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Les personnes pauvres n’ont pas demandé à l’être

Elles sont pourtant victimes d’un ramassis de préjugés.

Par
Catherine Foisy
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URBANIA et Centraide s’unissent pour déconstruire les idées préconçues qu’on a de la pauvreté et mieux comprendre cette réalité qui touche environ 615 000 personnes dans le Grand Montréal.

Pour mieux comprendre la pauvreté, on a abordé un à un les mythes populaires qui entourent cette réalité avec Marie-Lyne Brunet, intervenante expérimentée du milieu communautaire et aujourd’hui directrice, impact dans les collectivités à Centraide du Grand Montréal.

« Personne n’est à l’abri d’une maladie physique ou mentale, d’un divorce, d’une éviction soudaine ou d’une perte d’emploi », résume d’emblée Marie-Lyne, qui m’expliquera plus tard qu’il existe des facteurs prédéterminés et d’autres, contextuels, qui mènent à la pauvreté.

«Personne n’est à l’abri d’une maladie physique ou mentale, d’un divorce, d’une éviction soudaine ou d’une perte d’emploi.»

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Si chaque situation est unique, Marie-Lyne souligne que l’exclusion sociale et la pauvreté sont la plupart du temps liées, entre autres parce que les personnes exclues de la vie active sont pas mal plus susceptibles de devenir pauvres que celles qui en font partie. C’est le cas des personnes vivant avec un handicap, des personnes racisées, des femmes monoparentales, des aînés, des minorités visibles et de toutes les personnes qui appartiennent à une communauté marginalisée.

L’aide sociale est cheap, pas les personnes qui la demandent

Je ne vous apprends rien en disant que la stigmatisation de la pauvreté a engendré un vocabulaire riche de préjugés et pauvre de vérités. C’est encore plus vrai lorsqu’il est question d’aide sociale. La preuve : le qualificatif « BS » (pour « bien-être social »), une insulte qu’on utilise à tour de bras pour dire qu’une personne est cheap ou profiteuse. Pourtant, les personnes qui ont recours à cette aide sont à près de 60 % déclarées inaptes au travail selon le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. On peut donc dire que la plupart d’entre elles n’ont pas d’autre choix, et donc qu’elles sont tout sauf profiteuses ou cheap.

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La pauvreté et la paresse n’ont rien à voir

« Le quartier ou la ville où l’on naît influe sur nos conditions de vie et peut avoir un impact sur nos chances de réussite », explique Marie-Lyne, en décrivant deux parcours classiques qui mènent à la pauvreté.

D’une part, il y a ce qu’on appelle la pauvreté culturelle ou générationnelle. Cette forme de pauvreté concerne les personnes qui sont nées ou ont grandi dans des environnements et des milieux familiaux déficients, ce qui les a tranquillement menées vers la pauvreté.

Il y a ce qu’on appelle la pauvreté culturelle ou générationnelle. Cette forme de pauvreté concerne les personnes qui sont nées ou ont grandi dans des environnements et des milieux familiaux déficients, ce qui les a tranquillement menées vers la pauvreté.

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D’autre part, il y a les personnes qui vivent ce qu’on appelle de la pauvreté passagère ou contextuelle et qui se sont retrouvées dans cette situation à la suite d’un événement tragique soudain, comme la perte d’un emploi, un divorce ou une longue dépression. C’est aussi ce qui peut arriver aux étudiant.e.s ou aux professionnel.le.s qui ont quitté leur pays pour venir s’établir ici et qui, le temps de s’adapter à leur nouveau milieu de vie, vivent pauvrement.

Mais même si l’on est capable de tracer deux parcours « typiques », il est important de savoir que les chemins qui mènent à la pauvreté sont multiples et que n’importe qui peut se retrouver pauvre du jour au lendemain. Vous et moi y compris.

La Banque mondiale dévoilait d’ailleurs il y a quelques mois que de 119 à 124 millions de personnes dans le monde sont devenues pauvres en raison de la crise sanitaire. Son rapport nous apprend aussi que pour la première fois depuis 20 ans, la pauvreté empire dans le monde – raison de plus pour effacer une bonne fois pour toutes le mot « paresseux » du champ lexical de la pauvreté.

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Tout le monde ne vit pas la pauvreté de la même façon

Contrairement à ce qu’on pense, seule une infime partie de la population considérée comme « pauvre » se retrouve à la rue. Ça, ça veut dire qu’une personne considérée pauvre pourrait avoir un logement, mais ne pas être en mesure de mettre de la nourriture sur la table. Elle pourrait aussi avoir trouvé un logement grâce aux nombreuses ressources qui lui sont offertes et vivre sa pauvreté en fonction de la région où elle se trouve.

«Si une grande partie de la population pauvre du Québec se retrouve à Montréal, c’est entre autres parce que les services d’aide y sont plus nombreux.»

Conclusion : chaque situation de pauvreté est unique et s’accompagne d’enjeux qui lui sont propres. Par exemple, les gens qui vivent dans la pauvreté en banlieue n’ont pas les mêmes besoins que ceux qui résident dans une grande ville comme Montréal. « Si une grande partie de la population pauvre du Québec se retrouve à Montréal, c’est entre autres parce que les services d’aide y sont plus nombreux », explique Marie-Lyne Brunet.

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Écouter plutôt que juger

On comprend maintenant que la pauvreté n’a pas qu’une forme, et qu’elle est donc difficile à reconnaître au premier coup d’œil. Il est difficile, voire impossible, de poser un diagnostic de pauvreté en ne se fiant qu’aux apparences et sans avoir en main toutes les informations nécessaires pour le faire. Ce qu’il est possible de faire, par contre, c’est de s’assurer de ne jamais manquer d’écoute et d’arrêter de juger ces gens pauvres qui n’ont pas demandé à l’être. Après tout, personne n’est à l’abri de la pauvreté.

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Lire cet article vous a donné le goût de vous impliquer auprès d’un organisme communautaire qui occupe un rôle important dans la lutte contre la pauvreté? Tant mieux. Cliquez ici et découvrez comment vous pouvez aider votre prochain.