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Les REER de l’anticonformisme

Par
Judith Lussier
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C’est la saison des REER, et encore une fois, c’est l’occasion pour matante Judith de vous encourager à épargner. J’aime ça écrire au sujet des REER sur le site Internet d’un magazine qui n’a aucune autorité en la matière. Chroniqueuse finances pour Urbania, tu parles d’un contre-emploi.

L’an passé, je vous disais de ne pas trop vous inquiéter pour la retraite, qu’il y avait déjà en masse de raisons de cotiser à ses REER sans avoir à s’accrocher au rêve de pouvoir tout sacrer là à 55 ans. Cette année, c’est Le Détesteur qui m’a donné mon angle. J’ai adoré sa chronique sur la standardisation comme projet de vie. Je partage avec mon collègue du Nightlife ce sentiment de frustration lorsqu’on tente de m’inciter à entrer dans le moule. J’ai coécrit un livre sur les travailleurs autonomes presqu’exclusivement pour répondre à ceux qui me demandent quand est-ce que je vais trouver un vrai emploi, et je tiens encore cet anticonformisme responsable (ex-æquo avec la mort de Kurt Cobain) de mon échec à devenir sizenière dans les jeannettes en 1994.

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Ce qui m’a amusée dans la chronique du Détesteur, c’est la justesse avec laquelle il décrit l’air déconcerté de certaines personnes, ici une banquière anonyme, lorsqu’on leur indique avec assurance qu’on ne prendra pas le chemin tout dessiné d’avance pour nous et dans lequel eux s’enlisent avec leur malheur chaque jour davantage. Je me souviens du mépris que j’avais ressenti lorsqu’une conseillère de la caisse avait jugé avec condescendance mon choix de carrière. Mépris pour condescendance, nous étions quittes. Ce fut une douce revanche pour moi de lui annoncer que j’avais pris mon hypothèque ailleurs.

Je sais bien qu’il ne s’agissait pour le Détesteur que d’une anecdote utilisée dans le but d’illustrer un enjeu plus grand, celui de la conformité, mais contrairement à lui, je ne considère pas l’épargne comme un facteur de standardisation. Je la vois plutôt comme un moyen de s’élever au-dessus de la mêlée.

Combien de vos amis vous achalent véritablement avec leur planification de retraite? Personnellement, quand j’ai commencé à parler de REER dans mon entourage, c’était plutôt original et les réactions que j’obtenais en retour sonnaient plutôt comme «Hein? Toi? Des REER?» Contre-emploi je disais. Dans les tours à bureau du centre-ville, je veux bien, mais autour de nous, les REER font-ils tant que ça partie de la norme? Récemment, Gérald Fillion, monsieur économie, nous apprenait que les Canadiens ont en moyenne plus de dettes que de REER. Moi, je préfère tout simplement faire partie de ceux qui ont plus de REER que de dettes. Je préfère recevoir des dividendes que de payer des intérêts à des compagnies dont le succès est essentiellement basé sur le fait que le monde n’est pas à son affaire. Je préfère mettre un peu plus d’argent de côté à chaque paye et payer un peu moins d’impôt au gouvernement. Je préfère être celle que t’appelles en braillant parce que tu viens d’apprendre que t’allais devoir 10 000$ au gouvernement et que t’avais pas prévu le coup, que d’être celle qui braille. L’éternelle histoire de la cigale et de la fourmi. Pourtant, je m’éclate autant que la cigale.

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Pourquoi faudrait-il que les anticonformistes soient toujours ceux qui prennent les mauvaises décisions? Que le gros bon sens soit seulement l’apanage de ceux qui entrent dans le moule? Je suis contre. Prouvons-leur qu’on peut faire bien les choses en faisant fi de la norme. Achetons leurs idées préconçues avec nos REER accumulés à réaliser nos rêves qui leur apparaissaient si farfelus. Montrons-leur que ce n’était pas si fou que ça, de vouloir devenir écrivains, chantourneurs ou saltimbanques.

Crime, ce n’est pas de recevoir 40% d’économies d’impôts parce que t’as mis 5000$ dans le fonds de la CSN, qui est conformiste. Ce qui est conformiste, c’est de se conforter dans la croyance que tout ça, c’est pour les autres.

Écrivez-moi pas tous en même temps pour me dire que les rendements des fonds de la CSN sont ordinaires et que c’est pas une si bonne idée que ça. Moi, tout bien réfléchi, je trouve qu’il s’agit d’une excellente stratégie à court terme, c’est-à-dire d’un excellent compromis entre les bénéfices de l’instant présent et le véritable sérieux qu’ils disent qu’on devrait consacrer à sa retraite.

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Parce que pour moi, les REER, c’est pas tant pour mes vieux jours que pour d’autres considérations, que je les accumule. C’est notamment pour pouvoir dire à la madame condescendante de la caisse que j’ai pris mon hypothèque ailleurs et que sa cote, elle pourra se la faire sur ces gentilles personnes qui suivent des chemins déjà tout tracés d’avance.


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