« J’étais à l’épicerie avec mes enfants pis j’ai vu ma face en couverture d’un magazine avec la mention “J’ai voulu mourir”, sans contexte ni rien. C’est là que j’ai réalisé qu’il faut crissement faire attention à ce que tu dis en entrevue. »
Hors contexte, la scène paraît irréelle. Tout de cuir vêtu, perruque sur le crâne, Jonathan Roberge discute de fatigue médiatique et autres sujets sensibles en compagnie d’Alexandre Champagne et de MC Gilles. Sous sa veste de moto, il ne porte rien du tout, révélant une fresque de tatouages plus spectaculaires les uns que les autres.
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C’est dans un immense immeuble à bureaux anonyme de la rue Iberville à Montréal que les trois hommes se sont rassemblés pour un enregistrement du Mâlecast, soit le nouveau projet d’Alex et John, les deux protagonistes de Contrat d’gars. Depuis le Bye bye, vous vous en doutiez peut-être (en fait, les gars ne cachent plus leurs intentions depuis quelques semaines alors vous le saviez probablement déjà), mais la websérie culte est officiellement de retour!
Cumulant plus d’un million de vues sur YouTube, cette satire de l’hypermasculinité a laissé un souvenir fort dans l’imaginaire québécois, mais les temps ont changé depuis 2009. Les gars aussi ont changé. Ils sont devenus papas. Ils ont vécu des choses importantes. La magie sera-t-elle encore au rendez-vous? Alex et John m’ont invité sur leur plateau pour en être témoin (et savoir si j’étais encore assez mâle).
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Nouvelle époque, nouvelle virilité
« Longtemps, on a trouvé que ça vivait mieux dans la mémoire des gens qu’en réalité », explique Alexandre Champagne. Le réputé photographe et jadis autre moitié de Trois fois par jour effectue un retour à l’humour depuis l’été 2023. « C’était bon, mais c’était le produit d’une autre époque. On n’aurait pas pu ou même voulu refaire ça de la même façon aujourd’hui. »
Ça faisait déjà un moment qu’Alexandre et Jonathan jonglaient avec l’idée d’insuffler une nouvelle vie à Contrat d’gars. De simple sujet de conversation évoqué de temps à autre alors que la carrière des deux hommes était simplement ailleurs, c’est après le passage des deux humoristes au balado de Mike Ward Sous Écoute que l’idée s’est enfin concrétisée.
« C’est là qu’on s’est rendu compte de l’ampleur de la demande. À l’époque, j’avais d’autres projets et j’avais dit que ça ne reviendrait jamais, mais c’est à partir de ce moment-là qu’on a commencé à se demander comment on le ferait. On s’y est mis plus sérieusement cet été », précise Roberge.
Non, l’apparition au Bye Bye n’a pas été le catalyseur de ce retour. L’invitation du producteur Guillaume L’Espérance était plutôt une heureuse coïncidence sur le chemin du retour de nos deux Rocky Balboa de la virilité. Depuis le 22 octobre dernier, des indices étaient déjà semés sur les réseaux sociaux pour les fans de la première heure.
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Si on peut s’attendre aux deux mêmes niaiseux d’il y a quinze ans, il ne faut toutefois pas s’attendre aux mêmes niaiseries. Dans un format différent, le Mâlecast sera exclusif à la plateforme d’autofinancement Patreon et une partie du contenu sera disponible sur YouTube quelques semaines après la diffusion originale, mais il faudra soutenir les deux créateurs afin d’avoir droit aux épisodes entiers. « On fait pas juste mettre ça sur Internet gratuitement en espérant que ça pogne. On s’adresse au monde qui veut nous revoir », ajoute Roberge.
L’approche de la virilité d’Alex et John s’est aussi transformée depuis l’époque.
« On n’est pas politiques, on est juste virils. Que tu sois un homme, une femme, une personne trans ou homosexuelle, on s’en câlisse. Tout le monde peut-être viril », affirme Alexandre Champagne.
Les gars n’ont cependant pas peur de froisser ou d’être incompris. « Tant mieux si ça arrive. À l’âge où on est rendus, on est prêts à se faire challenger, prendre la critique et évoluer. Si ça arrive, c’est sûr qu’on va reprendre ça à la blague. On n’est pas insensibles, mais c’qu’on fait, c’est des jokes. On ne nourrit aucun côté du compas politique », continue l’humoriste et photographe.
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Les hommes virils n’ont pas besoin de textes
Une autre nouveauté amenée par le Mâlecast, c’est l’improvisation. Les deux amis et humoristes se sont d’ailleurs connus en faisant de l’impro à Repentigny, il y a 21 ans.
« Je ne pourrais pas improviser sur n’importe quel concept, mais dans ce personnage-là et avec Alex, oui. Je sais que je score fort quand je fais John. Il y a quelque chose de spécial avec ce personnage-là », explique Jonathan Roberge.
Ils n’ont d’ailleurs pas peur de se tromper ou même d’éclater de rire et de reprendre les prises au besoin. Tels deux musiciens jazz penchés sur leurs instruments, l’un demande à l’autre de lui relancer sa dernière blague et ils reprennent le fil de leur conversation comme s’il s’agissait d’une mélodie. Voir leur chimie à l’œuvre est à la fois impressionnant et inspirant. Créativement parlant, les deux hommes se connaissent à un niveau microcellulaire.
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J’ignore si le produit final saura transmettre l’énergie qui régnait sur le plateau au moment de ma visite, mais j’avais l’impression d’avoir été invité à une de ces mémorables soirées de déconnage entre chums qu’à un tournage en bonne et due forme. Ce courant invisible qui crépite entre Alexandre Champagne et Jonathan Roberge est contagieux. Hors caméra, les visages rouges et les mains sur la bouche se sont multipliés tout au long de l’enregistrement.
« Le concept est tellement clair, c’est comme une fontaine infinie de conneries », lance Champagne.
Au cours de notre discussion, Jonathan Roberge dépose sa perruque de John sur une fausse tête en styromousse. Entre-temps, son complice détache une scie à chaîne, une épée et un casque de moto du décor. L’univers de Contrat d’gars disparaît en douceur pour qu’un autre locataire puisse prendre place en studio.
Les gars sont ailleurs, et Contrat d’gars aussi. Le nouveau format ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais il y fort à parier qu’un grand nombre risque d’être au rendez-vous.
Contrat d’gars a changé, mais le monde aussi.
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