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Quand t’habites pas en ville, tu penses qu’il y a juste du béton, de l’asphalte pis de la boucane; qu’il y a aucune autre forme de vie, que des humains qui grouillent partout. Je le sais, parce j’habitais à Lavaltrie avant de me déporter dans l’Esss, y’a à peu près une vie de ça. C’est peut-être dur à croire pour le monde de la campagne, de la banlieue pis d’Outremont, mais dans ma rue d’Hochelag, y’a un paquet d’arbres matures, pis juste à côté de chez nous y’a un paquet de parcs boisés, pis même des terrains vagues qui sont devenus des mini-forêts au fil du temps. C’est ben cool tout ça, parce que les arbres nous font de l’ombre de l’oxygène, pis toute, pis toute.
Pas besoin d’un bac en bio pour savoir que si y’a du bois, y va y avoir des animaux. Des chats, des chiens, des écureuils, mais aussi des ratons, pis même des renards! Pis si y’a une chose que je sais des animaux, c’est qu’ils se calissent pas mal des limites de terrain… En fait, je dis qu’ils s’en calissent, mais des fois je pense plutôt qu’ils se passent tous le mot pour venir chiller dans mes plates-bandes et y accomplir leurs besoins naturels, peu importe lesquels. C’est pas mêlant, j’ai l’impression que j’aurais besoin d’engager un red neck a’ec une carabine à plomb à temps plein pour chasser de chez nous les chiens avec des maîtres trop caves pour ramasser leurs étrons, les chats dont les maîtres étaient trop caves pour stériliser les parents, les écureuils qui sont juste trop caves au point de ronger mon set de patio en s’imaginant que c’est comestible!
Mais l’autre jour, la game est passée à un autre niveau.
C’était la nuit. J’étais a’ec le p’tit, on revenait d’un bon deux heures de route. Vu que le p’tit dormait, mon plan était de débarrer les portes de la clôture pis d’la maison, avant de l’amener dans son lit (chu pas capable de faire tout ça quand il est dans mes bras). Ça fait que j’ai parké le char dans ruelle, j’ai débarré la porte de la clôture, pis je suis entré dans cour.
Pis là, j’ai vu quelque chose bouger dans plante-bande.
C’était la nuit, j’avais laissé mes lunettes dans le char, pis j’étais un peu gommé d’avoir conduit tout ce temps-là, faque je distinguais pas grand chose. Mais je me souviens de m’être dit qu’il était gros en esti ce chat-là. J’ai aussi eu le temps de me dire que j’avais jamais vu ça un chat noir avec le dos tout blanc… En une fraction de seconde, l’animal a lâché un “psshhh!!!!” et a levé la queue drette dins air. C’est là que j’ai allumé: c’était pas un chat, MAIS UNE TABARNAK DE MOUFFETTE QUI ÉTAIT EN TRAIN DE M’ENLIGNER!!!!
Comme dans un film, j’ai reviré les talons d’une shot pis j’ai parcouru en moins d’une fraction de seconde la distance d’un mètre et demi qui me séparait d’la porte d’la clôture. Chu pas mal sûr que, dans toute l’histoire d’Hochelaga, on n’a jamais vu un gars claquer sa porte de clôture aussi vite que ça!
Après ça, chu revenu dans le char et je suis resté derrière le volant pendant un bon deux minutes. Puis, chu ressorti pour aller espionner la bête par le petit espace entre les planches d’la clôture. Elle était ben relaxe. Un peu comme toé quand t’es en pyj dans ton salon. Tu voyais par son non-verbal qu’elle se calissait ben de nous autres pis qu’elle se sentait chez elle. Elle était en pleine confiance.
C’est là que j’ai pris mon fils par la main et que je lui ai annoncé gravement qu’on allait faire le tour et passer par en avant pour rentrer à la maison.
-Papa, pourquoi on peut pas passer par la cour?
-On a pas le choix, sinon la mouffette nous ferait pipi dessus!
-Mais si la mouffette nous fait pipi dessus, papa, on va avoir le droit de lui faire pipi dessus, nous aussi han?
-Hahaha! C’est pas si simple que ça…
-C’est juste les grands qui peuvent faire pipi sur les mouffettes?
-Aww.
Cette nuit-là, on a réussi à s’en sortir indemnes, après avoir frôlé la catastrophe. Mais depuis, j’arrête pas de la croiser partout: sur le trottoir avant quand je fais exprès de pas passer par ma cour arrière, dans la ruelle du Parc Morgan en revenant de l’épicerie, sur le gazon du voisin, etc. En plus, ma voisine m’a confirmé qu’il y en a pas rien qu’une, mais qu’elles sont au moins trois! Bref, y’a toute une tarbanak de famille de mouffettes qui a élu domicile dans notre rue!!
Je n’ose presque plus sortir seul la nuit. L’autre jour, j’y pensais pas et chu sorti par la porte d’en avant d’un pas décidé. Puis, j’ai aperçu un mouvement du coin de l’œil; j’ai figé, j’étais à découvert, vulnérable. Je m’apprêtais à recevoir la giclée en pleine face, quand je me suis rendu compte que ce n’était qu’un chat. Je ne me souviens pas avoir déjà vécu un tel soulagement. Reste que l’anecdote montre à quel point ces mouffettes ont de l’emprise sur moi: elles sont là même quand elles sont pas là!
Elles viennent aussi s’immiscer dans mon intimité. Ainsi, l’autre jour, j’avais une conversation sur l’oreiller a’ec ma femme. Tsé, le genre de conversation dans laquelle tu veux surtout pas y couper la parole. Pis un moment donné, y’a comme une odeur de gaz qui a envahi la chambre.
-Bééé? (Je l’appelle pas vraiment “Bé”, sauf depuis 4-5 ans. Après avoir tellement niaisé le monde d’Occupation Double qui appelait leur blonde de même, ça m’est resté comme un tic de langage, à son grand désarroi.)
-Heille, chu en train de te parler!
-Oué je le sais, mais il faut que je te pose une question vraiment importante. C’est que ça sent vraiment le calice, pis je me demande si t’as pas pété?
-Ben là franchement!
-Ah, c’est peut-être moé d’abord, mais c’est bizarre pourtant les fenêtres sont ouvertes, ça devrait pas sentir… AH TABARNAK, C’EST LA CALICE DE MOUFFETTE QUI A PISSÉ DANS COUR!!!!!
Comme un seul homme, j’ai fermé toutes les fenêtres de la maison en un tournemain. Puis, je suis retourné dans le lit la serrer fort dans mes bras. On voyait la mouffette qui nous narguait sur notre propre terrasse par la fenêtre de la chambre, effectuant des mouvements de va-et-vient menaçant. C’est rendu qu’elle nous empoisonne la vie, jusque dans le lit conjugal!
C’est pas mêlant, je me sens comme l’équipe de pub du Bloc Québécois et Bernard Drainville qui se seraient perdus dans le pèlerinage de La Mecque: MENACÉ, ENVAHI, ASSIÉGÉ!!! En cette période d’élections, j’annonce en grande primeur que je vote pour le parti qui saura me débarrasser des crisses de mouffettes et me redonner la vie paisible que je menais avant cette invasion.