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Les menaces de poursuite en diffamation de Philippe Bond pourraient s’envoler en fumée

Les déclarations des derniers jours risquent de changer la donne

Par
Rémi Bourget
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L’auteur est avocat.

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Dans la foulée de la dénonciation dont il fut l’objet par Thomas Levac, Philippe Bond a tôt fait de publier un texte dans lequel il clamait haut et fort son innocence. Comme c’est souvent le cas lorsqu’une situation de ce genre se produit, Bond a aussi indiqué qu’il allait entreprendre des procédures judiciaires. D’ailleurs, en lisant sa réaction, on devine qu’elle a été écrite, en tout ou en partie, par un.e avocat.e.

Mais au moment de faire une telle déclaration, il faut s’assurer de n’avoir aucun squelette dans son placard, pour éviter un « effet boomerang ».

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L’enquête semble avoir été effectuée de façon minutieuse, dans les règles de l’art. À sa lecture, on devine que les avocat.e.s de La Presse l’ont révisée au peigne fin. Philippe Bond a été invité à exposer son point de vue, ce qu’il a refusé. Il a tout de même offert une citation écrite de son avocat, reproduite dans l’article.

Moins de trois heures après que l’article a été publié, Bond annonçait son retrait de la vie publique, via une publication Instagram.

Dans ce contexte, que reste-t-il des menaces de poursuites en diffamation contre Thomas Levac?

À mon avis, pas grand-chose.

Je m’explique : au Québec, la diffamation peut résulter de faux propos. Bond devrait donc prouver que les propos sont faux. Dans une cause civile, il faut prouver son point par prépondérance des probabilités. Dans ce cas-ci, il sera difficile, voire impossible, de le faire, vu le nombre important de témoignages concordants de victimes.

Par ailleurs, la diffamation peut aussi résulter de propos véridiques tenus dans le but de nuire, sans intérêt public légitime. Dans ce cas-ci, Levac aurait de bonnes chances de prouver qu’il avait un motif légitime de dénoncer Bond, ne serait-ce que pour protéger des victimes éventuelles d’un pattern récurrent et dont plusieurs personnes discutaient à voix basse, dans le milieu de l’humour.

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Mais surtout, s’il dépose une poursuite en diffamation, Bond sera forcé à témoigner, sous peine de rejet de sa poursuite. Cela veut dire qu’il devra être longuement contre-interrogé, un exercice qui promet d’être pénible.

Et maintenant que toutes ces femmes sont sorties sur la place publique, elles pourraient être appelées à témoigner et les faits reprochés auraient de bonnes chances d’être prouvés à la Cour, ce qui n’augurerait rien de bon pour Bond, pour la suite des choses. Car, vu le changement de mentalité qui s’opère depuis une quinzaine d’années en matière de violences sexuelles, je ne serais pas du tout surpris que certaines enquêtes policières soient rouvertes, puisque de nombreux actes criminels sont décrits dans l’enquête de La Presse.

Cela étant dit, si des procédures criminelles étaient prises contre lui, Bond bénéficierait de la présomption d’innocence devant le tribunal et sa culpabilité devrait être prouvée hors de tout doute raisonnable, et non par simple prépondérance des probabilités.

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Ça ne change rien au fait que, dans les circonstances, il serait vraiment mal avisé de prendre une poursuite civile en diffamation. En fait, ferait mieux de se tenir tranquille, pour longtemps.