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Les téléphones intelligents ont-ils cessé d’évoluer?

Discussion avec un ingénieur et un économiste pour tenter de mieux connaître l’avenir de la téléphonie mobile.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Le premier téléphone que j’ai eu, c’était un flip-phone tout ce qu’il y a de plus simple, que je devais partager avec ma sœur, et qui nous servait surtout à flasher à l’école parce qu’on avait un cellulaire. Ensuite, j’ai changé pour un Keybo, un téléphone qui avait un clavier qui me permettait de texter à la vitesse de l’éclair. Puis j’ai eu un BlackBerry, qui a surtout eu l’utilité d’encore plus me faire apprécier mon nouveau téléphone quand j’ai changé pour un téléphone intelligent.

Mais je suis en ce moment en fin de contrat mobile, et même l’amant des gadgets en moi a de la difficulté à se justifier l’achat d’un nouveau téléphone. C’est qu’on dirait qu’il y a moins d’innovations qu’avant. On est passés de « Hey, vous allez pouvoir installer des apps, c’est comme des jeux ou des programmes qui vont vous permettre de TOUT faire » à « Euh, vous pouvez faire des emojis avec votre face… ».

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Est-ce moi qui fabule, ou les nouveaux téléphones mobiles sont-ils moins innovants qu’avant? Et surtout, pourquoi? J’en ai parlé avec deux maniaques de téléphonie mobile : Simon Roy, ingénieur électrique qui réside maintenant en Californie, et David Denoncourt, économiste qui habite à Québec (c’est moins exotique, mais c’est pas sa faute).

Les téléphones, vraiment moins puissants qu’avant?

Est-ce que j’ai raison de trouver les téléphones moins impressionnants d’année en année? Simon Roy confirme mes soupçons : « [L’évolution d’une technologie], ça fonctionne en une courbe en “S’’. Au début, c’est de la recherche et développement, il n’y a pas beaucoup d’avancées. Ça atteint [ensuite] un niveau de popularité critique qui fait qu’il y a beaucoup d’investissements qui vont là-dedans, alors le taux de changement et [d’évolution] de la technologie monte vraiment à pic. Après un certain temps, ça atteint un plateau technologique, eh oui, on peut dire qu’en 2018 on est un peu dans ce type de plateau technologique là. »

«La prochaine innovation va toujours te coûter plus cher, parce que c’est toujours la plus difficile à aller chercher. Mais il y a un effet d’entraînement aussi. La nouvelle technologie te rend plus efficace à faire la prochaine découverte, mais à chaque fois il faut que tu mettes de plus en plus d’argent dans la recherche et développement pour passer cette espèce de [seuil] là.»

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David Denoncourt, lui, explique qu’on trouve aussi une courbe semblable du point de vue économique : «La prochaine innovation va toujours te coûter plus cher, parce que c’est toujours la plus difficile à aller chercher. Mais il y a un effet d’entraînement aussi. La nouvelle technologie te rend plus efficace à faire la prochaine découverte, mais à chaque fois il faut que tu mettes de plus en plus d’argent dans la recherche et développement pour passer cette espèce de [seuil] là.»

Et comment on reconnaît qu’on est dans un plateau technologique? Notre ingénieur nous donne un truc : «Une des façons de constater que t’as plafonné dans ta courbe technologique, c’est que d’une année à l’autre, les variations vont être sur la taille du produit, plutôt qu’au niveau des fonctionnalités’. Bingo. De son côté, notre économiste voit aussi d’autres explications au ralentissement de l’innovation : ‘Je vais tomber dans la théorie du complot là, mais je pense qu’il y a énormément de features qui existent déjà sur le marché, et qui peuvent être incorporées à un cellulaire [mais qui sont retenues par les compagnies] parce que ça leur prend chaque année une nouvelle affaire pour justifier l’achat d’un nouveau téléphone.»

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La fin de l’innovation?

Mais là, l’amateur de gadgets en moi est triste… Est-ce que ça veut dire que les téléphones ne seront jamais vraiment meilleurs, et qu’ils vont juste devenir plus gros jusqu’à tant qu’il me faille un chariot pour traîner le mien? Heureusement, non : ‘Ça ne veut pas dire que c’est un état terminal. Ça se peut qu’à n’importe quel moment, il y ait une nouvelle découverte qui redémarre un cycle de croissance rapide’, nous dit Simon Roy. Fiou.

«Du point de vue logiciel, on n’a pas atteint le plateau. Les gens ne se rendent pas compte à quel point le logiciel qui fait rouler les téléphones et les logiciels auxquels les téléphones ont accès évoluent rapidement.»

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Il continue : «Mais d’un point de vue matériel, les téléphones ont plafonné. […] Du point de vue logiciel, on n’a pas atteint le plateau. Les gens ne se rendent pas compte à quel point le logiciel qui fait rouler les téléphones et les logiciels auxquels les téléphones ont accès évoluent rapidement. […]. Mais les gens ne s’en rendent pas compte. Ça devient tellement avancé, les gens vont dire ‘Oui, t’as Siri, mais on l’avait déjà, y’a pas de nouveau Siri’, mais Siri devient tellement meilleure que lorsqu’elle a été lancée.»

Et le futur?

Je demande finalement à mes interlocuteurs de jouer à Jojo Savard et de tenter de prédire l’avenir : quelles seront les prochaines grandes innovations? Notre ingénieur Simon Roy prédit un avenir prometteur aux téléphones intelligents : ‘Éventuellement, je vois les téléphones intelligents complètement remplacer les ordinateurs portables. Les gens auraient uniquement leur [téléphone cellulaire], un écran et un clavier’. Il imagine un futur où les gens traîneront tous un téléphone qui ne s’appellera plus téléphone, qui leur servira à faire des appels, mais aussi à stocker leurs données et à effectuer leurs tâches de travail. Il ne suffirait que de glisser son appareil dans un écran, à la maison ou à l’école, et voilà, on reprendrait le travail où on l’a laissé.

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David Denoncourt, quant à lui, s’intéresse aux innovations qu’on verra à plus court terme : ‘C’est vraiment l’intelligence artificielle qui semble être la grosse innovation ces temps-ci. On a des assistants qui peuvent maintenant filmer un produit, l’identifier et comparer les prix pour vous. On n’a pas fini de voir des innovations à ce niveau-là!’

Sinon, il croit aussi que les téléphones sont appelés à remplacer les ordinateurs personnels, et il pense que ça va passer par les écrans flexibles : ‘Ça va permettre d’avoir des écrans plus gros, des écrans de 8 pouces, mais qui vont quand même pouvoir rentrer dans nos poches parce qu’on va pouvoir les plier.’

Imaginez, quand on va pouvoir plier nos iPad, ça va être comme si la Presse redevenait papier. Vivement le futur!