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Les envahisseurs

Par
Rémi Bourget
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Quand t’habites pas en ville, tu penses qu’il y a juste du bĂ©ton, de l’asphalte pis de la boucane; qu’il y a aucune autre forme de vie, que des humains qui grouillent partout. Je le sais, parce j’habitais Ă  Lavaltrie avant de me dĂ©porter dans l’Esss, y’a Ă  peu prĂšs une vie de ça. C’est peut-ĂȘtre dur Ă  croire pour le monde de la campagne, de la banlieue pis d’Outremont, mais dans ma rue d’Hochelag, y’a un paquet d’arbres matures, pis juste Ă  cĂŽtĂ© de chez nous y’a un paquet de parcs boisĂ©s, pis mĂȘme des terrains vagues qui sont devenus des mini-forĂȘts au fil du temps. C’est ben cool tout ça, parce que les arbres nous font de l’ombre de l’oxygĂšne, pis toute, pis toute.

Pas besoin d’un bac en bio pour savoir que si y’a du bois, y va y avoir des animaux. Des chats, des chiens, des Ă©cureuils, mais aussi des ratons, pis mĂȘme des renards! Pis si y’a une chose que je sais des animaux, c’est qu’ils se calissent pas mal des limites de terrain
 En fait, je dis qu’ils s’en calissent, mais des fois je pense plutĂŽt qu’ils se passent tous le mot pour venir chiller dans mes plates-bandes et y accomplir leurs besoins naturels, peu importe lesquels. C’est pas mĂȘlant, j’ai l’impression que j’aurais besoin d’engager un red neck a’ec une carabine Ă  plomb Ă  temps plein pour chasser de chez nous les chiens avec des maĂźtres trop caves pour ramasser leurs Ă©trons, les chats dont les maĂźtres Ă©taient trop caves pour stĂ©riliser les parents, les Ă©cureuils qui sont juste trop caves au point de ronger mon set de patio en s’imaginant que c’est comestible!

Mais l’autre jour, la game est passĂ©e Ă  un autre niveau.

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C’était la nuit. J’étais a’ec le p’tit, on revenait d’un bon deux heures de route. Vu que le p’tit dormait, mon plan Ă©tait de dĂ©barrer les portes de la clĂŽture pis d’la maison, avant de l’amener dans son lit (chu pas capable de faire tout ça quand il est dans mes bras). Ça fait que j’ai parkĂ© le char dans ruelle, j’ai dĂ©barrĂ© la porte de la clĂŽture, pis je suis entrĂ© dans cour.

Pis là, j’ai vu quelque chose bouger dans plante-bande.

C’était la nuit, j’avais laissĂ© mes lunettes dans le char, pis j’étais un peu gommĂ© d’avoir conduit tout ce temps-lĂ , faque je distinguais pas grand chose. Mais je me souviens de m’ĂȘtre dit qu’il Ă©tait gros en esti ce chat-lĂ . J’ai aussi eu le temps de me dire que j’avais jamais vu ça un chat noir avec le dos tout blanc
 En une fraction de seconde, l’animal a lĂąchĂ© un “psshhh!!!!” et a levĂ© la queue drette dins air. C’est lĂ  que j’ai allumĂ©: c’était pas un chat, MAIS UNE TABARNAK DE MOUFFETTE QUI ÉTAIT EN TRAIN DE M’ENLIGNER!!!!

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Comme dans un film, j’ai revirĂ© les talons d’une shot pis j’ai parcouru en moins d’une fraction de seconde la distance d’un mĂštre et demi qui me sĂ©parait d’la porte d’la clĂŽture. Chu pas mal sĂ»r que, dans toute l’histoire d’Hochelaga, on n’a jamais vu un gars claquer sa porte de clĂŽture aussi vite que ça!

AprĂšs ça, chu revenu dans le char et je suis restĂ© derriĂšre le volant pendant un bon deux minutes. Puis, chu ressorti pour aller espionner la bĂȘte par le petit espace entre les planches d’la clĂŽture. Elle Ă©tait ben relaxe. Un peu comme toĂ© quand t’es en pyj dans ton salon. Tu voyais par son non-verbal qu’elle se calissait ben de nous autres pis qu’elle se sentait chez elle. Elle Ă©tait en pleine confiance.

C’est lĂ  que j’ai pris mon fils par la main et que je lui ai annoncĂ© gravement qu’on allait faire le tour et passer par en avant pour rentrer Ă  la maison.

-Papa, pourquoi on peut pas passer par la cour?

-On a pas le choix, sinon la mouffette nous ferait pipi dessus!

-Mais si la mouffette nous fait pipi dessus, papa, on va avoir le droit de lui faire pipi dessus, nous aussi han?

-Hahaha! C’est pas si simple que ça


-C’est juste les grands qui peuvent faire pipi sur les mouffettes?

-Aww.

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Cette nuit-lĂ , on a rĂ©ussi Ă  s’en sortir indemnes, aprĂšs avoir frĂŽlĂ© la catastrophe. Mais depuis, j’arrĂȘte pas de la croiser partout: sur le trottoir avant quand je fais exprĂšs de pas passer par ma cour arriĂšre, dans la ruelle du Parc Morgan en revenant de l’épicerie, sur le gazon du voisin, etc. En plus, ma voisine m’a confirmĂ© qu’il y en a pas rien qu’une, mais qu’elles sont au moins trois! Bref, y’a toute une tarbanak de famille de mouffettes qui a Ă©lu domicile dans notre rue!!

Je n’ose presque plus sortir seul la nuit. L’autre jour, j’y pensais pas et chu sorti par la porte d’en avant d’un pas dĂ©cidĂ©. Puis, j’ai aperçu un mouvement du coin de l’Ɠil; j’ai figĂ©, j’étais Ă  dĂ©couvert, vulnĂ©rable. Je m’apprĂȘtais Ă  recevoir la giclĂ©e en pleine face, quand je me suis rendu compte que ce n’était qu’un chat. Je ne me souviens pas avoir dĂ©jĂ  vĂ©cu un tel soulagement. Reste que l’anecdote montre Ă  quel point ces mouffettes ont de l’emprise sur moi: elles sont lĂ  mĂȘme quand elles sont pas lĂ !

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Elles viennent aussi s’immiscer dans mon intimitĂ©. Ainsi, l’autre jour, j’avais une conversation sur l’oreiller a’ec ma femme. TsĂ©, le genre de conversation dans laquelle tu veux surtout pas y couper la parole. Pis un moment donnĂ©, y’a comme une odeur de gaz qui a envahi la chambre.

-Bééé? (Je l’appelle pas vraiment “BĂ©â€, sauf depuis 4-5 ans. AprĂšs avoir tellement niaisĂ© le monde d’Occupation Double qui appelait leur blonde de mĂȘme, ça m’est restĂ© comme un tic de langage, Ă  son grand dĂ©sarroi.)

-Heille, chu en train de te parler!

-OuĂ© je le sais, mais il faut que je te pose une question vraiment importante. C’est que ça sent vraiment le calice, pis je me demande si t’as pas pĂ©tĂ©?

-Ben lĂ  franchement!

-Ah, c’est peut-ĂȘtre moĂ© d’abord, mais c’est bizarre pourtant les fenĂȘtres sont ouvertes, ça devrait pas sentir
 AH TABARNAK, C’EST LA CALICE DE MOUFFETTE QUI A PISSÉ DANS COUR!!!!!

Comme un seul homme, j’ai fermĂ© toutes les fenĂȘtres de la maison en un tournemain. Puis, je suis retournĂ© dans le lit la serrer fort dans mes bras. On voyait la mouffette qui nous narguait sur notre propre terrasse par la fenĂȘtre de la chambre, effectuant des mouvements de va-et-vient menaçant. C’est rendu qu’elle nous empoisonne la vie, jusque dans le lit conjugal!

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C’est pas mĂȘlant, je me sens comme l’équipe de pub du Bloc QuĂ©bĂ©cois et Bernard Drainville qui se seraient perdus dans le pĂšlerinage de La Mecque: MENACÉ, ENVAHI, ASSIÉGÉ!!! En cette pĂ©riode d’élections, j’annonce en grande primeur que je vote pour le parti qui saura me dĂ©barrasser des crisses de mouffettes et me redonner la vie paisible que je menais avant cette invasion.