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Les secrets des rois de la patate

Par
Judith Lussier
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URBANIA n’a ménagé aucun effort — on a fait un appel à tous — pour déterminer qui étaient les véritables rois de la patate frite au Québec, et ainsi mettre un terme à des décennies de chauvinisme alimentaire. Spoiler alert : on n’a pas réussi à identifier le roi ou la reine du tubercule en friture, mais six roitelets ont quand même accepté de nous révéler une partie de leurs secrets.

Vous avez été plus de 400 personnes à nous révéler les endroits (presque tous différents) où l’on pouvait manger les meilleures frites du Québec. Cet enthousiasme n’étonne pas Emilie Villeneuve, l’autrice de Moutarde chou, un ouvrage qui l’a conduite à sillonner 7 000 kilomètres de routes dans la province pour visiter les cantines les plus célèbres et découvrir leurs secrets les mieux gardés. « Les gens sont très émotifs par rapport aux casse-croûte, dit-elle. C’est très lié à l’affect, à des souvenirs d’enfance en famille. »

« Simplement l’odeur et la sensation de la frite chaude dans le papier kraft nous y ramènent. Alors chaque fois qu’on revit ça, on a l’impression de manger la meilleure frite. » — Emilie Villeneuve

Ajoutons à cela le facteur identitaire, et nous voilà dans l’impossibilité d’établir de manière objective qui domine la patate game. « Je peux ben te dire qui fait les meilleures frites, mais tsé, c’est super personnel », admet DJ Horg. Celui-ci a tenté, avec son acolyte Seba, de relever le défi qui consiste à trouver le meilleur shack à patates du Québec. « Mes patates préférées, c’est peut-être pas les tiennes ! » ajoute-t-il. Les siennes se mangeaient chez Ricky Patate, à Saint-Lin-Laurentides. Malheureusement, l’établissement a fermé ses portes après la tournée des rappeurs.

ÇA PREND DE L’HUILE…

Chose certaine, nos experts s’entendent pour dire que le secret d’une bonne patate réside dans sa fraîcheur et dans la qualité de l’huile utilisée. « Y a pas de recette secrète, à part la qualité et la fraîcheur, révèle Martin Chartier, propriétaire du Casse-croûte Normand, à Verdun. Tu prends la meilleure huile et les frites les plus fraîches ; tu peux pas manquer ton coup ! » De là à nous révéler la sorte d’huile qu’il utilise, il y a un pas que monsieur Chartier n’est pas prêt à franchir.

« Je sais que ce n’est plus trop tendance, mais le gras animal, c’est ça qui donne le petit goût qu’on aime ! » — Nathalie Lessard, propriétaire du Connaisseur, à Tadoussac

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« Il y a deux écoles de pensée au sujet de l’huile. Il y a ceux qui la changent régulièrement, et ceux qui se font une fierté que la leur ait un petit historique », explique Emilie Villeneuve. Tout un autre débat se joue ensuite autour de l’origine de la matière grasse. Et au risque de déplaire à nos lecteurs véganes, la plupart des cantines qui se respectent utilisent du gras animal.

Plusieurs lecteurs nous ont recommandé le casse-croûte mentionné ci-dessus, et Emilie Villeneuve nous a vanté la fraîcheur de ses pommes de terre : des Russet de Saint-Ambroise, au Saguenay.

Du côté de Frites et Basilic, à Saint-Jérôme — recommandé par plusieurs malgré l’étonnant mélange de mets traditionnels italiens et de casse-croûte —, on n’utilise rien de moins que du gras de canard. « Pour faire un peu à l’européenne », explique le propriétaire, Gerry Lévesque, qui est maître saucier… ce qui explique également la réputation de sa poutine. « Quand j’ai acheté, en 2016, c’était un casse-croûte régulier. On a ajouté des plats italiens et on a gardé le côté casse-croûte, mais en version améliorée. »

…ET DU CŒUR

Le casse-croûte le plus recommandé est certainement le renommé Chez Ben on s’bour la bédaine, à Granby. Nous nous sommes demandé si la pancarte de l’établissement, qui marque l’imaginaire, n’était pas à l’origine de la popularité de l’endroit. C’est un peu ça, mais aussi trois générations de cantiniers. Jimmy, le petit-fils du fameux Ben, a commencé à faire des patates frites à l’âge de 8 ans.

Le secret, selon lui, c’est de trancher les patates au fur et à mesure. « Beaucoup de jus de bras et d’amour, ça fait une recette gagnante », dit-il.

« Quand tu reprends l’entreprise familiale, tu veux pas décevoir ta famille. » — Jimmy

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De son côté, l’héritier de Patate Mallette, Alexandre Daneau, a pris la relève de l’entreprise fondée par sa grand-mère à Beauharnois, en 1956. Lui aussi se fait un devoir d’honorer les personnes qui l’ont précédé. « Chez nous, si ma frite est pas parfaite, t’insultes ma grand-mère. C’est comme les Italiens avec la sauce tomate », dit-il.

Et c’est peut-être ça qui fait les meilleures patates, au fond. L’honneur, le respect et l’amour, comme nous l’apprend Micheline Guillemette, propriétaire du Restaurant L’Amical, à Saint-Lazare-de-Bellechasse. : « Il y a une petite touche secrète qu’on ne peut pas vous révéler, mais à part de ça, c’est tout l’amour que les filles y mettent qui fait la différence ! »