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Les espaces de création, des lieux essentiels pour les artistes
URBANIA et le Conseil des arts de Montréal s’unissent pour vous faire découvrir des histoires d’artistes qui ont réussi à s’implanter de façon durable dans la métropole.
Être un artiste et réussir à en vivre, ce n’est pas donné à tout le monde. Ça prend un esprit créatif, bien sûr, du talent (idéalement)… mais ça prend aussi des conditions gagnantes. Avoir un espace de création, soit un lieu entièrement réservé à la création, c’est assez essentiel pour les artistes.
Un espace de création, « c’est un endroit où les artistes peuvent créer, avoir du temps pour créer et avoir les espaces adaptés à leurs besoins techniques et artistiques », résume Julien Valmary, directeur du soutien et de la philanthropie au Conseil des arts de Montréal (CAM). « C’est aussi un endroit accessible, abordable, et qui est pérenne, c’est-à-dire qu’il n’est pas tout le temps menacé de disparaître. »
Évidemment, un atelier d’artistes répond également aux besoins particuliers de la discipline artistique qu’on y pratique, précise Julien Valmary, qui ajoute que le CAM soutient la Ville de Montréal dans son plan d’action pour les ateliers d’artistes et a mis sur pied, en 2023, un laboratoire de réflexion sur le sujet.
Un projet immobilier pour femmes artistes
Dans le contexte économique qu’on connaît, et avec la crise du logement qui fait des ravages, les espaces de création abordables et adaptés pour les artistes ne courent pas les rues. En 2020, le CAM a lancé un projet pilote en collaboration avec la Ville de Montréal pour soutenir les artistes et les collectifs d’artistes et leur permettre de réaliser des projets immobiliers. Cette initiative a permis de jumeler des artistes avec des groupes de ressources techniques (GRT), qui les ont aidés à concevoir et à réaliser un projet immobilier.
« C’est important qu’on ait un espace pour se plonger dans nos pratiques respectives », explique Natacha Clitandre, une artiste œuvrant en arts visuels et numériques.
« Ça nous donne cette sécurité d’avoir un lieu où on sait qu’on peut se concentrer et se consacrer à nos pratiques. »
Natacha fait partie de la Coop MADAAM (Mouvement autogéré des artistes et artisanes montréalaises), une organisation d’économie sociale à but non lucratif qui regroupe 15 femmes artistes et artisanes. Cette organisation est née du désir d’offrir à des femmes artistes et artisanes la possibilité d’avoir un espace où travailler pendant la pandémie et qui soit à l’abri de la spéculation immobilière.
La Coop MADAAM a fait partie du projet pilote du CAM, qui lui a permis d’être accompagnée par le GRT Atelier habitation Montréal et de démarrer la réalisation du projet immobilier. Avec la collaboration de 14 partenaires financiers, la coopérative a pu faire l’acquisition d’un bâtiment dans le quartier Rosemont, que des travaux ont transformé en ateliers d’artistes.
« C’est aussi un lieu d’échange et de solidarité », ajoute Natacha, qui a dû dire adieu à son atelier des 10 dernières années après la vente de l’immeuble où il se trouvait.
« C’est un lieu d’émulation, parce que, comme on est souvent seules dans nos pratiques, que ce soit pour des questions de création, d’idéation, ou même de gestion d’entreprise, on est souvent aux prises avec des défis qu’on doit régler seules, et le fait d’être dans une communauté de femmes artistes et artisanes, donc entrepreneures… c’est chouette de pouvoir échanger », précise sa collègue Delphine Platten, une artisane qui fabrique des livres et des boîtes, et qui est aussi membre fondatrice de la coopérative.
Un centre de création de danse africaine
L’année suivante, le projet pilote du CAM s’est transformé en un programme d’accompagnement pour la conception et la réalisation de projets immobiliers culturels collectifs, qui a continué de faire des petits.
Ce programme a permis à la chorégraphe Zab Maboungou, fondatrice et directrice générale et artistique de la compagnie de danse Nyata Nyata, de réaliser le rêve qu’elle avait en tête depuis plus de 35 ans : devenir propriétaire d’un bâtiment et ouvrir le Centre Création Danse Nyata Nyata, faisant entendre les pas et les tambours de sa troupe sur le boulevard Saint-Laurent.
Ce centre, qui a officiellement ouvert ses portes en septembre, permet à la compagnie d’avoir des locaux pour les répétitions et l’enseignement, et la chorégraphe et interprète espère également qu’il devienne éventuellement un lieu de diffusion de spectacles.
« Cet espace de création est fondamental », insiste Zab Maboungou.
« Il y a de la transmission, de la formation… Mais au cœur de toutes ces activités et de ces propositions, il y a l’accueil. Nous voulons accueillir et développer cette esthétique de l’accueil. Et ce centre est idéal pour cela. »
La danse, c’est aussi un métier où la sécurité est très importante, fait remarquer Julien Valmary. Les danseurs ont besoin d’espace et de lieux sécuritaires, adaptés à leur pratique. Nyata Nyata bénéficie d’un superbe plancher de danse, désormais. C’est une des premières choses que Zab a fait installer dans les nouveaux locaux, pour s’assurer que les danseurs puissent pratiquer leur art, même s’il reste encore beaucoup de travaux à faire.
« Le lieu est une symbolique forte pour les communautés », ajoute Julien Valmary. « Auparavant, Nyata Nyata avait un espace, mais il n’était pas à la hauteur de ce qu’il aurait dû être. Et il y avait peu de lieux en danse afro-descendante qui étaient détenus par des organismes. Ça symbolise aussi un empuissancement pour une pratique artistique et un lieu de rassemblement. »
Le mot-clé : rapidité
Le cœur du programme du CAM est de financer l’accompagnement par les GRT, ces groupes d’experts en développement immobilier communautaire.
« Le plus grand ennemi des espaces de création, c’est le temps », poursuit M. Valmary. « On aime beaucoup les promoteurs immobiliers, il faut qu’on construise des logements à Montréal, mais souvent, ils seront beaucoup plus rapides, quand un bâtiment se retrouve sur le marché, que les programmes destinés aux artistes. Ça prend des gens qui comprennent la rapidité avec laquelle on doit intervenir. »
C’est un enjeu pour Montréal, mais aussi pour toutes les métropoles culturelles du monde, fait-il remarquer.
« Les artistes se sont implantés dans des quartiers autrefois abordables, souvent dans d’anciens bâtiments industriels, parce que c’est ce qu’ils pouvaient se payer. Avec le temps, les villes se sont développées, et maintenant, les ressources tendent à disparaître, parce que le marché va plus vite que la capacité. »
Heureusement, les pouvoirs publics ont pris conscience de cet enjeu pour les espaces de création, et tentent d’agir en conséquence, indique M. Valmary, qui souligne la proactivité de la Ville de Montréal.
« On croit que l’ADN d’une ville comme Montréal, c’est qu’il y ait des artistes qui puissent y vivre, y travailler et continuer à s’y projeter », assure-t-il.
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Pour en savoir plus sur les initiatives du Conseil des arts de Montréal à propos des espaces de création, c’est par ici!