LA DURE VIE DE MARIN
On sort pour longer le nouveau terminal de croisières de la jetée Alexandra du port de Montréal. Si les wagons sont au beau fixe, le soleil, lui, a probablement doublé de grosseur. « Les marins arrivent avec un tout petit sac, indique Jean-Charles Côté. Ils veulent envoyer de l’argent à la maison, alors ils ne gardent que le strict nécessaire pour eux. À la Maison des marins, on leur offre un espace pour se divertir et se connecter aux leurs. » Je plisse les yeux à la fois pour me protéger des rayons et pour exprimer mon désarroi.
J’entre dans la salle. Ça sent le neuf. L’organisme à but non lucratif — qui veille sur le bien-être matériel, social et spirituel des marins en escale à Montréal depuis des décennies — vient tout juste de déménager au bout du nouveau terminal. Les boîtes ne sont pas encore entièrement défaites, mais la table de ping-pong est déjà bien assemblée.
« Eux, le danger qui les guette, c’est plutôt l’empoisonnement alimentaire », me dit-elle en éclatant de rire.
Carolyn Osborne, gérante de l’endroit depuis 23 ans, m’accueille chaleureusement. Toute menue, un accent anglais, des yeux d’une douceur évidente, des cheveux blancs et la drive d’un joueur de foot. Je suis sous le charme.
Environ 15 000 personnes s’arrêtent annuellement à la Maison. Surtout des travailleurs de la marine marchande. Un métier dangereux, précise Carolyn. Les équipages de bateaux de croisière vivent moins de risques, car ils ne sont pas soumis au froid glacial et au transport de conteneurs. « Eux, le danger qui les guette, c’est plutôt l’empoisonnement alimentaire », me dit-elle en éclatant de rire.
Dans tous les cas, les marins qui viennent ici souhaitent principalement envoyer des sous à leur famille, utiliser les cabines téléphoniques et acheter une carte SIM, un café ou des souvenirs à prix plus modique qu’en boutique. Les moins nantis peuvent aussi faire le plein de vêtements usagés.
« Ce sont généralement des étrangers plutôt mal payés, vous comprenez ? », glisse Carolyn. Difficile de connaître les véritables salaires du personnel hôtelier sur les bateaux de croisière. Contrairement aux marins, leur travail n’est régi par aucune règle. Or, ces employés toucheraient en moyenne 600 euros par mois (883 $ canadiens), rapporte le site français Atlantico. Et notons qu’avec ce maigre salaire, ils doivent payer leur visa et permis de travail, puis leur transport jusqu’au bateau… Déroutée, je repense au sourire des employés débarquant du Viking Sea. Je croise les doigts pour qu’il soit gage d’un salaire décent.
Jean-Charles Côté nous rejoint. « Le train a enfin bougé. Il faut retourner au bateau. »
Sur le point de partir, je me retourne et j’aperçois un tableau sur lequel sont épinglés des dizaines de billets en devises étrangères et de nombreux petits portraits. Une collection de monnaie et de photos de passeport ?
« Un souvenir de leur passage et une façon de voir leurs amis », explique Carolyn tandis que la porte se referme derrière moi.
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