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Ok gang, on va se dire les vraies affaires :
Le français est une langue coloniale.
Comme l’anglais.
Comme l’espagnol.
Comme le portugais.
Comme le néerlandais.
And so on.
Les Haïtiens ne sont pas «fiers» d’être francophones. À la base, ils n’en ont rien à cirer du français. Ils n’ont jamais revendiqué cette langue, ils l’ont acceptée sous la contrainte par l’entremise de politiques assimilationnistes après avoir été arrachés de force à l’Afrique puis envoyés sur un territoire, un pays, qui ne leur appartenait pas. (C’est le moment de se rappeler que les Autochtones qui habitaient l’île avant les esclaves noirs ont été décimés après l’arrivée de notre bon chum Christophe Colomb.)
Les Haïtiens sont des victimes du colonialisme et de l’impérialisme linguistique français. Toutes les langues africaines parlées couramment par les esclaves ont graduellement disparu de l’île.
Il reste quand même des traces des langues africaines dans le créole, un parler développé en mélangeant d’autres langues présentes sur le territoire en plus du français : l’espagnol, l’anglais, le taïno qui regroupe plusieurs dialectes autochtones et le portugais. Le créole a été adopté par de nombreux maîtres blancs et a été utilisé comme code pour préparer le soulèvement qui a mené à la révolution.
C’est le kreyol la vraie langue des Haïtiens. Il l’a toujours été, même si, après l’indépendance, les Haïtiens n’ont eu d’autre choix que de conserver le français pour continuer à faire affaire avec la France.
C’est le kreyol la vraie langue des Haïtiens. Il l’a toujours été, même si, après l’indépendance, les Haïtiens n’ont eu d’autre choix que de conserver le français pour continuer à faire affaire avec la France (on avait notamment une amende à payer pour avoir osé accéder à l’indépendance 🙃). L’héritage colonial du français est tel que pendant un temps c’était une langue majoritairement parlée par l’élite éduquée (composée pour beaucoup de « mulâtres » et autres personnes de « sang-mêlé » #fruitsdesviols) des grandes villes. Pis ça continue là! Moi-même j’ai des membres de ma famille là-bas qui ne parlent pas un mot de français pis qui ne sont pas du tout intéressés à l’apprendre. Ils n’en ont pas non plus besoin pour vivre au quotidien.
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Parfois j’ai l’impression que vous êtes vraiment aveuglés par le récit national québécois romancé qui s’appuie pas mal sur des comparaisons boiteuses avec la lutte pour l’indépendance des esclaves de Saint-Domingue (l’ancien nom français d’Ayiti). À force d’entendre «nègres blancs, nègres blancs» partout, on dirait que vous oubliez que les Canadiens-français et les Noirs d’Ayiti ont fuck all en commun à part le fait d’avoir été gérés par la couronne française. Rappelons que la gestion des deux colonies n’était pas la même pantoute.
À force d’entendre «nègres blancs, nègres blancs» partout, on dirait que vous oubliez que les Canadiens-français et les Noirs d’Ayiti ont fuck all en commun à part le fait d’avoir été gérés par la couronne française.
Vos ancêtres ont appareillé des navires et sont venus ici libres, de leur plein gré (pour la plupart) au nom de Sa Majesté. Les miens sont venus enchaînés et entassés dans des cales de bateaux à titre de biens meubles appartenant à Sa Majesté. Ce statut de bien meuble se perpétue à ce jour; nos noms de famille, ils viennent d’où vous pensez? Ce sont en grande partie les noms des maîtres (ou liés aux maîtres) que les descendants d’esclaves comme moi sont pognés à passer à leurs enfants pour on ne sait combien de générations encore.
Deux colonies françaises, deux sociétés distinctes (😉). La preuve c’est qu’il y avait aussi des esclaves en Nouvelle-France puis au Bas-Canada. Imaginez, les Canadiens-français étaient au bas de l’échelle sociale and yet, certains d’entre eux avaient le droit d’avoir des esclaves noirs ou autochtones. La vie pareil, han? Ensuite, y’a eu des lois discriminatoires à l’égard des Noirs, ils n’avaient pas le droit de fréquenter telle ou telle place ni même d’être enterrés dans les mêmes cimetières que les Blancs. Pis du temps de “Speak white”, on peut présumer que le boss anglo de la shop à Pointe-Saint-Charles ne versait pas le même salaire à Ti-Guy pis à Emerson…
Tsé comment vous vous plaisez à dire aujourd’hui que les anglophones représentent la minorité la mieux traitée en Amérique? Ben…comment je vous dirais ben ça? On pouvait dire la même chose des Canadiens-français à une certaine époque. Oui, il y a eu des souffrances de votre côté, mais vous n’avez pas été dépossédés de votre culture, exploités, battus, violés, mutilés, martyrisés ou tués comme l’ont été les Noirs et les Autochtones dans les Amériques. Pourquoi? À cause du privilège blanc.
Oui, il y a eu des souffrances de votre côté, mais vous n’avez pas été dépossédés de votre culture, exploités, battus, violés, mutilés, martyrisés ou tués comme l’ont été les Noirs et les Autochtones dans les Amériques. Pourquoi? À cause du privilège blanc.
La société haïtienne, telle que conçue par la France, reposait, avant le soulèvement des esclaves, sur une hiérarchisation liée à la couleur de la peau et la quantité de « sang noir » dans les veines. Cette hiérarchisation nous a donné des termes comme mulâtre, quarteron, griffon, octavon (1/8 de sang noir. NDLR les termes exacts différaient d’une colonie à l’autre). Les nègres, pourtant plus nombreux, étaient toujours en bas de cette échelle sociale. Ce sont eux qui ont porté la révolution et offert une république, synonyme de liberté, à leurs enfants.
Alors arrêtez de faire comme si nous avions élevé les cochons ensemble, les amis. J’écris pas ça pour dire que l’amour, le respect et fraternité entre nous sont impossibles ou inexistants. Après tout, le Québec représente une terre d’accueil pour beaucoup d’entre nous et il y a effectivement un beau lien qui s’est tissé entre nos deux pays avec le temps. On peut être fiers de ça. ❤
Mais il est important de rappeler que nos ancêtres n’ont pas du tout vécu les mêmes choses et que nos relations ont toujours été traversées par les inégalités.