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Les inspirations cinématographiques de Monia Chokri
D’André Forcier à Myriam Verreault en passant par les classiques Contes pour tous, Monia Chokri a le cinéma québécois dans le sang.

URBANIA et les Rendez-vous Québec Cinéma s’unissent pour vous faire découvrir le plus marquant du cinéma québécois.
Née à Sainte-Foy, à Québec, Monia Chokri a toujours été fascinée par le cinéma. « Ça m’a fait rêver très tôt. C’était la passion de mes parents. J’en ai donc tellement consommé que c’est devenu le média avec lequel j’aime le plus m’exprimer. »
Nommée porte-parole des Rendez-vous Québec Cinéma 2020 (RVQC), Monia s’est d’abord fait connaître comme actrice, entre autres dans Les amours imaginaires de Xavier Dolan, dans les séries Nouvelle Adresse et Fragile et dans Les Affamés de Robin Aubert.
Depuis quelques années, on l’acclame aussi comme réalisatrice. Son court-métrage Quelqu’un d’extraordinaire a été couvert d’honneurs en 2013, alors que son long métrage La femme de mon frère, œuvre au flow culte, gorgée de subtilités et de références galvanisantes, a remporté le prix Coup de cœur du jury 2019 à Cannes dans la section Un certain regard.
Curieux de connaître les principales inspirations cinématographiques de l’artiste, URBANIA l’a interrogée sur les films québécois l’ayant le plus marquée.
Un film qui te fait rire : À l’ouest de Pluton (Myriam Verreault, Henry Bernadet, 2008).
Ça me fait rire, mais ça me touche aussi, je trouve ça intelligent. C’est le meilleur film d’ado qui a été fait à ce jour selon moi. On y raconte l’ennui de l’adolescence, l’humiliation et l’envie de se faire accepter avec une telle justesse ! La situation en banlieue, ça me fait tellement penser à mon adolescence, en banlieue de Québec. Il y a des répliques et des scènes cultes qui sont si drôles ! Je pense à celle du sandwich aux œufs, par exemple, que je trouve tellement parlante et réaliste. C’est un film fantastique, qui, en plus, a été fait avec trois fois rien.
Un film qui te touche : Entre la mer et l’eau douce (Michel Brault, 1967).
Je suis une grande admiratrice du cinéma direct, c’est une grande influence pour moi. La poésie et la sensibilité de Brault, de Perreault ou de Jutra, c’est tellement beau, tellement romantique. Leurs images sont pointues, fortes et élégantes, tandis que leur écriture, des situations aux répliques, est remplie de poésie. Leur cinéma, en fait, raconte un Québec marginal que j’adore.
Un film qui t’inspire : À tout prendre (Claude Jutra, 1963).
Je suis consciente que parler de Jutra est toujours délicat à cause des accusations posthumes. Mais ce film-là, je ne suis pas capable de m’en détacher, c’est mon film préféré à vie, c’est mon film de chevet. Je le regarde deux fois par année, ou bien dès que je fais un film. C’est un film très libre pour l’époque, très audacieux. Ça parle de plein de sujets tabous, des cinéastes de l’époque aux beatniks, en passant par les relations homosexuelles, l’adultère, et bien sûr la relation d’une Haïtienne avec un homme blanc. Pour moi, c’est un film parfait.
Ce qu’on ne sait pas beaucoup, c’est qu’en France, à l’époque, on s’intéressait beaucoup à ces films-là ! À la première édition de la Quinzaine des réalisateurs, en 1969, je pense que six films québécois étaient présentés. Dans les années 60, il y a vraiment eu un mouvement mondial pour le cinéma québécois, on s’y intéressait beaucoup.
Un film de ton enfance : Pas de répit pour Mélanie (Jean Beaudry, 1990).
J’aurais pu dire Bye Bye Chaperon Rouge, La Grenouille et la Baleine, ou oh ! Les Aventuriers du timbre perdu. Les Contes pour tous, Rock Demers, tout ça, c’est du génie pour moi. Ce sont des films uniques, très importants, qui ont vraiment contribué à la culture. Jamais on a refait ça, ni au Québec ni ailleurs ! Rock Demers a produit des films pour enfants, oui, mais avec une propension et un avis artistique. On pense à Opération beurre de pinottes, ou à C’est pas parce qu’on est petit qu’on peut pas être grand : ce sont des films qui ont de vraies envies cinématographiques.
Un film qui te remonte le moral : Au clair de la lune (André Forcier, 1983).
André Forcier, il est fascinant. Il a l’audace d’un Fellini, surtout dans les années 70-80. C’est un homme tellement dans la poésie, il n’y a pas de règles cinématographiques pour lui, il y a seulement celles du rêve et du cinéma. J’adore aussi Une histoire inventée (1990), ou Bar Salon (1974), mais Au clair de la lune, c’est vraiment un de mes préférés, probablement parce que c’est le premier que j’ai vu de lui. J’aime tellement le personnage de Michel Côté, un albinos qui vient de l’Albinie, qui se lie d’amitié avec un joueur de bowling. C’est libre, libre, libre comme film. Ça me remonte le moral de voir un cinéma qui n’a pas de règles, parce le cinéma ne devrait pas en avoir, de règles.
Je me suis justement beaucoup battue sur La femme de mon frère en répétant au monde qu’il n’y en avait pas, de vraies règles, qu’il fallait me faire confiance ! C’est de l’art, il n’y a pas de règles en art, j’ai le droit de faire ce que je veux, au fond. De toute façon, plus on s’impose des règlements, plus on va ressembler à tout le monde. Si le cinéma a évolué avec le temps, c’est justement parce que les gens les ont défoncées, ces règles.
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Vous l’aurez deviné, Monia adore la débrouillardise prodigieuse du cinéma québécois. « Et on a tellement plus de liberté qu’ailleurs – qu’en France par exemple, où il y a un genre d’aristocratie, de conservatisme. Ici, on a gardé une audace, un petit quelque chose d’artisanal, et on se permet d’explorer. Les cinéastes québécois contemporains sont hyper intéressants : je pense par exemple à Denis Coté, à Xavier Dolan, à Myriam Verreault, à Sophie Deraspe, à Sophie Dupuis, à Philippe Lesage. Ils ont une vraie plume, de vraies propositions cinématographiques. »
Quant aux RVQC, « […] c’est une grande célébration de notre cinéma. C’est un magnifique résumé de l’année, un événement très rassembleur. C’est un honneur d’en être la porte-parole et je suis touchée d’avoir une place dans ce métier », laisse finalement tomber Monia.
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Découvrez la grille horaire des 38es Rendez-vous Québec Cinéma dès le 11 février.
Le festival, le seul consacré au cinéma québécois, se tiendra du 26 février au 7 mars 2020.