Logo

Les neuf vies de Patricia Paquin 

Retomber sur ses pattes après un congédiement cavalier.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
Publicité

« Hugo, j’ai une crevaison sur ma voiture, je vais porter mon véhicule à Chambly et je saute dans un taxi. Au pire, je suis en retard d’une dizaine de minutes. »

Ma journée débute sur ce texto de Patricia Paquin, avec qui j’ai rendez-vous à Sainte-Julie, dans une succursale de son café Cheval.

À deux jours de la première médiatique de son spectacle Les EXséparables, qu’elle promènera un peu partout au Québec avec son ex, Mathieu Gratton, l’animatrice n’a pas tardé à se retrousser les manches après son congédiement cavalier de la station Rythme FM en août dernier.

Le couperet est tombé à la veille de son retour en ondes dans l’émission du midi, qu’elle pilotait depuis un an et demi avec Marie-Ève Janvier.

Publicité

C’est Maripier Morin qui lui a succédé et Patricia Paquin avait fait face à la musique avec classe sur son compte Instagram.

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par Patapoire (@patricia_paquin)

« Oui, je me sens blessée et c’est poche, mais je ne me nourris pas d’amertume. On passe à autre chose, je ne suis pas que la radio », résume avec aplomb l’animatrice, calée dans le sofa de son café, également un espace à vocation sociale, qui embauche des personnes vivant avec des troubles du spectre de l’autisme.

Patricia arrive finalement deux minutes après moi, en me chicanant parce que je me suis payé un café au lieu d’en boire un sur le bras de la maison.

URBANIA = média incorruptible.

Publicité

J’avoue que cette entrevue m’emballe, n’en déplaise à mes jeunes collègues insolents qui ont googlé l’animatrice dans ma face.

Pour moi, Patricia Paquin, c’est la belle et énergique Geneviève de Chambres en ville. La sportive qu’on aurait voulu présenter à nos parents, contrairement à l’explosive Lola ou Valérie, l’ingénue tourmentée.

Comme son chum Marc-André dans la série (interprété par Gilbert Lachance), on rêvait tous de l’appeler affectueusement « chaton ». Ou était-ce « minou »?

La principale intéressée a elle-même un trou de mémoire à propos de son sobriquet. Pas étonnant, venant de quelqu’un qui m’a également avoué souvent se rendre compte au beau milieu d’un livre qu’elle l’a déjà lu.

« Je vais lui demander! »

Sans crier gare, elle dégaine son cell pour appeler Gilbert Lachance (vous avez peut-être oublié son visage, mais sa voix fait partie de votre vie) et lui demande directement.

Publicité

– Salut, Gilbert. Je suis avec URBANIA. Tu m’appelais chaton ou minou?

– Toi, c’est chaton. Moi, c’est minou, répond l’un des plus prolifiques doubleurs du Québec (qui a aussi récemment sorti un album de piano), l’air habitué de ce genre de requête spontanée de la part de son amie.

Le ton de l’entrevue était donné.

Une histoire de famille

D’entrée de jeu, on aborde son deuxième spectacle avec son ex – quinze ans après une première mouture couronnée de succès – qui n’a d’ailleurs été rodé qu’une quinzaine de fois pour en conserver la fraîcheur. « C’est pas simple, j’ai découvert à 50 ans que j’avais pas de facilité à apprendre des choses par cœur », confesse Patricia.

Sur la table, un texto entre sur son cellulaire, justement de Mathieu Gratton. Ça ne s’invente pas.

« C’est pas la fête à Louis-François (Marcotte) aujourd’hui? Il a 23 ans? », raille l’ex. « Va chier », répond simplement Patricia.

Publicité

Ne vous fiez pas aux apparences, l’ambiance est au beau fixe dans le clan Marcotte-Paquin-Gratton. Familiale serait presque un euphémisme rendu là.

Benjamin, le fils de Mathieu et Patricia, prendra même part à un numéro dans le spectacle. « Je ne voulais pas qu’on le dise et qu’on le réserve en surprise au cas où ça ne marche pas », avoue la maman, loin d’en beurrer épais sur la fébrilité qu’elle ressent à 48 heures de la première. « Ce qui est formidable, c’est que les gens ne s’attendent à rien. Je ne suis pas humoriste et Mathieu n’est pas la plus grande star, non plus. Je trouve, par contre, que notre offre demeure unique et notre star, c’est Benjamin! », lance-t-elle avec lucidité.

C’est vrai qu’avec une bonne game sur les réseaux sociaux, le rôle de Siméon dans la série STAT et un contrat publicitaire avec une rôtisserie, Benjamin, qui aura 23 ans la semaine prochaine, se fraie sa propre place au soleil.

Et sans lui, Patricia Paquin et Mathieu Gratton n’auraient certainement pas incarné le visage de l’harmonie post-rupture. « Si on n’avait pas eu Benjamin, j’aurais pas gardé contact, je pense. Il y a une complicité, oui, mais on n’est pas des bons amis », nuance-t-elle avec une franchise déstabilisante.

Publicité

Même si l’idée d’un autre spectacle ne l’emballait pas tant au départ, le projet tombe à point après le tumulte des dernières semaines. Le timing est bon, les enfants qu’elle a eus avec Louis-François sont grands. Le show de 90 minutes sans entracte est mis en scène par Joël Legendre et met également en vedette Ghyslain Dufresne, l’autre membre de Crampe en masse, duo qu’il formait autrefois avec Mathieu Gratton.

Le bonheur de faire de la plonge

Ses cafés Cheval l’occupent aussi, et elle y met la main à la pâte quand elle le peut pour se changer les idées. « Moi, je peux laver la vaisselle une journée de temps et je suis très heureuse », admet-elle.

Devant nous, une petite file s’allonge devant le comptoir. « Des fois, c’est comme un cirque. Les gens cherchent les autistes », soupire-t-elle. Même si elle contribue certainement à améliorer la qualité de vie des gens aux prises avec le TSA en leur offrant des opportunités d’emploi, Patricia Paquin esquive les fleurs.

« J’ai pris l’idée de quelqu’un en regardant une émission à Vox. Un café du genre existait déjà à L’Île-Perrot. »

Publicité

Elle et son conjoint ne ferment toutefois pas la porte à l’idée d’étendre leur entreprise. « On rencontre vendredi la ministre de l’Emploi, elle veut savoir comment ça fonctionne. Oh, je sais pas si j’ai le droit de dire ça! »

Malgré une humilité désarmante, Patricia Paquin m’exhibe fièrement un message reçu la veille d’une maman d’un enfant atypique, la remerciant de lui donner espoir. « Je le prends, parce qu’au début, j’ai cherché des repères. La seule personne qui avait un fils autiste que je connaissais était l’animatrice Sylvie Lauzon, qui m’avait dit : “Fais tout de suite le deuil de l’enfant que tu avais imaginé, et à partir de maintenant, c’est l’émerveillement.” »

Publicité

La gloire avant le diplôme.

Née dans l’Est de Montréal au sein d’une famille modeste, Patricia Paquin a grandi avec deux sœurs et un frère. Elle était encore enfant lorsqu’elle s’est retrouvée devant les projecteurs comme mannequin et à la télé dans des pubs, un milieu dans lequel son père travaillait.

« J’étais une petite fille qui courait dans l’annonce du thé Red Rose. Ça avait été tourné dans la maison de Gilles Carle, il me semble. J’ai aussi fait du lait… », se remémore-t-elle.

Les choses ont décollé après qu’elle ait décroché un rôle dans Chambres en ville, alors qu’elle amorçait ses études en communication à l’université. « Je pensais profiter de cette petite expérience pour créditer quelques cours, mais ça a finalement duré sept ans et je ne suis jamais allée à l’université. »

Publicité

L’émission culte a fait boule de neige et Patricia Paquin s’est retrouvée successivement à la barre du rendez-vous culturel Flash, du magazine MOI&CIE et de plusieurs émissions de radio.

Parallèlement à sa carrière, elle a longtemps coanimé le téléthon Opération Enfant Soleil, en plus d’avoir été ambassadrice durant quinze ans pour la Société canadienne de la sclérose en plaques, une maladie dont souffre sa sœur. « J’ai arrêté parce que cette maladie me met en crisse », avoue-t-elle.

L’année qui s’achève n’a pas été facile pour Patricia, qui a perdu ses deux parents. « Mon père, je l’ai vu partir tranquillement, mais ma mère était toute là. Elle a fait une chute et n’est jamais ressortie de l’hôpital. »

De son propre aveu, Patricia Paquin deal bien avec la mort, un cycle normal de la vie. Sa spiritualité semble d’ailleurs flotter au ras des pâquerettes. La preuve : les cendres de ses parents qui traînent par terre, dans une boîte, dans son bureau. « Hier, j’ai fait une italienne (répétition) avec Mathieu sur Facetime et j’ai pris la boîte en lui disant : “Bon, ils auront au moins entendu le show une fois!”. »

Publicité

Congédiée en visite chez Mickey Mouse

Patricia Paquin était à Walt Disney avec son amie Jessica Barker et leurs familles respectives quand elle a appris qu’elle perdait son micro à Rythme FM. On venait même de lui demander d’envoyer une vidéo pour leurs réseaux sociaux, invitant l’auditoire à la retrouver. L’animatrice refuse néanmoins de se victimiser ou d’imputer son sort au fait qu’on tasse les femmes vieillissantes.

« Ça fait partie de la game, mais peut-on le faire de manière moins cowboy? »

Publicité

Si elle et sa complice des dernières années Marie-Ève Janvier ont échangé les vœux de succès d’usage, Patricia Paquin n’a jamais pris contact avec celle qui a pris sa place. « Je l’ai texté une fois il y a quelques années, elle ne m’a pas répondu. Elle ne m’a pas écrit non plus après mon congédiement. Ça aurait été mon genre de le faire. Elle est peut-être mal à l’aise. »

Plutôt que de s’apitoyer sur son sort, Patricia Paquin va de l’avant, prête à relever de nouveaux défis, comme la fois où elle s’est inscrite à un demi-marathon avec sa chum Barker, ou en participant à l’émission Sortez-moi d’ici sur un coup de tête.

« Je ne vis pas de peur et de regrets », tranche-t-elle simplement.

La pionnière qui n’aime pas les fleurs

Lorsque je l’entraîne vers son rapport à l’âge et aux plafonds de verre qu’elle défonce, je la sens encore se défiler un peu. De toute évidence, Patricia Paquin deal mal avec les éloges. N’empêche, elle a eu des enfants sur le tard, elle s’est mariée avec un homme plus jeune et donne l’impression que la vie commence à 55 ans : autant d’aspects qu’on pourrait qualifier de féministes ou du moins progressistes.

Une pionnière, Patricia Paquin?

« Je ne m’en rends même pas compte. L’âge ne me stresse pas, je suis dans l’énergie, le plaisir. J’ai des amis de tous âges et mon chum a l’air plus vieux que moi! », lance-t-elle dans un éclat de rire.

Publicité

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Patricia Paquin ne se prend pas au sérieux. Elle semble bien entourée aussi, à en juger par les textos qui entrent sans relâche durant notre entretien. Le dernier vient de l’humoriste Philippe Laprise qui lui envoie de l’amour pour sa première. « J’aimerais ça, retravailler avec lui (elle l’a déjà fait à la radio). »

Voilà, c’est URBANIA qui l’aura annoncé en primeur.

Elle assume aussi son amitié de longue date avec Guillaume Lemay-Thivierge, évidemment sans cautionner les gestes qui l’ont plongé dans la tourmente, celle-ci étant bien consciente qu’un chemin de croix est nécessaire. « Il est de ceux qui m’ont appelé en premier quand la nouvelle que je perdais mon émission est tombée. Il voulait juste me faire rire et me dire qu’il était là. »

Publicité

Pour le reste, elle se laisse surprendre par la vie, sans trop savoir ce qui l’attend, à part son spectacle et un projet de livre qui l’enthousiasme. « La vie n’est pas une ligne droite », résume-t-elle, en citant en guise d’exemple Caroline, son ancienne femme de ménage devenu gérante de ses cafés.

Même détachement quant aux potins qu’on colporte à l’occasion à son sujet. À ce sujet, elle cite Guy A. Lepage, qui avait déjà affirmé « s’en câlisser royalement ».

« Tsé, je l’ai lu le commentaire qui dit : “Elle a peut-être perdu la job, mais elle a gagné du poids”, pis tu sais quoi? Je m’en crisse », assure-t-elle.

Patricia doit partir pour un essayage en vue de son spectacle. Elle prend toutefois le temps de me démontrer son savoir-faire de barista. Avec le lait moussé, elle dessine un cœur dans mon latte.

Publicité

Avant de quitter, elle me confie qu’elle aimerait beaucoup faire un roman-photo avec des artistes. « Ça pourrait être trash! »

Je sors avec cette impression que même si on lui a fermé le micro, Patricia Paquin n’a pas dit son dernier mot.