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Les lesbiennes frustrées

Calmez-vous les filles!

Par
Judith Lussier
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Mon billet d’aujourd’hui porte sur les lesbiennes frustrées, mais avant de commencer, j’aimerais d’abord dissocier Urbania de mon opinion. Premièrement parce que ça pourrait avoir l’air d’un billet commandité par les bosses pour répondre aux lesbiennes frustrées qui ont critiqué le numéro d’Urbania présentement en kiosque alors que ce n’est pas du tout le cas; deuxièmement, ça pourrait nuire à la relation qu’est en train de tisser mon magazine préféré avec ma communauté de semblables, et troisièmement, parce qu’il n’y a pas eu tant de lesbiennes qui ont critiqué le numéro d’Urbania présentement en kiosque. En fait, mon billet répond aux deux trois filles qui ont voulu s’insurger contre l’affaire. Mon message : calmez-vous les filles. Faites-vous une tisane et prenez ça cool.

Bien que je soupçonne l’expression «lesbienne frustrée» d’avoir été inventée par un gars convaincu que le lesbianisme n’était que la conséquence normale pour une femme de ne pas avoir été mise en contact avec son organe reproducteur, force est quand même de constater que cette expression existe et persiste. «La lesbienne frustrée existe-t-elle vraiment?» m’a récemment demandé une collègue qui savait qu’elle ne recevrait pas une baffe en pleine gueule de ma part parce que je ne suis, justement pas, une lesbienne frustrée. Eh bien mon expérience du lesbianisme m’indique qu’un tel phénomène existe vraiment, et qu’il prend même plusieurs formes. En voici quelques-unes :

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1. La lesbienne frustrée de base : Dotée d’un esprit contrôlant induit par un surplus de testostérone et répondant aux exigences féminines de la société matriarcale, la lesbienne frustrée de base désire avoir le contrôle sur tout. Elle tient sa blonde en laisse (symboliquement j’entends), elle ne rit jamais d’aucune blague (elle trouvera d’ailleurs que ce billet est le comble de l’insulte), et elle vous engueule quand vous lui faites un compliment. Elle se fâche quand on dit du mal des lesbiennes, mais elle se fâche également quand on en dit du bien, on ne sait donc jamais quoi lui dire. Comme elle est très contrôlante, elle est impossible à interviewer et/ou à prendre en photo, c’est pourquoi elle ne se retrouve pas dans le dernier numéro d’Urbania, et est sûrement frustrée d’ailleurs de ne pas s’y retrouver.

2. La lesbienne frustrée qui-ne-se-reconnaît-pas : Quoi qu’on lui propose, la lesbienne frustrée qui-ne-se-reconnaît-pas ne s’y reconnaîtra pas. Elle dira qu’elle ne se reconnaît pas dans The L Word parce que «des belles lesbiennes de même, ça existe pas», (euh, en passant, c’est pas vrai, ça existe : ma blonde). Alors on proposera à la lesbienne frustrée qui-ne-se-reconnaît-pas The Real L Word, version téléréalité de la populaire série lesbienne. Évidemment, la lesbienne-qui-ne-se-reconnaît-pas ne s’y reconnaîtra pas non plus, parce «c’est toutes des grosses butchs». Sans surprise, la lesbienne frustrée qui-ne-se-reconnaît-pas ne s’est pas reconnue dans le dernier numéro d’Urbania, mais elle pourra s’inscrire au site Lez Spread The Word, nouveau portail dédié aux lesbiennes de tous les horizons, et créer son propre profil, dans lequel, on l’espère, elle finira bien par se reconnaître.

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3. La lesbienne frustrée féministe : Les filles : vous avez le droit d’être féministe. Vous avez le droit d’être lesbienne. Vous avez même le droit d’être lesbienne ET féministe. Mais en aucun cas vous ne devriez vous déclarer «lesbienne féministe». Lesbianisme et féminisme forment un dangereux amalgame : comme si le combat pour l’égalité entre les sexes devait obligatoirement passer l’autosuffisance de genre, le dégoût des hommes ou la monoculture. Séparément, je n’ai rien ni contre les lesbiennes, ni contre les féministes (quoi que…), mais les deux ensemble, c’est toujours louche. Jamais loin de la vierge offensée, la lesbienne féministe frustrée s’insurgera contre tout : le rouge à lèvres, l’instrumentalisation de la représentation féminine dans le fantasme masculin, les jokes de gouines, etc. La lesbienne féministe frustrée avait organisé une manifestation anti-lancement du numéro d’Urbania sur les lesbiennes, en prévention de ce qui pourrait être offensant. Elle fut bien déçue et dut annuler l’événement.

4. Le lesbien frustré : Le pire spécimen de lesbienne frustrée est le lesbien frustré. Évidemment, il est toujours le premier à vous répondre que vous êtes une lesbienne frustrée si vous n’êtes pas en accord avec lui. C’est l’homme qui aurait aimé lui-même être une lesbienne, et qui écrit sur le mur Facebook d’Urbania : «Votre numéro m’aurait peut-être intéressé si j’avais été une lesbienne». À ce lesbien frustré, je promets de faire des pressions auprès de la direction d’Urbania pour qu’un des prochains numéros porte sur les imbéciles. Ou sur les lesbiens frustrés.

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