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Plusieurs textes furent pondus à leur sujet. On les hait. On les pointe du doigt. Mais moi, qu’est-ce tu veux, j’ai froid.
Chaque année, c’est la même histoire. L’été s’étire, l’été tire à sa fin, l’été nous montre un dernier pan de cuisse en nous faisant croire que c’est piscine et PAN! j’ai de la buse dans les lunettes dès que j’entre dans un café, heureuse condensation qui disparaît toujours en petits ronds à partir du centre de mes verres pour que je puisse avoir – l’air tarée – un échange complice avec tout barista qui me croise mirettes:
« Houpelaille, c’est pas chaud dehors, han?! » – traduction: t’as pas l’air futée futée, avec tes petits trous clairs au milieu de tes portes patio pleines de steam, tu devrais les essuyer avec une napkine.
J’aime l’hiver. J’ai la première neige fébrile. Les bottillons de mon caniche de grain sont fin prêts. Mais le truc, c’est que j’ai froid. J’ai tout le temps froid, bout de ciarge. Ne me traînez pas dans l’allée des t-bones trop longtemps, parce que même en pleine canicule, j’entre en hypothermie des bouttes, je convulse dans l’étalage des crevettes tigrées et je songe à me fabriquer une couvarte avec les housses de bancs d’avion comme dans ALIVE.
J’aimerais faire différent, mais je n’y peux rien.
C’est pourquoi hiver après hiver, ou plutôt octobre après octobre, il n’est pas rare de me voir parée d’un tabarli de gros manteau. Duvet d’oisillon, capine de chat sauvage dressée, ce feeling de me promener dans ma couette me rend heureuse, nu pieds dans mes souliers bateau.
Mais ça fait pas plaisir à tout le monde.
OOOOOOH, TASSE-TOÉ DE D’LÀ, MA CHÈRE.
On me repère. Et quoi qu’il advienne, mon passage suscite chuchotements et/ou indignation. J’étais d’ailleurs en guillerette route vers le métro, wrappée dans mes huit sacs de canard, quand je me suis fait interpeler par le plus courageux des quidams, à demi-voix, une demi-voix empreinte d’un grand courage. Et ce qui est chouette, c’est que lorsqu’on m’interpelle, je me retourne, menuet au bord des lèvres.
Quidam en joggings farniente :: « Encore un ostie de Canada Goose »
Moi :: « C’est pas un Canada Goose » (c’est vraiment pas un Canada Goose. Mais si c’en était un, le public de l’Union fait la force serait en liesse)
Quidam en joggings farniente (ignore souverainement le fait que je porte pas un soda de Canada Goose) :: « Qu’est-ce tu vas faire, cet hiver, quand il va faire -30?? »
Ce que je vais faire cet hiver? PROBABLEMENT MOURIR.
Comme je porte déjà le manteau que je ne devrais porter qu’à -15 avec facteur vent qui fait s’envoler le casse de Colette, la sélection naturelle fera sans doute son œuvre, mon beau nouare.
Trente-trois hivers, déjà, que je traverse, et je sais ben pas pourquoi ni comment j’ai réussi à passer au travers. Y’a une fée qui s’est penchée sur mon berceau, certain.
Je ne sais pas ce que je vais faire. Une psychanalyse. Une saignée. Me mettre un entonnoir s’a tête. Aller faire un tour dans l’allée des cordes pis des tabourettes. ME PENDRE.
Cette idée, de mettre mon gros coat quand c’est encore le temps de montrer à tout le monde que je peux encore porter mes shorts de surf.
T’as eu raison de me le signifier. Et sans doute d’en faire un statut Facebook, le frimas encore au jogging, dès que t’es rentré chevous. Les ostie de Canada Goose, c’est drôle en tabarlaille. Ces gens-là investissent ben trop dans leur manteau-bédaine puffé et c’est important d’en faire un sapristi de gros FROMAGE.
Écoute. Si ça peut te rassurer dans ton statut d’individu vêtu comme il se doit quand il se doit, be my guest. Je ne me brandirai guère le Jasmin Roy, petite paume tendue parce que l’intimidation, c’est non. Je peux faire ça pour toi, parce que je peux comprendre ce que c’est, de vivre avec du monde qui te gâche le temps des courges.
Je te demande d’ailleurs pardon.
J’ai même fait un effort: j’ai pas encore sorti mes mitaines. Mais je vais te le confier, je commence à avoir frette aux mains. C’est-ti ok si je sors mes gants Isotoner?
Je ne les porterai pas tout de suite. Promis.
Je les fais juste tempérer sur mon petit banc d’entrée pour cette journée ultime où j’aurai le droit de les porter, quand mes doigts tireront sur le bleu marine et qu’on aura signé le pacte de manger le gars mort dans le cockpit.
Auqué? Auqué.
La bise.
PS TENDRESSE :: un smoking en lévrier me plairait.
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Pour lire un autre texte de Catherine Ethier : “Vous êtes trop moche mademoiselle”