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Hier, le Journal de Montréal publiait une immonde chronique de Guy Fournier, dans laquelle celui-ci reproche à l’animatrice Pénélope McQuade d’avoir rabroué l’humoriste Jean-François Mercier, lors d’une entrevue sur son talk-show, parce qu’il lui posait la main sur un genou dénudé.
« Malgré le généreux étalage qu’elles font de leurs charmes, particulièrement l’été, la plupart des jeunes femmes d’aujourd’hui s’insurgent ou s’indignent dès qu’on les remarque ou que les regards masculins se font plus insistants » écrivait Fournier.
Puis, après avoir rigoureusement évalué « pour qui », selon lui, les femmes se parent de leurs plus beaux atours, le chroniqueur en vient à déplorer les braquages féminins à l’endroit des réactions qu’elles suscitent chez ces messieurs :
« Veut-on en arriver à une génération d’hommes si amorphes et si éteints qu’ils ne réagissent plus à rien? Des hommes qui sont toujours au neutre quelles que soient les tentations qui leur passent sous le nez? »
Laissez-moi un instant, je dois aller vomir dans mon petit seau. D’autant plus que ce matin, dans une chronique tout aussi débile, il en remet une couche sur la soi-disant émasculation des hommes, dans l’espace médiatique québécois.
Ce qui est fascinant avec des hommes comme Guy Fournier, c’est leur manie de placer le libre-arbitre des femmes en opposition directe avec la préservation d’une certaine « masculinité », comme s’il s’agissait nécessairement des deux extrémités d’un balancier.
Le problème, c’est qu’en antagonisant l’expression du désir mâle et le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes sans contraintes, on donne préséance au premier élément en le posant comme sanction « légitime » du second.
On fait donc du « droit » de sanctionner la beauté d’une femme la condition suprême de l’intégrité masculine. Selon cette logique, l’homme ne pourrait déployer pleinement sa virilité que s’il est autorisé à répondre comme bon lui semble aux attributs exhibés par les femmes qui l’entourent. Et si on l’empêche de rétribuer librement ses comparses lorsqu’elles se font belles, alors on l’émascule
C’est non seulement réduire les femmes au rang de bébelle ostentatoire, mais c’est aussi affirmer que les hommes sont des brutes sans charme qui ne se définissent qu’en rappelant l’existence de leur phallus, par des manifestations plus ou moins élégantes des désirs qui l’agitent.
C’est aussi dire qu’une femme n’existe que dans le regard de l’homme. Évidemment, si une femme se fait belle et sexy, c’est exclusivement pour attirer l’attention des hommes, ou alors pour se démarquer des autres femmes qui lui font compétition dans la lutte impitoyable pour la reproduction.
C’est bien connu, les femelles n’entretiennent entre elles que des rapports superficiels marqués par la hargne et l’animosité. Le mâle, magnanime et bienveillant, se doit donc d’intervenir dans cette émulation malsaine en gratifiant les plus méritantes de sa puissance virile. Il s’agit-là d’un réflexe « tout à fait en accord avec la génétique de l’espèce ».
Ainsi, l’homme, soi-disant, n’aurait pas à quémander le droit de « mordre à l’hameçon », il se l’arroge. L’invitation est toujours implicite au décolleté plongeant où à la minijupe. Et pour justifier les débordements libidineux qui, trop souvent, se produisent; on dira simplement qu’ils constituent des dérapages « normaux » ou « inévitables ». Bien sûr.
On porte donc les femmes responsables des réactions qu’elles suscitent chez les hommes, et on souligne qu’elles seraient bien effrontées de s’en plaindre a posteriori. Il n’en tient après tout qu’à elles de surfer sur la fine ligne entre la mise en valeur « acceptable » de leurs charmes et la légitimation des assauts « qu’on ne pourrait s’empêcher » de leur porter.
À partir de là, autant affirmer que le corps d’une femme est un buffet service à volonté. Et qu’il n’y a définitivement pas de quoi faire grand cas d’une main posée sur un genou.
Or, accepter cette rhétorique, c’est maintenir perpétuellement les femmes dans une posture de vulnérabilité « naturelle », où elles ne peuvent se protéger qu’en embrassant une certaine rectitude, ou alors en acceptant des attouchements mineurs pour soulager ces pauvres bougres qui n’en peuvent plus.
En d’autres mots, on rappelle aux femmes qu’elles ont par nature un devoir de conservatisme, faute de quoi elles doivent se résigner à “subir”. En silence.
Bienvenue à l’âge de pierre, mesdames et messieurs.
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