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Les sorcières sont parmi nous – Deuxième partie

Seraient-elles les féministes par excellence?

Par
Laïma A. Gérald
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De tout temps, la figure de la sorcière fascine, confronte et dérange. Tantôt célébrées, tantôt pourchassées, les femmes considérées comme sorcières s’inscrivent dans une histoire particulièrement riche, dont s’inspire aujourd’hui de nombreuses féministes.

La sorcière serait-elle la figure féministe par excellence?

La sorcière, la ultimate feminist

Petit rappel historique: dans les siècles derniers, des milliers de femmes ont été bannies de leur communauté, emprisonnées et même assassinées sous le couvert de la sorcellerie. Ces femmes, souvent marginales et libres d’esprit, détenaient de grandes connaissances sur le corps, la sexualité, la santé et la nature, à une époque où il leur était interdit d’accéder à des professions médicales. Les femmes désignées sorcières allaient donc contre la culture patriarcale dominante, ce pourquoi on a préféré les éliminer!

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Autonomie, savoir, pouvoir, sexualité, liberté, marginalité : les sorcières et les féministes contemporaines partagent plusieurs valeurs, ce qui explique bien le phénomène de réappropriation de la figure de la sorcière dans les cercles féministes.

Ces femmes, souvent marginales et libres d’esprit, détenaient de grandes connaissances sur le corps, la sexualité, la santé et la nature, à une époque où il leur était interdit d’accéder à des professions médicales.

À propos, de nombreux groupes militants féministes utilisent les codes vestimentaires de la sorcière tel qu’on se l’imagine. Par exemple, en septembre 2017, les membres du Witch Bloc Paname, un collectif féministe français, ont défilé dans les rues de Paris vêtues de robes noires et de chapeaux pointus pour lutter contre la réforme du Code du travail d’Emmanuel Macron. Le Witch Bloc s’inspire d’un autre groupe similaire, Witch, un collectif féministe fondé en novembre 2016 à Portland, aux États-Unis, qui lutte pour le droit à l’avortement, contre le racisme et les politiques de Trump.

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Les idées de communauté, de solidarité entre femmes, rassemblent également les sorcières et les féministes.

Pour en savoir un peu plus sur le sujet, j’ai discuté avec Stéphanie Dufresne, cofondatrice et libraire à L’Euguélionne, librairie féministe (et grande fan de sorcières!). « Historiquement, les sages-femmes et les guérisseuses par exemple, étaient souvent qualifiées de sorcières en raison des savoirs qu’elles détenaient qui permettaient aux femmes de s’arranger entre elles, hors du contrôle des hommes. Il y a tout un côté sombre à l’histoire de la médecine où les femmes ont été délibérément dépossédées de ces savoirs pour les forcer à confier leur corps aux mains de médecins hommes. »

La réappropriation du terme « Sorcière »

Souvent considérées comme perverses, dépravées, possédées par le Démon, les sorcières cherchaient à se réapproprier leurs corps. C’est pourquoi des mouvements comme le Slut Walk, un groupe fondé en 2011 à Toronto, et qui lutte contre la culture du viol, le victim blaming et le slutshaming, puise dans l’histoire et la philosophie de la sorcellerie. Le collectif cherche à se réapproprier les termes slut et witch, pour en faire ressortir les côtés positifs qui y sont associés. « Si être une sorcière ou une slut veut dire contrôler mon propre corps et ma sexualité, fuck yeah que j’en suis une! » s’exclame Stéphanie Dufresne.

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Pour la libraire féministe, c’est très important de proposer des ouvrages sur le sujet à L’Euguélionne, librairie féministe.

Souvent considérées comme perverses, dépravées, possédées par le Démon, les sorcières cherchaient à se réapproprier leurs corps.

« Dans les dernières années, il y a beaucoup de livres qui ont été publiés par des féministes qui sont retournées plonger dans l’histoire des sorcières, et qui en ont tiré des enseignements et des réflexions super intéressantes, qu’elles ont mises en lien avec les réalités actuelles et les enjeux auxquels les féministes contemporaines font face. C’est une bonne façon de connaître l’histoire de celles qui sont passées avant nous et qui ont été marginalisées, violentées, mais de comprendre aussi les façons dont elles ont résisté et de s’en inspirer. »

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Les suggestions littéraires de Stéphanie Dufresne, de L’Euguélionne

Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem

Maryse Condé

Gallimard, 1988

« C’est un classique. Elle raconte l’histoire super connue des sorcières de Salem, mais du point de vue de la servante noire, Tituba. Non seulement elle la sort de l’invisibilité à laquelle les personnes racisées sont trop souvent confinées, mais elle la réhabilite et raconte son histoire en parallèle de celle des premières révoltes d’esclaves. »

Autres titres :

WITCHES, SLUTS, FEMINISTS: CONJURING THE SEX POSITIVE, Kristen J. Sollee, Stone Bridge Press


LE GUIDE PRATIQUE DU FÉMINISME DIVINATOIRE, Camille Ducellier, Éditions Cambourakis


SORCIÈRES, SAGES-FEMMES ET INFIRMIÈRES : une histoire des femmes et de la médecine, Barbara Ehrenreich et Deirdre English, Éditions du remue-ménage

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BASIC WITCHES : How to Summon Success, Banish Drama, and Raise Hell with Your Coven, Jaya Saxena & Jess Zimmerman