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Les liaisons dangereuses au royaume des McCroquettes

Sors-moi pas le « don't fuck with the payroll ».

Par
Éric Duhaime
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Vous avez bien lu: en 2019, un gars doit démissionner parce qu’il a couché ou est tombé amoureux avec un.e adulte consentant.e (c’est ce qu’on raconte en tout cas) qui travaille sous sa direction.

Allo le puritanisme de la reine Victoria!

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En quoi baiser avec un ou une collègue de travail me disqualifie pour remplir des fonctions professionnelles? Non, non, non. J’ai rien à vous annoncer ici avec un collègue polyamoureux et non-genré d’URBANIA, même si je sais être l’objet des fantasmes de plusieurs (des fantasmes de meurtres, mais bon, des fantasmes pareils).

Toute façon, je suis trop gay et conservateur pour m’embarquer là-dedans.

« Oui, mais il y avait un lien hiérarchique!», je vous entends me crier à la tête au sujet de la liaison entre le grand patron et, donc, nécessairement un.e employé.e.

Croyez-le ou non, l’attirance physique et les sentiments amoureux ne discriminent pas nécessairement en fonction du poste occupé par l’objet de nos pulsions.

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D’accord, mais croyez-le ou non, l’attirance physique et les sentiments amoureux ne discriminent pas nécessairement en fonction du poste occupé par l’objet de nos pulsions. Évidemment, il faut tenir compte du fait qu’en cette ère post-#MeToo, coucher avec son boss ne passe plus aussi bien qu’en 1958. Tout le monde a droit à son opinion à ce sujet. Il ne faut néanmoins pas confondre une relation sexuelle entre deux adultes consentants et une agression

Mais sinon, au nom de quoi McDo peut dicter les comportements et les fréquentations de ses employés hors des heures d’ouvrage (jusqu’à preuve du contraire en tout cas)?

Comment fait-on (et pourquoi ça nous intéresserait d’ailleurs) pour savoir qui couche avec qui au bureau?

En quoi coucher avec mon confrère ou ma consœur diminue ma productivité?

En bon petit capitaliste, j’ai toujours cru qu’un travailleur offrait son labeur en échange d’un salaire. La valeur de celui-ci est déterminée par sa productivité ou son expertise. En quoi coucher avec mon confrère ou ma consœur diminue ma productivité? Au contraire, dans bien des cas, ça stimule au plus haut point et donne le goût de rentrer travailler comme jamais.

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Depuis son arrivée chez McDonald’s, il y a quatre ans, Easterbrook a généré des profits tous les ans et fait doubler le prix de l’action en bourse. Ce n’est pas sensé être plutôt sur ces résultats-là que les actionnaires évaluent et jugent?

Et depuis quand mon boss décide de ce que j’ai le droit de faire les soirs de semaine et la fin de semaine? Ai-je le droit d’aller prendre une bière avec mon voisin de bureau? D’aller aux glissades d’eau avec la réceptionniste? D’aller souper avec mon subalterne?

Une des différences majeures entre le travail et l’esclavage consiste à être totalement libre en dehors des heures de bureau.

Là, je vous entends d’ici me dire : « Éric, t’es encore de mauvaise foi. » Je m’en sacre. Évidemment qu’aucun employeur ne vous empêche de devenir ami avec vos collègues de travail. Ça devrait être aussi évident lorsqu’on passe au lit.

Évidemment qu’aucun employeur ne vous empêche de devenir ami avec vos collègues de travail. Ça devrait être aussi évident lorsqu’on passe au lit.

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Pis là, vous ajoutez: « Ouin, mais c’est pas pareil… » Comment ça, pas pareil? Pourquoi le sexe altère mon jugement, mais pas l’amitié? Ne croyez pas que c’est plus facile de congédier un ami avec qui on passe ses vacances au chalet que de sacrer à la porte sa propre maîtresse.

Évidemment, ces idylles obligent à une certaine lucidité. Je suis déjà sorti avec un de mes employés. En premier lieu, faut avouer à tous, collègues et patrons, la nature véritable de notre relation. Ensuite, on met en place un processus pour déléguer à quelqu’un d’autre le pouvoir d’évaluer, de promouvoir, d’augmenter le salaire ou de congédier notre nouvelle flamme. Il y a moyen de faire ça de manière transparente et tout à fait éthique.

La question qui tue: comment mon boss fait pour connaître l’identité de mes partenaires sexuels? McDonald’s installe des caméras dans ses Mc Croquettes? Espionne les textos?

Là, un peu à boute, vous lâchez: « Éric, le DG du McDo l’a avoué.» Ben, justement. S’il ne le dit pas et que ça ne se sait pas, c’est correct? On encourage l’hypocrisie et on sanctionne l’honnêteté maintenant?

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Parlant d’hypocrisie, je sais bien que vous ne soulèverez pas cette réflexion, mais vous l’avez en arrière de la tête: « En plus, il est marié. »

N’allez surtout pas là.

S’il fallait qu’on sacre dehors tous ceux et celles qui entretiennent une relation extra-conjugale, on multiplierait l’actuel problème de pénurie de main-d’oeuvre par notre numéro de téléphone. De toute façon, la compagnie pour laquelle vous travaillez n’a pas d’affaire à vous dicter ses valeurs religieuses. La loi 21, ça devrait s’appliquer aussi aux donneurs d’ouvrage.

En dernier recours, sortez-moi pas le « don’t fuck with the payroll.» Avant l’arrivée de Tinder ou d’Occupation Double, où est-ce que vous pensez qu’on rencontrait le monde avec qui goûter aux plaisirs de la chair? Dans les bars, via des amis ou de la parenté et dans les partys, certes. Mais pas autant qu’au travail.

On passe plus du tiers de notre temps éveillé au bureau. Pas surprenant qu’on y tisse plus de liens que dans la file d’attente du Jean-Coutu.

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Demandez à vos parents où ils se sont connus et vous serez surpris. On passe plus du tiers de notre temps éveillé au bureau. Pas surprenant qu’on y tisse plus de liens que dans la file d’attente du Jean-Coutu.

Tout cela étant dit, ne soyons pas naïfs. Le risque qu’une relation au bureau chie et qu’on se retrouve dans une situation où un des deux doit lâcher son job existe. Faut en être conscient et accepter ce risque dès le départ. Sinon, garde tes culottes ben attachées.

Il fut une époque, pas si lointaine, où Bill Clinton recevait une pipe de sa stagiaire dans son bureau ovale. Il obtenait, quelques mois plus tard, le pardon de son épouse Hillary et demeurait Président des États-Unis.

S’il n’était pas démocrate, j’écrirais que je suis nostalgique du bon vieux temps…