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À lire mon fil Facebook, il y a des milliers de gens qui, volontairement, ont écouté les deux premiers épisodes des Jeunes Loups à TVA dans le seul but de regarder de la très mauvaise télé. Totalement assumé.
Je dois dire que j’ai aussi regardé le premier épisode. Je me demandais si l’émission allait être à la hauteur de la bande-annonce, qui promettait une série pleine de clichés et d’approximations à propos du journalisme à l’heure du web. Finalement, j’ai écouté un épisode. C’était difficilement tolérable. Tsé, ça a fait mal, pour vrai. C’était terrible. C’était même pas drôle par inadvertance, ou assez maladroit pour que ça en devienne comique. C’était simplement, carrément mauvais.
Pourtant, j’ai failli succomber et écouter le deuxième. Puis, j’ai lu ce statut du grand Jean-François Provençal, et j’ai vu la lumière:
Et je me suis demandé pourquoi.
Pourquoi tant de gens, autrement intelligents et consommateurs avertis en ce qui a trait aux poursuites intellectuelles (au sens large), des gens qui lisent des livres ou même qui en écrivent, des cinéphiles et des mélomanes avertis, s’installent-ils le lundi soir devant leur téléviseur et, plutôt que de regarder une série qu’ils savent bonne et intelligente, s’infligent-ils volontairement une télésérie si mal écrite, mal jouée et mal réalisée qu’elle ne peut faire autrement que nous laisser amers.
Une fois, pour le gag, je veux bien. Pour essayer. Comme le disait un ami, hier, rien ne se parodie mieux qu’un spectaculaire ratage. C’est clair, mais encore. Il semble y avoir un certain attrait pervers à consommer quelque chose pour l’haïr.
J’en suis tout aussi coupable. Je continue à lire Marie-Claude Lortie malgré tout, par exemple. Je me force à lire toutes ses chroniques, et ce, même si elles m’enragent.
Il ne s’agit pas, par exemple, d’une recherche de points de vue opposés, comme lorsqu’un gauchiste avéré lit quand même Bock-Côté dans le but de se renseigner sur les opinions du “camp adverse”. Il ne s’agit même pas d’un certain sentiment de devoir, alors qu’un critique télé se doit quand même de regarder la plupart des émissions qui sont diffusées ici (même les plus plates émissions de revente immobilière au canal Casa), ou qu’un observateur des médias a un certain devoir professionnel de se tenir au courant de ce qui se fait un peu partout, même si ça implique de consulter un média où on publie jovialement des dessins qui représentent un ministre en train de se suicider. Ça, ça fait partie de la job, comme on dit.
Mais qu’est-ce qui peut bien nous pousser, dans nos loisirs, par choix donc, à consommer des trucs qui n’ont comme seul effet de nous pomper?
J’ai des amis qui gardent, dans leurs fil Facebook, des gens qu’ils méprisent, simplement pour les lire et rouler des yeux à chaque statut pseudo-poétique ou dramaqueenisant. Je l’ai déjà fait, aussi. Je ne juge pas. Ça me fascine.
Parce qu’il y a une marge entre le principe fondateur du douteux — soit que parfois les choses peuvent être si mauvaises qu’elles en deviennent divertissantes — et la simple médiocrité, qui est banale et, finalement, inintéressante. Chez Douteux, l’échelle de qualité d’un produit culturel, au lieu d’aller de 0 à 10 comme partout ailleurs, va de +10 à -10. À +10 on retrouve les authentiques chefs-d’oeuvre. À -10, on retrouve des oeuvres si mauvaises qu’elles en sont formidables de par leur invraisemblance. Le point dangereux, c’est autour de zéro, là où ce n’est ni “bon pour vrai”, ni “mauvais-bon”. Juste moche. Et, croyez-moi, beaucoup de choses finissent par atterrir dans cette vallée. (Je crois qu’il a été établi que cette chanson était celle qui s’approchait le plus du zéro, avec un score d’environ -0,5.)
Avant de me faire traiter de snob: l’appréciation artistique demande une certaine connaissance. Ce n’est pas être snob que de déclarer que Québecissime n’est probablement pas une oeuvre marquante dans l’Histoire. Ça ne veut pas dire qu’il faut mépriser ceux qui y assistent avec réel bonheur et délectation, non plus. Il y a un public pour tout, ce serait malhonnête de prétendre autrement. Mon questionnement est plutôt au niveau des gens qui, justement, consomment normalement de la “bonne” télé, par exemple, et qui s’infligent des émissions de piètre qualité, par un genre de plaisir renversé que je ne m’explique pas.
J’aimerais vous entendre sur le sujet, ô lecteurs. Est-ce que vous regardez des émissions de télé pour les haïr? Lisez-vous volontairement des mauvais livres? Êtes-vous un fan de métal qui écoute du Bieber? Est-ce que vous venez me lire parce que je vous enrage?
Si oui, pourquoi?
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