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Les exilés du ROC : Arianne et la Colombie-Britannique

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En Colombie-Britannique, la demande pour les classes d’immersion française au primaire est si élevée que certains parents se résignent à camper à l’extérieur des écoles pour être les premiers arrivés lors de la journée d’inscription. Oui oui, vous avez bien lu : immersion française et boxing day, même combat.

Il est pour l’instant impossible de trouver de la place pour tous les enfants, notamment à cause du manque d’espace et de ressources, mais aussi… de professeurs qualifiés.

Arianne Berteau fait partie des perles rares qui permettent aux jeunes anglos de la côte ouest de découvrir pas juste une nouvelle langue, mais aussi la culture canadienne française. “Il n’y a pas beaucoup de francophones qui viennent ici, donc tu es une ressource en toi-même. Tu connais les films et les chansons que les Québécois écoutent réellement, et tu peux les montrer aux élèves. Je me sens tellement utile, et c’est en bonne partie ce qui fait que je veux rester ici”, relate la jeune femme originaire de Farnham.

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Quand ses élèves lui demandent de leur parler de la musique québécoise, elle n’a donc pas à se référer à un corpus quelconque; juste à leur montrer tout bonnement ce qui joue dans ses écouteurs. Elle se fait d’ailleurs un point d’honneur de rester très branchée sur ce qui se passe culturellement et socialement au Québec. “Comme ça, je peux leur parler des groupes émergents qui sont populaires à Montréal. Mais ils aiment aussi les classiques comme Pierre Lapointe ou Marie-Mai”, dit-elle.

Ça fait maintenant deux ans qu’Arianne travaille chaque jour à “mettre une face sur le Québec”, à son grand bonheur.

Loin des yeux, loin du cœur

L’histoire d’amour entre Arianne et la Colombie-Britannique a commencé par une rupture. En septembre 2013, le cœur amoché, elle a décidé de mettre le plus d’espace possible entre elle et le Québec. “Je voulais aller le plus loin possible. Je regardais pour me trouver un travail comme nanny, par exemple.”

C’est à ce moment qu’une amie lui parle du programme gouvernemental Mon Odyssée, qui permet d’aller enseigner le français sous la supervision d’un professionnel pendant neuf mois ailleurs au Canada. Elle envoie sa candidature, et émet une préférence pour la Colombie-Britannique (y a pas plus loin!). Elle reçoit rapidement une offre, annonce la nouvelle à ses amis et ses parents, et neuf jours plus tard, elle atterrit au BC avec deux valises.

Après un mois, elle savait qu’elle était là pour y rester.

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Il faut dire que vers la fin de son bac en traduction, Arianne s’était déjà intéressée à l’enseignement. Mais pour être prof de français au Québec, elle aurait dû recommencer un autre bac, en enseignement. En Colombie-Britannique, on lui proposait plutôt une formation d’un an à la Simon Fraser University. “C’est tellement important de partager notre culture, notre langue… des professeurs de langue française, il en faut plus ici. Il y a beaucoup d’occasions d’emploi. C’est tellement beau, et il n’y a pas d’hiver!” dit-elle, admettant ouvertement prêcher pour sa paroisse (mais hé, il neige juste deux fois par année!).

Par contre, être loin de son ex vient aussi avec le fait d’être loin de sa famille et de ses amis. Même si notre entourage nous adore, ça peut être logistiquement un peu difficile de continuer à le voir quand on est à six heures d’avion. Arianne attend encore la visite de ses amis, qui aimeraient pourtant bien venir à sa rencontre. “Je leur dis toujours : “c’est quand vous voulez!”” lance-t-elle avec un sourire en coin.

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Des cerises et des hippies

Mais parlant de Québécois qui prennent la route vers l’ouest. Ça fait une demi-heure que je skype avec Arianne, et elle ne m’a pas encore parlé de cueillette de cerises, de pouce et de Westfalia. Ai-je donc été si mal informée par mes copains qui sont allés au BC?

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S’il est vrai que les Québécois repeuplent pratiquement la vallée de l’Okanagan chaque été, pour la population là-bas, ce style de vie est loin d’être courant. “Je n’ai entendu personne d’ici dire qu’il allait cueillir des cerises l’été. Et j’ai pas mal d’amis d’ici! Ce qu’on entend plus, c’est des filles qui ont un chum qui travaille en Alberta, quoique c’est de moins en moins vrai avec la baisse de l’économie”, dit Arianne.

Comme quoi les trips à l’extérieur des provinces varient d’une place à l’autre.

Cela dit, la réputation des “hippies du BC” n’est pas une invention. “Les gens ici sont plus proches de la mentalité californienne, ça se ressent dans l’atmosphère. Ils sont plus portés sur le biologique, sur ce qu’on peut faire pour améliorer l’environnement… c’est la seule province qui a un cours d’environnement obligatoire dans le cheminement scolaire! Il n’y a ça nulle part ailleurs, même au Québec. C’est triste.”

D’ailleurs, maintenant qu’elle habite en Colombie-Britannique, Arianne n’en revient pas qu’il n’y ait pas de collecte municipale de compost à Montréal. Les “villes vertes” de la côte ouest américaine, comme San Francisco, Portland ou Seattle, ont répandu leur couleur jusqu’au-delà de la frontière.

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Et leur attitude aussi. “Les gens sont plus slow, tout est relax. À l’épicerie, ils traînent dans le milieu de l’allée en regardant les étalages… au début, comme Québécois qui est habitué à aller vite, c’est frustrant! Mais eux se disent que s’ils ne sont pas pressés, ils ne voient pas pourquoi ils se dépêcheraient.”

Sage réflexion.

***

Arianne habite dans le quartier Fernwood, à Victoria, avec son copain britanno-colombien. Elle s’ennuie du sens du style des Québécois. Dans ses propres mots : “Ici, c’est leggings Lululemon partout. Pour toute occasion.” Adeptes de mode, vous aurez été prévenus.

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