuper des «vraies affaires».
Laissez-moi rire.