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Les Louanges : retomber sur ses pattes

Le jeune artiste sort aujourd'hui son premier album studio.

Par
Alexandre Demers
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Vincent Roberge arrive avec La nuit est une panthĂšre, un premier album Ă  paraĂźtre sous le pseudonyme Les Louanges, qui charme par sa poĂ©sie juvĂ©nile et ses puissantes productions contemporaines jonglant principalement avec le R&B et le hip-hop. DerriĂšre ce projet se trouve l’histoire d’un petit gars de la banlieue de QuĂ©bec qui prend le contrĂŽle sur sa vie et sa signature sonore aprĂšs des annĂ©es Ă  vagabonder dans les avenues de son adolescence.

Il y a de ces albums qui arrivent dans nos vies Ă  un moment dĂ©cisif et qui ont un impact dĂ©terminant sur la suite des choses. C’est prĂ©cisĂ©ment ce qui s’est passĂ© dans le cas de Vincent Roberge, l’ñme crĂ©atrice derriĂšre la formation Les Louanges, lorsqu’il a mis la main pour la premiĂšre fois sur une copie de Demon Days, de Gorillaz, alors qu’il n’avait mĂȘme pas encore 10 ans. Aujourd’hui, le jeune fanatique est devenu crĂ©ateur Ă  son tour.

DĂ©passĂ© par l’omniprĂ©sence des auteurs-compositeurs dans la scĂšne locale et internationale, celui qui a ensuite Ă©tudiĂ© la guitare jazz lors de ses Ă©tudes collĂ©giales se dĂ©finit dĂ©sormais comme « un producer qui Ă©crit ses trucs. »

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DĂ©libĂ©rĂ©ment inspirĂ© par l’éclatement stylistique dĂ©complexĂ© d’Alaclair Ensemble, le groove de Thundercat et l’esthĂ©tisme vulnĂ©rable de Frank Ocean, Les Louanges mĂȘle habilement le hip-hop, le jazz et le R&B Ă  sa douce voix dĂ©tonante. Portant les textes introspectifs d’une jeunesse qui doit composer avec les alĂ©as et les dĂ©fis de son Ă©poque, on peut le percevoir, dans une certaine mesure, comme le King Krule quĂ©bĂ©cois.

AprÚs des années à faire sa marque dans la scÚne locale, notamment via des passages remarqués au Festival international de la chanson de Granby en 2015 et aux Francouvertes en 2017, il arrive finalement avec un premier album trÚs attendu, La nuit est une panthÚre. Coréalisé par Félix Petit, le projet lui a permis de faire le point sur son état actuel et de réaligner sa proposition artistique vers quelque chose qui le définit davantage. De retomber sur ses pattes, quoi.

Crédit : Jean-François Sauvé

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Compositeur et beatmaker

AprĂšs deux EPs aux allures indie rock flirtant avec des sonoritĂ©s slacker Ă  la Mac DeMarco, on aurait pu s’attendre Ă  une suite logique pour le premier album officiel. Vincent s’est plutĂŽt volontairement Ă©cartĂ© des propositions prĂ©cĂ©dentes pour poursuivre sur la voie qu’il voulait vĂ©ritablement emprunter depuis le dĂ©but. « En rĂ©trospective, Le Mercure (2016), je pense que c’était plus une digression qu’autre chose. J’avais fait le Festival de la chanson de Granby l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente pis j’étais arrivĂ© avec mes premiĂšres chansons en français. Y en avait une qui Ă©tait super hip-hop et une autre qui avait une espĂšce de beat trap. Quand on a fait la perfo, le house band de Granby Ă©tait malade, mais ce n’était juste pas sorti comme je l’entendais dans ma tĂȘte. Pour ce qui est d’EncĂ©phalines (2017), je l’avais enregistrĂ© un peu avant les Francouvertes. Ça passait ben vu qu’elle avait Ă©tĂ© nommĂ©e comme la chanson SOCAN et qu’on passait Ă  SiriusXM. On a capitalisĂ© lĂ -dessus, mais ça, c’était LA digression ultime. », admet-il.

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« Je ne pense pas qu’on ait besoin d’un autre gars qui fait des tounes acoustiques. Au QuĂ©bec, t’as encore le folk d’un bord et le hip-hop de l’autre. Moi, je veux me placer au centre de tout ça. »

« Pour faire mes beats, je me suis pognĂ© [le logiciel] Logic Pro. J’ai appris Ă  gosser mes affaires tout seul avec Garage Band et maintenant je peux programmer mes shits en appliquant mon background musical acadĂ©mique. J’ai eu le temps de manger mes croĂ»tes. J’avais toutes mes maquettes, » prĂ©cise-t-il, avant d’admettre qu’il fait appel Ă  de l’aide extĂ©rieure pour augmenter le produit final. « Par exemple, les bases de Tercel Ă©taient dĂ©jĂ  lĂ , mais c’est lorsque j’ai fait appel Ă  un beatmaker que la qualitĂ© est rĂ©ellement embarquĂ©e. »

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Apocalypse et poésie

Du cĂŽtĂ© des textes, mĂȘme si certaines autres idĂ©es de l’album ont Ă©tĂ© pigĂ©es dans de vieux fichiers cumulĂ©s au cours des derniĂšres annĂ©es, Vincent s’est assurĂ© de faire table rase pour mieux reflĂ©ter sa vision actuelle des choses. Il s’est mĂȘme inspirĂ© des cours de littĂ©rature qu’il suit Ă  l’UQAM pour mieux approcher et exploiter ses pensĂ©es.

« J’ai vraiment tout repassĂ©. C’est pas un gros Ă©cart de temps entre 18 et 21 ans, mais il y a quand mĂȘme une esti de diffĂ©rence au niveau des textes, des sons et de mes goĂ»ts personnels. En mĂȘme temps, j’ai Ă©tĂ© diagnostiquĂ© avec un trouble d’attention. Il fallait que j’écrive l’album, ça fait que j’ai startĂ© ça, pis j’ai commencĂ© la mĂ©dication. »

Ça donne, comme rĂ©sultat final, des rĂ©cits autobiographiques oĂč le jeune adulte partage ses craintes et ses insĂ©curitĂ©s. De maniĂšres imagĂ©es ou non, il aborde Ă©galement nos agissements comme sociĂ©tĂ©, des tensions personnelles et aussi certaines pĂ©riodes difficiles de son passĂ©.

« Je ne suis pas un thug, mais je rappe pareil des fois. »

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Au sujet de PĂąle, la premiĂšre vĂ©ritable piĂšce de l’album : « J’étais dans un gros trip et on Ă©tudiait un recueil de poĂ©sie d’un monsieur dont j’oublie le nom. Ça parle de la fin du monde. Je me suis retapĂ© l’Apocalypse de la Bible et j’ai intĂ©grĂ© ça avec mes cours. Je l’ai Ă©crit pour le 4e chevalier de l’Apocalypse, le cavalier pĂąle. Mais bref, c’est un peu pour parler de ce qui se passe politiquement en gĂ©nĂ©ral, notamment l’esti de niaisage de François Legault. J’ai vraiment l’impression qu’on est au seuil de quelque chose. »

Un Drake n’empĂȘche pas Nietzsche

Il y a aussi la trĂšs smooth et jazzy Wescott, oĂč il raconte ses premiĂšres expĂ©riences Ă  devoir enfiler ses caps d’acier pour travailler en tant que machiniste, afin d’assurer ses arriĂšres. Une premiĂšre dans sa jeune vie Ă  ce moment-lĂ . « C’est un peu mon expĂ©rience dans le fait de dĂ©barquer dans la vie adulte. De savoir ce que je fais en lien avec ma vision sur le monde, tout en Ă©tant un gars ordinaire avec une blonde et dont les parents ne viennent pas du Bangladesh. Je ne suis pas un thug, mais je rappe pareil des fois. T’sais, je ne suis pas l’artiste torturĂ© super bohĂšme, mais je fais rĂ©fĂ©rence au simple fait d’ĂȘtre un jeune qui arrive et qui pense que sa vie va ĂȘtre pas mal rock n’ roll, pis finalement, fuck esti, il faut que j’paye mon loyer pis c’est plate. »

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Il est Ă©galement question de gĂ©rer son awkwardness et sa maniĂšre d’ĂȘtre en public sur Guerilla, oĂč il namedrop Drake et Nietzsche dans la mĂȘme chanson. « Ça, c’est moi qui est un peu gĂȘnĂ© dans la vie pis qui n’a souvent pas envie de me retrouver dans des situations sociales. C’était pour toutes les fois oĂč j’allais voir des shows au Divan Orange avec des chummys de musique, pis moi, la premiĂšre chose que j’avais envie de faire, c’était de sacrer mon camp. J’ai utilisĂ© le fait de se faire violence, pour l’appliquer sur une chanson au complet. Au final, c’est comme si je me crissais une volĂ©e. »

« Finalement, ma dĂ©marche, c’est 50/50. Soit c’est un truc super poĂ©tique, voire ludique par moments comme Pitou oĂč je me fais simplement rire, soit c’est full cryptique avec des rĂ©fĂ©rences comme j’ai fait avec PĂąle. En mĂȘme temps, les tounes oĂč je rappe, c’est mon day-to-day, en fin de compte. C’est ma nature. »

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« Pour moi, La nuit est une panthĂšre, c’est montrer le cĂŽtĂ© un peu sautĂ© que t’es obligĂ© d’aller chercher pour avoir un peu de fun quand tu restes en banlieue », prĂ©cise-t-il.

Bum de banlieue

Le fait d’avoir concoctĂ© et menĂ© Ă  terme ce premier projet de grande envergure pourrait cependant marquer un point tournant dans l’évolution artistique de Les Louanges.

« C’est sĂ»r que mon quotidien commence Ă  changer dramatiquement, mais il reste que cet album-lĂ , c’est le point de vue d’un petit gars qui dĂ©barque dans la vraie vie. J’ai mis de l’avant ce qui me touchait et ce que j’avais sur le cƓur. Dans ma nature, j’pense toujours retomber dans des calls de gars qui a de la misĂšre Ă  y arriver. Je ne changerai pas du jour au lendemain  »

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« Personnellement, ça me fait tripper l’univers de petit bum de banlieue. Le petit stoner. Je trouve ça gĂ©nial. Mais c’est sĂ»r que je vais finir par grandir Ă  un moment donnĂ©. Je vais retomber sur mes pattes comme une panthĂšre. Je vais rugir. »

La nuit est une panthÚre est maintenant disponible sur toutes les plateformes numériques