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Les monstres de l’étang du parc La Fontaine

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Dans quelques jours, le professeur néo zélandais Neil Gemmell, de l’Université d’Otago, s’envolera avec une brigade de scientifiques vers les rives du Loch Ness, dans le but de lever le voile mystérieux qui plane encore au-dessus du célèbre lac écossais, même par beau temps. L’idée de l’expédition lui est venue en imaginant un protocole de recherche qui permettrait de clore le débat une fois pour toutes à propos de l’existence de Nessie, mais trouver des traces du fameux monstre encore attendu par quelques crinqués n’est pas l’objectif premier du chercheur.

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En annonçant vouloir prélever quelque 300 échantillons, en plongeant jusque dans les sombres profondeurs du lac, M. Gemmell souhaitait plutôt attirer l’attention des médias du monde entier sur un projet qui permettra de tirer un polaroid génétique de toutes les espèces qui y vivent. Et il a réussi.

C’est que toute forme de vie, de la plus primitive jusqu’à vous et moi en passant par Donald Trump, laisse des traces de son existence, partout où elle va. Des petites crottes éjectées dans l’eau, des cadavres de bactéries ou d’algues marines, des petites peaux mortes d’un.e ex sur l’oreiller… autant de bouteilles à la mer dont les messages sont des codes génétiques.

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En séquençant l’ensemble des brins d’ADN retrouvés dans un environnement donné (des gens peu créatifs ont appelé ça l’ “ADN environnemental”), on peut dresser un portrait fidèle des espèces en présence, sans avoir à leur tirer le portrait pour vrai. C’est d’ailleurs grâce à cette technique qu’on a su que les infâmes carpes asiatiques s’étaient bel et bien installées dans le Saint-Laurent. L’’équipe de Neil Gemmell ne risque pas de trouver des traces de plésiosaures ou d’esturgeon géant dans le Loch Ness, parce que plusieurs expéditions très sérieuses sont déjà revenues bredouilles de leur pêche au Nessie.

Et de toute façon, les plus hallucinants monstres des lacs sont invisibles à l’oeil nu. La preuve: voici un stentor, un microorganisme que j’ai trouvé dans l’étang du parc La Fontaine il y a quelques semaines.

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Il y en a probablement des milliards dans ce petit plan d’eau, un fun fact que vous pourrez sortir de votre besace lors de votre prochain apéro dans le parc. Et ne me traitez pas de montréalocentriste: il y en a dans tout lac qui se respecte. Au microscope, il a l’air d’une trompette turquoise hyperactive, d’où son nom, qui fait référence au Stentor de la mythologie grecque, un dude qui utilisait un gros coquillage comme trompette durant la guerre de Troie. Mais le stentor du parc La Fontaine n’est pas du genre à porter des spartiates: il accroche son “pied” à un débris quelconque, puis s’étire de tout son long pour fourrager dans la bouette. Autour de sa «bouche», une structure béante à son extrémité la plus large, se trouve une multitude de cils. Les poils de sa super-moustache s’agitent si rapidement qu’ils créent un vortex, un tourbillon de liquide qui lui permet d’aspirer tout ce qui se trouve sur son passage, à rendre jaloux James Dyson, le père des aspirateurs. Il raffole des bactéries et des algues microscopiques.

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«Stentor» désigne en fait un genre qui regroupe plusieurs espèces. On les appelle parfois des protozoaires, ce qui est selon moi une des meilleures insultes du Capitaine Haddock. On peut aussi les ranger parmi les protistes, une vieille catégorie un peu fourre-tout: les formes de vies qui ne sont constituées que d’une seule cellule (les unicellulaires, encore une insulte de marin ivrogne!), mais qui ne sont ni des bactéries, ni des animaux, ni des plantes, ni des champignons s’y retrouvent. De minuscules rejets, en somme, qui ont longtemps été difficiles à étiqueter.

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Plus étrange encore, les stentors sont capables de se régénérer en grande partie, advenant qu’ils se retrouvent malencontreusement coupés en deux à l’issue d’un combat avec une amibe, par exemple. Des scientifiques étudient même son étrange génome pour savoir comment ils déploient ce super pouvoir, miraculeux pour un organisme qui est essentiellement un minuscule sac sans membres ni organes. Quant à Neil Gemmell, il l’avoue lui-même: s’il découvre une forme de vie inconnue ou mystérieuse au fond du Loch Ness, elle risque fort d’être microscopique. Surtout quand on estime que 99,999% des espèces microbiennes restent à découvrir!

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