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Les réflexions post-gala du cinéma de Robin Aubert

On vous présente le texte d'une grande profondeur, que le réalisateur du film Les Affamés a partagé sur Facebook mardi dernier.

Par
Robin Aubert
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Mardi dernier, le réalisateur Robin Aubert publiait sur son profil Facebook un texte introspectif suite au Gala Québec Cinéma, au cours duquel son film Les Affamés a remporté huit prix Iris, dont celui du meilleur réalisateur. Dans son texte, le réalisateur s’interroge sur le rôle du cinéma dans la société, sur sa responsabilité sociale, sur la parité au sein du milieu, sur l’avenir du Québec, bref, il pose des questions confrontantes, mais essentielles. Il a gracieusement accepté qu’URBANIA reproduise son texte intégralement. Parce que nous aussi on réfléchit à ces questions et on croit que ces réflexions devraient être partagées au plus grand nombre possible.

RÉFLEXIONS POST GALA

Est-ce que mes parents m’en veulent de ne pas avoir pris le temps de les remercier?

Est-ce que le film La Cuisine Rouge a reçu les honneurs escomptés à sa sortie?

Est-ce que je m’en veux d’avoir gagné?

Est-ce que ça change quelque chose alors qu’il faut que j’aille changer la couche de mon gars?

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Est-ce que le projet Éléphant fera enfin une copie de Sonatine?

Est-ce que je vais faire un autre film, et si oui, pour qui et pourquoi?

Quand aurai-je la chance de voir Isla Blanca de Jeanne Leblanc?

Avec le nombre de navets que les gars ont fait depuis des années, ça serait le fun qu’on laisse la chance aux filles de se planter elles aussi. Je veux que ma fille parte sur la même ligne de départ que mon gars. Le reste, celui qui arrive en premier, c’pas important.

Pourquoi sur scène j’ai oublié de sortir mon texte sur la parité qui disait en ces lignes ceci : « C’pas dur à comprendre me semble. 50/50. Un partage à parts égales. Ça fait que lâchez-moi avec, d’un bord : «on veut pas se faire prendre en pitié¢ pis de l’autre : «ouain mais la qualité va en prendre pour son ». Avec le nombre de navets que les gars ont fait depuis des années, ça serait le fun qu’on laisse la chance aux filles de se planter elles aussi. Ça fait 125 ans qu’on se fait raconter des bobards d’un bord, ça serait le fun d’avoir la version des faits de l’autre côté. Je veux que ma fille parte sur la même ligne de départ que mon gars. Le reste, celui qui arrive en premier, c’pas important….?

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Est-ce que Louis de Funès bougonnait dans les journaux quand ses comédies n’étaient pas en nomination aux César?

Au lieu de s’en prendre aux «big shot» qui pleurnichent à la même date chaque année sur le dos du cinéma d’auteur, ne serait-il pas plus sage de comprendre entre les lignes que cette industrie qui se transforme, qui transmute, ne doit pas nécessairement leur offrir des nuits paisibles?

Est-ce que Dolan se sent seul lorsqu’il erre dans un party et que personne n’ose l’aborder par peur de le déranger?

Est-ce que le cinéma change le monde?

Est-ce que je suis le seul à avoir réalisé à retardement que je n’étais plus dans la relève?

L’internaute qui parle du cinéma d’ici comme si on volait l’argent du contribuable, ne sait-il pas encore qu’on utilise aussi ses taxes pour violer le territoire à coup de pipeline? Est-ce qu’il se réjouit qu’on coupe dans les bibliothèques? Ne sait-il pas encore que l’argent d’un film fait rouler l’économie d’un village entier? Est-il à ce point idiot comme tant d’autres dans son genre que l’idée de faire l’indépendance avec eux ne m’émeut plus?

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Cette citation de Falardeau n’est-elle pas la plus belle d’entre toutes : “Si tu te couches, il vont te piler dessus. Si tu restes debout et tu résistes, ils vont te haïr, mais ils vont t’appeler «Monsieur»….?

Est-ce que je suis le seul à avoir trouvé le discours de Forcier enlevant?

J’ai reçu plus de remerciements de mes chums humoristes que de mes chums cinéastes. La fameuse «clique» dont je fais partie ne serait pas plutôt celle des humoristes?

Est-ce que je vais dormir ce soir, et si oui, est-ce que je vais encore faire ce foutu cauchemar où un concierge albinos me séquestre dans une chambre un peu louche et que je me réveille en sueur en me disant “non, criss que non, ça ne sera pas mon prochain film!”?

Les films de Louis Saïa me manquent. Qu’est-ce qui arrive avec Louis Saïa?

Des messages d’amour de Jean Lapointe, Michel Barrette et Patrick Hivon nous reliant à jamais à un film par le sang du cœur, ce n’est pas ça dont parlait Cassavetes quand il comparait le cinéma à une famille?

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Est-ce que mon équipe sait que le succès de ce film c’est eux, pas moi?

Pourquoi ma blonde qui a sauvé mon film de la noyade des dizaines de fois n’est pas montée sur scène avec nous? Est-ce que les scénaristes préfèrent l’humilité de l’ombre à la lumière des follow spot?

Est-ce que Théodore Pellerin sait que la première fois que j’ai rencontré son père, il peignait nu dans le champ de mon oncle et que je l’ai tout de suite aimé? Est-ce qu’il sait que la poésie de sa mère me fait du bien? Est-ce qu’il sait qu’un enfant entouré d’art a tendance à grandir avec plus de curiosité envers celle d’ici et d’ailleurs?

Est-ce que l’orage tombe du ciel comme l’orgueil tombe des nues quand on perd alors qu’on croyait gagner?

Suis-je le seul à penser qu’étant jeune cinéaste, tu recherches inconsciemment une certaine reconnaissance pis qu’une fois qu’elle arrive, tu voudrais donc retourner à tes premières armes?

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Des gens qui se prennent en selfie devant les portes de Radio-Canada, aux tables, dans les toilettes, au party, ont-ils le temps de vivre le présent où préfèrent-ils vivre par procuration dans les yeux des autres?

Quand en coulisse, Roy Dupuis me serre la main dans un long silence souriant, est-il au courant que c’est la meilleure conversation que j’ai eue de la soirée?

C’tu moi où le plus swell de la gang c’était Morin avec sa chemise de lin fripée?

Est-ce que Sophie Durocher est au courant qu’elle me lance une fleur lorsqu’elle critique mon film en y comparant son approche drastique à celle de Bergman?

La porte qui grince est une analogie à notre solitude face aux autochtones. Ils nous ont ouvert la porte, mais on a décidé de la refermer. Donc quand on l’ouvre des années plus tard, évidemment que ça grince. Est-ce qu’on est à ce point aveugle pour éviter le sujet? Est-ce normal que maintenant, pour parler d’un film, on critique son nombre d’entrées sans jamais parler du fond?

Pourquoi Anthony Bourdain s’est enlevé la vie?

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Suis-je le seul à penser qu’étant jeune cinéaste, tu recherches inconsciemment une certaine reconnaissance pis qu’une fois qu’elle arrive, tu voudrais donc retourner à tes premières armes?

La statuette que j’ai déposée quelque part, je la mets où pis est-ce que je la nettoie au Windex?

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