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Le réalisateur québécois Vincent René-Lortie flotte encore sur un nuage.
Toujours à Los Angeles, moins de vingt-quatre heures après la 96e cérémonie des Oscars, il a de la difficulté à prendre du recul sur ce qui vient de lui arriver. Dimanche soir, son premier court métrage Invincible était en nomination pour une prestigieuse statuette. Si c’est finalement le célèbre réalisateur américain Wes Anderson qui a raflé le prix dans la catégorie pour son film The Wonderful Story of Henry Sugar, pour René-Lortie, la défaite n’en est pas réellement une.
« C’est sûr que j’étais déçu, sur le coup. Pendant la semaine, je lisais des articles qui parlaient de mon film en bien, qui vantaient ses mérites. C’est certain que quand t’es en nomination contre Wes Anderson, tu modules tes attentes, mais tu peux pas t’empêcher d’espérer un peu, quand même », m’explique Vincent René-Lortie à l’autre bout du fil.
« La déception est vite partie, par contre. Elle s’est dissipée en même temps que la pression que je ressentais par rapport à tout ça. Maintenant, je peux recommencer à faire ce que j’aime. »
Ce n’était toutefois pas impensable que René-Lortie parvienne à vaincre un géant de l’industrie comme Wes Anderson. C’est arrivé, il y a quelques semaines, lorsque Simple comme Sylvain de Monia Chokri a remporté le César du meilleur film étranger alors qu’il était en lice contre le Oppenheimer de Christopher Nolan, autre titan de l’industrie. Ironie du sort si elle en est une, Oppenheimer a absolument tout raflé aux Oscars, par la suite.
C’est comment, participer aux Oscars? J’ai demandé au jeune réalisateur de m’expliquer tout ça.
Le traitement royal
Quand on est en nomination pour un Oscar, on n’a pas droit qu’à une soirée de gala. On est tout d’abord invité au Academy Awards Luncheon avec tous les autres élus. Cette année, l’événement avait lieu le 12 février dernier et les 179 invités ont pu déguster un risotto aux champignons sauvages comme repas.
« C’est à ce moment que j’ai rencontré le plus de monde. Steven Spielberg, Mark Ruffalo, Margot Robbie, toutes les célébrités auxquelles tu peux penser étaient là », raconte Vincent René-Lortie avec un enthousiasme palpable.
Le soir du gala commence avec un tapis rouge où tous les artistes en nomination ont le droit de défiler avec leur invité. « Ça dure une trentaine de minutes, environ. On a été bien préparés par une équipe de PR, là-bas, parce qu’une fois que t’arrives, tout va très vite. T’as pas le contrôle de ce qui se passe. Au bout du tapis rouge, toute notre équipe nous attendait. On était une vingtaine à s’être déplacés pour l’événement », poursuit-il.
La gang de René-Lortie est toutefois arrivée beaucoup trop tôt et s’est retrouvée à patienter dans le hall du théâtre Dolby à Los Angeles pendant deux heures avant que la cérémonie ne débute officiellement. Sur une note plus positive, ça leur a permis de rencontrer encore d’autres grosses pointures de l’industrie à travers le flot ininterrompu de drinks et de petites bouchées.
« J’ai eu le privilège de jaser avec Daniel Kwan, un des deux réalisateurs du film Everything Everywhere All at Once. Ça, c’était quelque chose de spécial. »
« Je tripe sur les Daniels depuis leurs premiers vidéoclips sur Vimeo. Leur film précédent, Swiss Army Man, est un de mes films préférés », confie le jeune réalisateur.
Selon Vincent René-Lortie, rien ne se passe pendant la soirée des Oscars qu’on ne puisse pas apprécier à travers un écran de télé. « C’est aussi un spectacle pour les gens sur place. Les invités sont là pour être divertis par Jimmy Kimmel, comme pour ceux et celles qui regardent de la maison. »
Les Oscars, ça ne change pas le monde, sauf que…
Pour ceux et celles qui n’ont pas encore vu Invincible, le court métrage est disponible pour visionnement sur le compte Vimeo personnel de Vincent René-Lortie. Il raconte l’histoire des 48 dernières heures de Marc-Antoine, un jeune homme judiciarisé de 14 ans.
Inspiré de faits vécus (le réalisateur m’explique qu’il s’agit de l’histoire d’un de ses amis), Invincible est un film à la fois tourmenté, lumineux et d’une simplicité désarmante. On y traite de santé mentale, d’émancipation et de besoin de liberté à travers la lucarne difficile des jeunes contrevenants sans jamais tomber dans le mélodrame ou la didactique. On y aborde des problématiques importantes et souvent mal comprises avec autant de cœur que de nuance. Si vous êtes capable de digérer émotionnellement une histoire de ce genre (c’est pas pour tout le monde), ça vaut la peine d’y consacrer trente minutes.
La toujours transcendante Isabelle Blais y joue d’ailleurs un petit rôle, pour les intéressés.
« Quand j’ai fait ce film-là, j’avais pas en tête d’être nominé aux Oscars ou, même, de gagner des prix. »
« Même si j’ai beaucoup aimé mon expérience, je ne pense pas que cette aventure risque de changer ma façon de faire de l’art », me répond le réalisateur lorsque je lui pose la question. « L’important, pour moi, c’est de faire des projets qui me parlent. En fait, j’ai très hâte de retourner chez moi, de retomber dans ma routine et de commencer à travailler sur mon prochain projet. »
Dans le cycle de vie d’Invincible, les plus beaux souvenirs de Vincent René-Lortie ne sont d’ailleurs pas reliés aux Oscars. « Pour moi, le moment le plus fort a été lorsque j’ai présenté le film à la famille de mon ami qui l’a directement inspiré. Cet accueil-là, ça a validé le risque que j’ai pris. Ça m’a fait sentir que j’avais raison de continuer à faire du cinéma, malgré les moments difficiles. »
Pour le moment, le jeune homme travaille sur son premier long métrage dans lequel il compte incorporer des éléments de science-fiction. « C’est un autre film qui parle de santé mentale. Encore une fois, quelque chose de très personnel », m’assure-t-il.
Vincent René-Lortie ne vise peut-être pas un retour aux Oscars, mais tous les yeux sont maintenant rivés sur lui et les siens le sont sur ce qui compte le plus : faire des films qui lui parlent. De l’art qui communique des enjeux qui lui sont importants.
Il y a fort à parier qu’on n’a pas fini de parler de lui.